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Dee Dee Bridgewater du blues au jazz

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Dee Dee Bridgewater sur scène.

© Getty Images

Généreuse, passionnée, radieuse et pleine d’une énergie positive extraordinairement communicative, Dee Dee Bridgewater ne s’arrête jamais. Avec fougue et talent, elle enchaîne les albums, les projets musicaux, les tournées. Ainsi, d’ici quelques semaines, quand elle en aura terminé avec le «Dee Dee’s Feathers Tour», qui la fait remonter aux sources vives du jazz néo-orléanais, elle va retourner à ses racines.

Tout en douceur, voix veloutée du matin, elle explique qu’à 66 ans elle a besoin de renouer avec elle-même, avec ses origines. Raison pour laquelle elle a décidé d’enregistrer un album de blues à Memphis, la ville où elle est née et qui, émotionnellement et musicalement, l’a énormément influencée: «Je n’y ai quasi pas de souvenirs, puisque nous avons déménagé dans le Michigan quand j’avais 4 ans. Pourtant, bizarrement, j’en suis imprégnée, je sens que je viens vraiment de là.» Songeuse, Lady Dee évoque maintenant Flint, ville ouvrière du Michigan où elle a grandi, sa mère, dont elle s’occupe beaucoup aujourd’hui, et puis son père, Matthew Garret, trompettiste et prof de musique. C’est à lui, fondamentalement, qu’elle doit sa carrière. Car non content de l’avoir éveillée au jazz, il l’a aussi poussée à chanter: «Moi, je voulais apprendre à jouer du piano, mais il m’a dit: «Non, non, ton instrument à toi, c’est la voix!»

Avec tendresse, elle se remémore les radiocrochets auxquels, adolescente, elle participait, ainsi que ses premiers concerts, escortée par Monsieur Papa: «Je me rappelle notamment une soirée assez épique, à 16 ans… Etant mineure, j’avais le droit d’être sur scène mais pas celui de rester dans la salle. Du coup, on m’avait installée dans la cuisine et, quand je devais chanter, mon père venait m’y chercher. Il se mettait au pied du podium pour m’écouter et me raccompagnait dans les coulisses dès que j’avais fini. C’était terrible!», raconte-t-elle en riant.

Sous l’emprise de Lady Day

Elle reprend son sérieux et poursuit: «A l’époque, je ne pensais pas faire ma vie dans le spectacle et je suis donc partie étudier à l’Université. Mais voilà… Mon père – encore lui! – m’a recommandée à l’un de ses amis qui était prof et, surtout, saxophoniste. Et, d’un concert à l’autre, les choses se sont faites!»

C’est ainsi que, dès 1971, fraîchement mariée au trompettiste Cecil Bridgewater et engagée dans l’orchestre de Thad Jones et Mel Lewis, Dee Dee se lance à corps perdu dans la musique. Avec sensibilité et intelligence, elle trace sa voie et, portée par Sarah Vaughan ou Aretha Franklin, les «mères spirituelles» dont elle se réclame, elle trouve sa propre identité artistique. Solaire et royale, elle envoûte la galaxie «jazz», dont elle devient vite l’une des étoiles les plus lumineuses.

Nous voici en 1984. Désormais installée à Paris, Lady Dee incarne Billie Holiday dans la pièce musicale «Lady Day». Sa performance est impressionnante et lui vaut d’être encensée par le public et la critique. Mais, à petit feu, ce rôle la consume et, jour après jour, elle sombre: «Billie avait pris possession de moi, j’étais devenue elle – et cela se voyait même physiquement! Quand nous avons arrêté le spectacle après deux ans, il m’a fallu plusieurs mois pour redevenir moi-même, pour retrouver ma voix et ne plus être sous son emprise.»

