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La danse séduit les quadras +
«Face au miroir, lors de l’échauffement, je ne reconnaissais plus mon corps. Il était raide et je ne voyais que les bourrelets disgracieux dans mon justaucorps. Vingt ans après mes derniers cours de modern jazz, je n’arrivais même pas à toucher mes pieds du bout des doigts. Là, je me suis dit que c’était foutu et que je n’avais qu’à retourner au vestiaire», se souvient Sylvie, 41 ans, petit rat du mercredi entre ses 6 et 20 ans, qui s’y est remise «parce qu’elle en mourrait d’envie sans oser vraiment le faire».
Passée l’angoisse du premier plié-tendu et un coup d’œil à ses camarades de galère, toutes la quarantaine passée, Sylvie s’est accrochée. «Ça fait plus d’un an que je danse et j’y prends un plaisir inouï!» A l’instar de la Genevoise, de plus en plus de femmes se mettent ou se remettent à la danse quand elles sortent des biberons et sont bien installées dans leur vie professionnelle.
Comme Anne, 45 ans, qui a repris le classique et le moderne depuis la rentrée:
J’ai choisi la danse, car je l’ai beaucoup pratiquée étant jeune et c’est une activité qui m’avait initialement beaucoup épanouie.»
Peu importe le style choisi, toutes sont unanimes pour dire que le fitness et les cours du genre zumba bien cardio où tout le monde se regarde parmi sans vraiment réussir à suivre, ce n’était pas ou plus leur truc. Les plus de 40 ans recherchent avant tout le plaisir de bouger et les écoles de danse leur réservent désormais des cours adaptés, moins dans la performance que dans la bienveillance.
Pour Isabelle, 51 ans, c’est aujourd’hui la samba: «J’ai toujours fait de la danse, depuis petite; du classique, de la danse contemporaine, du hip-hop. Avec les études, j’ai arrêté pour pratiquer d’autres sports, mais il y a dans la danse un côté esthétique et artistique qu’on ne trouve pas dans le fitness, où c’est plus une recherche de musculature, de silhouette. La samba, c’est le plaisir pur de bouger et de s’exprimer avec son corps.» Toutefois, avant de vraiment y trouver du plaisir, il y a quand même quelques étapes psychologiques à passer.
1. Oser se regarder
Le face-à-face avec le miroir, c’est l’épreuve du feu. Comme pour Sylvie qui, chaussons aux pieds, ne voyait plus que les bourrelets, vestiges de ses deux grossesses ou Sonja, 54 ans, qui danse la samba depuis deux ans à Lausanne:
La peur de faire moche, aussi, parce que le miroir ne renvoie pas toujours l’image qu’on a de soi. «Il y a parfois un décalage entre ce qu’on perçoit de son physique, le mouvement qu’on vit assez bien dans sa tête, et le résultat dans la glace. On est assez sévère avec soi-même», continue Sonja.
2. Laisser ses complexes au vestiaire
Cuisses trop grosses, fesses qui tombent, seins qui pendent… toutes ont leurs complexes passé un certain âge, mais il s’agit de les oublier quand il faut se lancer sur la piste. C’est ce à quoi s’emploient les écoles qui proposent des cours pour les quadras et plus. Depuis un an, l’Académie Lucky Dance, à Lausanne, a ouvert un cours de danses latines et standards pour les femmes de 40 à 60 ans et les élèves y apprennent des pas de madison ou de pop sous la houlette de Françoise Budry.
Le but est qu’elles soient à l’aise. Il faut se regarder dans le miroir, bien sûr, et ce n’est pas si simple pour certaines. Comme exercice, je les invite à danser les bras en l’air… ce qui veut dire: Regardez-moi sur la piste de danse!». Pas si évident quand on complexe. Dans le même esprit, chez Sambaline, l’école où Sonja et Isabelle se déhanchent, la directrice et professeure Aline Raboud explique:
Chacun doit être valorisé et je propose des exercices pour avoir une ambiance bienveillante dans les cours, comme s’exposer en dansant devant le groupe pendant que les autres encouragent. Ça limite les pensées parasites de comparaison.» On crée ainsi un espace sécurisé, voire bienveillant, pour laisser sa féminité transformée s’exprimer sans peur du jugement des autres – et du sien, surtout.
3. Réinvestir son corps
Cet état d’esprit s’inscrit dans la tendance body positive ambiante, qui veut que tous les âges, corps, genres puissent s’exprimer librement. «Je suis contre cette norme du corps féminin lié à l’âge. Dans la samba, les corps sont très codés, comme le montrent les stéréotypes des filles qui dansent au Carnaval de Rio, mais à l’origine ce sont aussi des corps qui s’assument sous toutes leurs formes, tous leurs âges. Dans la samba, on montre les complexes», souligne Aline Raboud.
