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Bien-être au travail

Chief Happiness Officer: à la recherche du bonheur en boîte

Chief Happiness Officer: à la recherche du bonheur en boîte

«Il a fallu trouver de nouveaux moyens de créer du lien afin de booster l’état d’esprit de celles et ceux qui avaient besoin de contact. Beaucoup de collègues se sont confiés à moi, c’est essentiel que quelqu’un soit là pour les écouter, les soutenir.» - Annik, CHO dans une entreprise du Jura bernois

© GETTY IMAGES/LUIS ALVAREZ

«Arbejdsglaede»: terme d’origine danoise pouvant se traduire par «la joie d’être au travail». Car oui, dans ce domaine aussi, les Scandinaves ont une longueur d’avance. Annika Månsson a grandi en Suède mais vit depuis 30 ans à Genève. Il y a 14 ans, lorsqu’elle a créé son entreprise consacrée à l’art de cultiver le bonheur en entreprise, Happy at Work, l’accueil a été plus que mitigé. «On me disait: c’est bien sympa ton truc, mais on n’est pas là pour être happy, on est ici pour bosser! Heureusement, depuis, les mentalités ont évolué. On passe tellement de temps au travail, entre 9000 et 10 000 jours de notre vie. Autant les rendre les plus agréables possibles, non?»

Annika Månsson a ainsi mis sur pied une formation destinée aux futurs Chief Happiness Officer, ces pourvoyeurs de bonheur en entreprise instaurés par Google puis débarqués en Europe dès 2015. Depuis 2019, plus de 50 personnes ont déjà été certifiées. «Et la demande s’est vivement intensifiée depuis la crise sanitaire, constate la spécialiste. Le Covid a permis de libérer la parole sur certaines thématiques comme la santé mentale et le mal-être des travailleuses et travailleurs. Le rôle de Chief Happiness Officer est plus que jamais essentiel dans ces périodes incertaines.»

Le télétravail, un défi de plus

Annik, CHO dans une entreprise du Jura bernois, en est elle aussi convaincue. La créativité a joué un rôle important ces deux dernières années: «il a fallu trouver de nouveaux moyens de créer du lien afin de booster l’état d’esprit de celles et ceux qui avaient besoin de contact. Beaucoup de collègues se sont confiés à moi, c’est essentiel que quelqu’un soit là pour les écouter, les soutenir.» Rendant les liens bien moins directs et conviviaux, le télétravail représente un défi de plus pour la cohésion sociale au sein de l’entreprise. «Les managers manquent d’outils, sont parfois noyés et ne parviennent pas à nourrir ces liens de manière naturelle et pertinente, constate Annika Månsson. Tous les jours, on observe des entreprises qui souffrent de cela.»

Cela est loin d’être le cas de la PME neuchâteloise dans laquelle travaille Laure Biasotto, Chief Happiness Officer depuis quatre ans. Son leitmotiv? Cultiver au quotidien l’esprit d’équipe et la cohésion du groupe, aujourd’hui plus que jamais. «Nous avons notamment mis en place des petits-déjeuners thématiques via Zoom, pour lesquels les employé-e-s recevaient un colis chez eux. Instaurer ces moments informels, où l’on échange sur autre chose que les fournisseurs et les clients s’est révélé salutaire pour toutes et tous.» Fondues via visio, carnavals par écrans interposés, séances de sport à distance, cafés-soutiens pour celles et ceux qui en ressentaient le besoin: les Chief Happiness Officer se sont vus contraint-e-s de réinventer leur métier.

«Laure, c’est vraiment le rayon de soleil de l’entreprise, confie l’un de ses collègues. Son rôle est essentiel pour le bien-être de tous, elle a su trouver des solutions pour nous aider et nous soutenir dans cette période incertaine.»