Rendre un peu de ce qu’elle a reçu

Passée cette épreuve, l’artiste repart de plus belle: tournées, enregistrements, comédies musicales… Parallèlement, elle s’investit pour les autres: ambassadrice de bonne volonté de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) depuis 1999, Dee Dee Bridgewater milite aussi pour la cause féminine en général et celle des Afro-Américaines en particulier. A la base de cet engagement sans faille: deux femmes. «Adolescente, j’étais attirée par la poésie. J’adorais en particulier la poétesse Gwendolyn Brooks, première femme noire à avoir gagné le Prix Pulitzer, en 1950. J’étais fascinée par sa personnalité et son œuvre. Elle m’a donné envie de me battre. Envie d’écrire, aussi – peut-être finirai-je par me lancer, un jour? Et puis, à la fin des années 1960, j’ai commencé à développer une conscience sociale grâce à Shirley Chisholm, la première Noire à avoir siégé au Congrès. Je regardais ses interventions à la télé, lisais ses interviews… Elle m’a énormément appris et inspirée. Du coup, j’ai commencé à me passionner pour la politique.» Un domaine que Lady Dee connaît bien, donc, et qui n’est pas si éloigné de son art, comme l’a souligné... Barack Obama. C’était en avril 2016, à la Maison-Blanche, lors de l’International Jazz Day où elle tenait la vedette. Mister Président a ainsi noté:«Le jazz est peut-être la réflexion la plus honnête sur ce que nous sommes comme nation. Parce qu’après tout y a-t-il jamais eu plus grande improvisation que l’Amérique elle-même?»

Ce jour-là, la Première Dame lui a glissé: «Merci d’avoir représenté la femme noire avec autant de classe et d’élégance!», se rappelle-t-elle. «J’avais investi une fortune pour m’acheter une tenue Escada et des bijoux estampillés Beyoncé, parce que je voulais être chic, poursuit-elle en riant… Ça aussi, ça vient de mon enfance. Et plus précisément de ma tante Tootsie: elle avait un sens du style et de la mode incroyable et, couturière hors pair, copiait des modèles de «Vogue»: c’était magnifique! Surtout, elle m’a ouvert les yeux sur l’importance de l’image.»

Une image que Dee Dee veut belle, donc, mais pas vide. «Toute ma vie, des gens merveilleux m’ont donné des choses précieuses et m’ont permis d’être qui je suis. Maintenant, c’est à mon tour d’aider la communauté et d’essayer de rendre un peu de ce que j’ai reçu.»


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Ce qui la dope Ma famille, bien entendu. Mais aussi la musique et plus spécifiquement le blues, depuis quelque temps.

Son don inattendu Quand j’étais adolescente, j’avais une prof de «secrétariat». Elle m’appelait Sunshine (rayon de soleil) et m’encourageait beaucoup. Si bien que j’étais très bonne en sténo et en dactylo. Et que j’ai pu trouver des petits boulots dans des bureaux, échappant à l’usine.

Sur sa shamelist Je regarde des séries à la TV, dont «How to get away with murder»: j’adore Viola Davis. Et j’aime aussi «Empire», qui parle de l’industrie musicale. A vrai dire, j’adorerais être l’invitée spéciale d’un épisode!

Son dernier fou rire Je ne sais pas vraiment car je ris beaucoup.

Son buzz Tout ce qui tourne autour des présidentielles américaines. Je suis très, très inquiète: j’ai peur que les partisans de Clinton – que je n’aime pas vraiment mais qui est mon choix par défaut! – n’aient pas conscience du danger et ne se mobilisent pas suffisamment, alors que ceux de cet affreux Trump voteront en masse.

Sa news Femme Ma fille China va bientôt sortir un album qu’elle a intégralement coécrit. Je suis vraiment très fière d’elle et de ce qu’elle accomplit: elle a énormément de talent! Actuellement, elle participe à un projet extraordinaire: la recréation de la fameuse photo d’Art Kane «A Great Day in Harlem» (cette image publiée en 1959 réunissait 57 étoiles du jazz, ndlr).


©Joseph Okpako/WireImage

Son actu Parallèlement à sa tournée mondiale, qui se termine à la fin de l’année, Dee Dee Bridgewater vient de finir l’enregistrement d’un nouvel album. Une galette qui, dit-elle, lui permet d’explorer la voie – la voix? – du «blues», et qu’on pourra déguster au printemps 2017.

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