Ainsi, la tenue mini et moulante qui va avec est un défi, même si durant les cours elle n’est pas imposée. Un point qui ne dérange pas Isabelle, au contraire: «Ça met en valeur le corps féminin et ses formes en étant sexy mais pas sexuel. Tout le monde a ses complexes, mais c’est un plaisir de bouger sur la musique, de s’exprimer avec son corps.» Avec peut-être moins de craintes, finalement?
Je m’autorise plus à lâcher prise et à m’accepter comme je suis», continue la quinquagénaire, qui est aussi psychiatre spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire et qui constate dans sa pratique combien les femmes ont un rapport conflictuel avec leur physique, parfois jusqu’au mépris: «Un grand nombre d’entre elles éprouvent un vrai dénigrement de leur corps, qui va au-delà du complexe. Elles s’en déconnectent et le maltraitent. Le mouvement body positive est important pour encourager à retrouver de la bienveillance pour son anatomie.»
Si, pour la plupart des danseuses, le contrat est rempli et qu’elles font avec leurs psychoses personnelles, ce n’est pas le cas pour toutes celles qui reprennent le chemin des studios. «Je me demande si c’est un bon choix d’avoir recommencé la danse, qui avait eu une importance capitale dans ma vie d’adolescente, mais qui m’avait quand même conduite à être en conflit avec mon corps, confie Anne, qui a souffert de troubles du comportement alimentaire dans sa jeunesse. Je pensais retrouver le même plaisir de danser, mais malheureusement, avec l’âge, j’ai perdu tout ce qui était nécessaire pour faire de moi une bonne danseuse. Au lieu de m’apporter du plaisir et du bien-être, cela m’apporte une espèce de souffrance à la fois physique et psychique.
Il faut dire que ses années de danse l’ont dans un premier temps expédiée dans un cours de classique, niveau avancé. Elle a depuis changé, pour ne faire plus que de la danse moderne, pour «retrouver une perception de mon corps, mais sans douleur.»
4. Ecouter ses articulations
Avec l’âge, forcément, on se dit que niveau souplesse et coordination, on ne va pas y arriver. Faux, selon le Dr Gérald Gremion, médecin du sport au CHUV: «On ne peut pas demander les mêmes contorsions, car ce ne sont plus les mêmes articulations ni les mêmes muscles, mais il n’y a pas de contre-indications à faire de la danse après 40 ans, au contraire. Quand on avance en âge, plus on entraîne la coordination et le renforcement spécifique dans des situations de déséquilibre, meilleur c’est à long terme.»
A 59 ans, Daniela, qui avait toujours rêvé de faire de la danse classique, s’est inscrite à un cours d’initiation proposé à l’académie de danse Igokat, à Lausanne, et constate combien cette activité est bénéfique pour son corps: «J’avais peur que ce soit trop dur, mais la rigueur et la répétition qui vont avec la danse classique permettent un travail énorme sur la coordination des mouvements et l’entraînement de la mémoire.
Preuve que la rigueur associée à la danse classique plaît, les cours sont pris d’assaut, comme le constate Igor Piovano, codirecteur et professeur chez Igokat: «La discipline plaît! Même si ces femmes sont moins souples, c’est aussi le travail de la posture et de l’en-dehors [la rotation extérieure du pied] qui les intéresse. C’est une grande découverte pour celles qui n’ont jamais pu faire de danse classique petites alors qu’elles en rêvaient. Seul prérequis: aimer le côté répétitif des mouvements.»
Pas d’obstacle physique pour s’y mettre, donc, et que des bénéfices, si on en croit les plus convaincues, comme Sonja, par la samba: «De base, je suis assez nulle en danse, la coordination des mouvements, c’est compliqué pour moi. Mais après avoir longtemps fait de la capoeira, que j’ai dû arrêter car j’avais un début d’arthrose à la hanche, je suis ravie de cette activité qui demande de l’effort sans être pénible physiquement.»
Des adresses pour s'y mettre
- VAUD Initiation au classique adultes, Igokat Academy, Lausanne, igokat.com
Cours de samba, SambAline, Lausanne et Vevey, samba.raboud.com Danses latines et standards adultes, Académie Lucky Danse, danse.ch - GENÈVE Danse classique débutants adultes, Studio des Bains, studiodesbains.ch
Contemporain débutants adultes, Ecole de danse de Genève, limprimerie.ch - VALAIS Classique adultes débutants, Clara Danse Académie, Sierre, academiededanseclara.com
- NEUCHÂTEL Cours de danse contemporaine et classique adultes, Danse Equilibre, danse-equilibre.ch
- FRIBOURG Cours de modern jazz adultes à Granges-Paccot, CIDC (Cunningham International Dance Center), cidc.ch
Sélection non exhaustive. Dénichez le cours qui vous convient, sur trouver-un-cours.ch, onglet sport et mouvement, puis danses, les possibilités s’affichent par âge, canton, ville, type de danse.