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Jessica Jaccoud: mère à 18 ans, avocate des opprimés à 32

Jessica Jaccoud : mère à 18 ans, avocate des opprimés à 32
© Sophie Brasey

Elle cache, ce jour-là, les tatouages qui font de ses épaules les plus chatoyantes de la politique suisse; et reçoit dans «sa chambre» – son bureau à Vevey – de préférence à son chez-elle, à Nyon. Elle y passe davantage de temps! dit-elle. Surtout, elle tient à protéger sa bulle intime. «On est tellement exposé; j’ai besoin d’un endroit soustrait à toutes les ondes extérieures – sauf à celles des parents et amis que nous invitons volontiers.»

On n’apercevra donc ni Masha, 14 ans, ni le chat, ni l’homme de sa vie. Et on s’attend à un mur de discrétion, mais non: Jessica Jaccoud se raconte sans réticence – question de cohérence, «puisque j’ai accepté l’interview» – dans ce décor professionnel très personnel, chaise Eames et meuble USM vintage, un livre sur l’architecte Mies van der Rohe, un tableau réalisé pour elle par sept amis. Amour du design et de l’art contemporain partagé avec son compagnon, graphiste indépendant de mère Colombienne. Elle voue une totale admiration à son travail, s’initie à la musique de sa patrie maternelle... Mais leur passion commune, c’est la neige.

L'amour de la montagne

Snowboardeuse acharnée depuis l’adolescence, Jessica ne conçoit pas un hiver sans:

La montagne tous les week-ends de décembre à avril. Sortir du stratus, toucher la neige, une raclette et ça repart!

Elle attaque alors la semaine batteries rechargées. Appréciable, pour une «marmotte» – elle en rit – qui se prive chaque nuit en ne dormant que six heures pour venir à bout de toutes les tâches qu’elle se met sur le dos. Peu de temps pour les polars nordiques qui la captivent au point qu’elle en veut à Nesbø d’oublier Harry Hole (le second étant le personnage récurrent des romans du premier, ndlr).

Tête de mule comme papa

Certes, la conseillère communale nyonnaise a renoncé à la Commission des finances en acceptant la vice-présidence du Parti socialiste vaudois. Une charge aussi importante qu’invisible, mais «j’aime travailler pour le parti, je lui suis redevable. Mes mandats m’apportent tant, en compétence et sur le plan humain.» Un échelon, pour la députée, vers d’autres fonctions, Conseil national, Conseil d’Etat? Coup d’œil vrillant: «On peut se fixer des objectifs professionnels qu’on atteint en travaillant dur; pas en politique. Un plan de carrière serait une erreur stratégique!»

Affirmation bien dans la manière de Jessica Jaccoud, frontale, nette, dénuée d’émotion superflue. Des ambitions? «Non, des envies. En politique: envie de faire plus que d’être.» D’où vient ce caractère? De son père. Voyez, dans l’album, le regard du beau garçon qui porte son bébé (page 10). Pour travailler chez Rolex, l’ingénieur déménage sa famille du Crissier natal de sa femme, ex-dessinatrice technique, à Nyon. Le fils cadet (qui sera ingénieur, lui aussi) a 5 ans, l’aînée en a 8 et s’est totalement attachée à ce terroir.


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En parlant de son père, Jessica transpire la tendresse moqueuse. Elle a hérité la tête de mule de ce «pince-sans-rire cynique» redouté des copains et ravi de les bousculer, intransigeant sur les valeurs, commentant à table les infos politiques de façon incisive. «Un caractère brut, taillé par ma mère.» Elle, «la mère au foyer la plus épanouie du monde», se plaint pour rire de n’avoir plus de place quand ils sont là tous les deux.

La jeune femme se montre profondément attachée à ces parents «non jugeants» qui lui ont apporté «un soutien exceptionnel, inconditionnel» lorsque à 18 ans elle donna naissance à Masha. Grâce à eux et au père de l’enfant – ils se sépareront quelques années plus tard – Jessica ira chercher son diplôme de baccalauréat en tenant fièrement sa fille de 2 ans et demi dans ses bras.

Un clan soudé pour modèle

Ce caractère forgé dans l’épreuve doit aussi beaucoup à ses grands-parents paternels, des modèles de vie. Est-ce dû à ce clan soudé, courageux, positif? Jessica Jaccoud se définit par trois familles. Il y a les siens, fille, compagnon, parents. Le parti – «on s’y chamaille, affectueusement, tout autant». Et la famille professionnelle. Indépendante depuis un an, l’avocate s’est intégrée à l’étude Mattenberg Associés par affinité idéologique – on défend les locataires, aux propriétaires on «conseille un confrère compétent» – et par désir impérieux de travailler en équipe.

C’est la solidarité, déjà, qui l’a sauvée lorsqu’elle étudiait le droit: quatre amies désargentées s’entraidaient pour rattraper les cours que les jobs temporaires (hôtesse de terre à Cointrin) les empêchaient de suivre. Et c’est vers la solidarité qu’elle s’est tournée finalement. Après quatre années passées dans l’univers de l’UEFA, doré, techniquement passionnant mais contraire à ses valeurs, puis un master en droit du sport (passion héritée de son père, encyclopédie omnisportive), son stage à Vevey l’a convaincue que la cohérence de sa vie était dans la défense d’une clientèle peu favorisée comme dans celle de ses valeurs au sein du PS.

Solidarité et autonomie. Car, seule de sa famille à passer par l’université, elle ne doit qu’à sa volonté et au soutien de ses parents de faire ce métier «éprouvant, usant», mais qu’elle ne lâcherait pour rien au monde. «Le jour où j’ai obtenu mon brevet était le plus beau de ma vie, après la naissance de Masha.» Avec qui elle voyage le plus possible, savourant cette liberté qu’envient ses copines mères d’enfants en bas âge. Jessica se souvient qu’enfant elle se réjouissait d’avoir 30 ans, «parce que les adultes peuvent décider». Elle avait raison.


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