Pourtant, certaines voix se font entendre et ne manquent pas de pointer du doigt l’inutilité de ces postes. «Micro-phénomène», «pur produit de la culture de l’hyperproductivisme», «une mode américaine qui a vite perdu de sa superbe»: dans un article paru dans le magazine français Stratégies en 2021, les managers interrogés se montrent extrêmement dubitatifs. Claire Delpierre, Digital Marketing Manager et CHO pour une start-up genevoise active dans l’informatique, le déplore: «Ce poste n’est pas toujours bien compris malheureusement, tout le monde n’est pas sensible au bien-être au travail. Chacun a ses priorités, le bonheur des employé-e-s ne fait pas partie des valeurs de toutes les entreprises.»

Retrouver du sens

Dès ses débuts, le concept de CHO a rapidement été moqué par un monde du travail réfractaire à toute «distraction». Pourtant, lorsque l’on se penche sur le cahier des charges de ces Mesdames et Messieurs Bonheur, nous sommes bien loin des tables de ping-pong et apéros du vendredi auxquels on les relègue encore trop facilement. C’est en devenant spécialiste du burn out et en étant directement confrontée à la souffrance en entreprise qu’Annika Månsson a eu l’idée de créer sa formation.

«Il faut trouver des moyens de travailler différemment, de créer des espaces de travail sains, martèle-t-elle. On ne peut pas rester inactif dans ce domaine. Redonner du sens au travail de chacun est essentiel.»

Pour l’experte, chaque entreprise devrait pouvoir compter sur un-e responsable ès bonheur: «Certains CEO affirment ne pas pouvoir se permettre de payer un tel poste. La question à se poser serait plutôt de savoir combien cela coûte de ne pas l’avoir, notamment en termes d’absentéisme, de turn over, de baisse de productivité due à un manque d’engagement, etc.» Annika Månsson en est certaine: les entreprises de demain n’auront d’autres choix que de créer ou de pérenniser de tels postes. «Les nouvelles générations ne vont pas vouloir faire comme nous, elles ne vont pas accepter l’inacceptable, conclue-t-elle. Il va falloir totalement changer nos manières de diriger, les inscrire davantage dans la bienveillance et la collaboration, pour attirer ces collaboratrices et collaborateurs d’aujourd’hui et de demain.»

Trois questions à Nicole Klose, Health Manager chez TX Group

FEMINA Votre travail a-t-il évolué avec la crise sanitaire?
Nicole Klose Oui, bien sûr. Nous avons été confrontés à de nouvelles questions, la pandémie a entraîné une augmentation de l'anxiété, de l'insécurité, des tensions dans l'environnement privé, de l'isolement, etc. de nos collaborateurs. Certaines offres ont été plus sollicitées que par le passé, comme le case management (ndlr: méthode d'accompagnement spécifique assurant un lien entre employeur et employé, notamment lors d'une absence prolongée pour cause de maladie ou d'accident), le conseil social ou la vaccination contre la grippe. Nous avons malheureusement dû annuler la semaine ou les journées de santé virtuellement proposées, avec par exemple du online yoga, du Pilates, etc. en raison du faible nombre de participants.

Avoir une personne responsable du bien-être des employés, est-ce une manière pour l'entreprise de se donner bonne conscience?
Non, c'est bien plus que cela. Les entreprises ont compris l'importance des mesures de promotion de la santé en entreprise. Tant pour les collaborateurs et les cadres que du point de vue de la gestion de l'entreprise.

Que répondez-vous à celles et ceux qui jugent ces postes inutiles?
La gestion de la santé en entreprise est bien plus que de la prévention. Un climat de travail sain et agréable entraîne une plus grande motivation au travail et un plus grand bien-être chez les collaborateurs, ce qui se traduit par une augmentation mesurable de la productivité et de la qualité. Cela peut également avoir un effet positif sur la satisfaction des clients. En outre, le collaborateur s'identifie davantage à l'entreprise. La baisse de l'absentéisme, qui est également obtenue par des mesures de promotion de la santé, ainsi que l'amélioration de l'image de l'entreprise entraînent des économies au niveau des coûts, par exemple dans les domaines de la fidélisation des collaborateurs et du recrutement.

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