Enseignement
Géraldine Savary: «L'école face aux dérives de la société»
«Le corps enseignant est soumis à des actes qui menacent son intégrité physique et morale.» - Géraldine Savary
© ELSA GUILLETL’école deviendrait-elle un nouveau champ de bataille? Un espace où les polémiques, les marqueurs sociaux et les questions identitaires explosent encore plus brutalement qu’ailleurs?
Le corps enseignant est soumis à des actes qui menacent son intégrité physique et morale. À Porrentruy en 2023 ou dans le canton de Vaud, en Suisse alémanique récemment comme l’ont relaté nos collègues de 24 heures, des enseignantes et des enseignants sont victimes d’insultes, de coups, d’humiliations contre lesquels ils et elles se trouvent désarmé-e-s, se sentant insuffisamment soutenu-e-s par les directions d’établissement et les autorités.
À ce propos, en février 2024, l’arrêt du Tribunal des Prud’hommes de l’administration vaudoise, dont on ne connaît pas encore les détails de la décision et qui peut être sujet à recours, donne raison à une enseignante, Madeleine Courvoisier. Cette dernière aurait dû pouvoir compter sur plus de soutien de la part de sa hiérarchie au moment où elle a été victime de tags discriminatoires.
La violence à l'école n'épargne pas les enfants et les ados
Les élèves ne sont pas épargné-e-s non plus. Harcèlement qui commence sur les réseaux sociaux et culmine dans la cour de récréation, moqueries, hating, voire comme ce fut le cas en France, brutalités inouïes sur le chemin de l’école.
Le tableau est plus noir sans doute que la réalité. L’essentiel des parcours se passe bien, dans un climat propice à l’apprentissage et où le corps enseignant se sait respecté. Néanmoins, alors que l’école devrait être l’espace où se révèle la belle complexité du monde, elle renvoie l’écho amplifié des tranchées. Les guerres, les slogans bellicistes finissent par contaminer les préaux.
Sur un autre front, les débats de valeurs (autour de la laïcité, de la parentalité, de l’éducation sexuelle par exemple) prennent l’école en otage; les réponses qu’elle donne sont régulièrement sujettes à tension; les plates-formes d’échange qui agglomèrent les comportements et les propos injurieux virtuels légitiment ceux qui s’épanouissent en milieu scolaire.
Tout ce que la société nourrit de beau se retrouve à l’école, tout ce qu’elle génère de bas et de mesquin aussi.
Enfin, le manque de confiance croissant de la population vis-à-vis de l’autorité touche le corps enseignant. Si on ne croit plus en ce que disent les gouvernements, pourquoi alors écouter son enseignant-e?
Une société doit protéger l’école de ses propres dérives. C’est le premier pas pour les éviter.
Retrouvez cet édito dans le magazine «Femina» du 28 avril 2024.
