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Céline Frey, la voix du groupe Aloan
Céline Frey parle comme elle chante, d’une voix chaude, veloutée, un peu rauque. Rythme ses phrases de sourires. Et s’emballe joyeusement quand elle raconte Elvett, le nouveau projet électro-acoustique qu’elle mène avec son compagnon, Alain Frey. De ses grands yeux étincelants, la Genevoise annonce ainsi la sortie de l’EP «Who shot First», qui sera verni samedi 19 décembre 2015 à l’Usine à Gaz de Nyon. Puis embraie sur les titres déjà disponibles via internet, la tournée à préparer, l’organisation, la perspective d’être sur scène, le plaisir de partager…
A l’écouter, pas de doute: cette jeune maman de 35 ans a la fraîcheur et l’enthousiasme d’une enfant. Amusée, elle confirme. Dit se sentir en effet très gamine. «Cela me vaut des regards un peu désabusés de ma belle-fille, 8 ans et demi, qui semble se demander si je vais finir par grandir», rigole la chanteuse. L’instant d’après, songeuse, elle relève être aujourd’hui bien plus «légère, détendue et relâchée» qu’elle ne l’était petite, justement. «C’était par effet de contraste, je pense…» C’est-à-dire?
L’amour au cœur du chaos
Zoom arrière, retour aux années 1980. «Mes parents m’ont eue quand ils avaient 19-20 ans. Ils appartiennent à une génération festive et libérée. Pour le coup, ils ne se montraient pas toujours très sages. Alors je l’étais pour eux!», glisse Céline, attendrie. Avec une capacité de discernement et de recul qu’elle dit devoir à son père, elle reprend: «Franchement, si je me rappelle comment je me comportais à 20 ans et que je m’imagine avec un gosse… A cet âge, on est moins ancré!»
Cette instabilité parentale se manifeste notamment par des déménagements fréquents. Traumatisant? «Ils se sont séparés peu de temps après ma naissance. Mais comme j’ai toujours été leur priorité, ils ont tout fait pour me préserver. Quoi qu’il arrive. Ils se sont ainsi débrouillés pour que je puisse rester dans la même école, par exemple; donc, concrètement, je n’ai changé qu’une fois d’établissement.» De la douceur plein les yeux , la jeune femme ajoute: «Matériellement, ce n’était pas la gloire; et par rapport à la plupart de mes amis, je vivais dans une espèce de chaos organisationnel, sans beaucoup de structures. On aurait peut-être parfois dû mieux cadrer nos rôles respectifs. Mais j’ai été élevée dans l’idée que chacun est un individu qui a sa place et, surtout, j’ai été si magnifiquement aimée que cela a pallié et compensé toutes les difficultés!»
La voix de miel, elle note alors que cette enfance chahutée l’a finalement enrichie. Grâce au caractère très intense de sa mère, elle a appris la tempérance mais aussi – surtout! – à ne pas craindre les émotions. Ni les siennes ni celles des autres. Par ailleurs, elle a pu développer une capacité d’adaptation hors norme, doublée d’une peur panique de la routine: «Ce qui m’angoisse, c’est l’immobilité. Si on me proposait de gagner un supersalaire en faisant tous les jours les mêmes choses aux mêmes heures pendant trente ans, ça me rendrait folle. Au fond, je suis plus comme mes parents que je ne le pensais.»
Forte de ce constat, la gracile artiste aux faux airs de Blanche-Neige rouvre son cahier de souvenirs. Elle y revoit la petite Céline d’alors qui, portée par l’humour, les rires, l’amour et la confiance de ses parents pousse sans poser de problèmes. L’école? Elle se révèle bonne élève, parce qu’elle adore la sensation d’apprendre et de se remplir le cerveau. Les loisirs? Elle joue avec ses copains. Fait de la danse. Lit. Dessine. Peint. Et forme une curiosité insatiable qui lui colle encore à la peau.
Dotée de ce qu’elle qualifie de «caractère de cochon», tenace, très claire dans sa tête sur ce qu’elle veut ou refuse et mûre avant l’heure, Céline quitte l’enfance pour entrer dans l’adolescence. C’est à cette époque qu’elle découvre la musique noire américaine. Les voix d’Otis Redding, d’Aretha Franklin ou de Lauryn Hill, entre autres, lui ouvrent la voie du chant. «Dans cette vie de bohème que je menais avec mes parents, je baignais dans une envie de création, c’est évident. Mais c’est en commençant la musique, vers les 14-15 ans, que j’ai trouvé le médium dans lequel je me sentais le mieux.»
Déterminée et motivée, elle prend donc des cours. En parallèle, fidèle à elle-même, avec une force tranquille qu’elle associe à son père, la jeune fille traverse cette période sans heurts particuliers. «J’avais assez de liberté pour ne pas profiter, ni chercher à tout casser.» Pensive, Céline ajoute: «De toute manière, ma mère ayant une personnalité très forte, je n’ai pas eu la place pour faire ma crise. C’est venu plus tard…»
Plus tard, ce sera après une matu qu’elle réussit brillamment – avec un 6 sur 6 en mathématiques! Inscrite à la Faculté des lettres de Genève, elle trouve un appartement, un travail, et hop! ni une ni deux, quitte le nid maternel. «J’ai senti que c’était le moment, que je devais prendre mon envol», dit-elle.
De la musique avant toute chose
Reprenant le fil de ses souvenirs, elle rit: «Je voulais tout assumer seule. Mais j’ai vite saisi qu’il m’était impossible de mener de front études, musique et travail. Et que je devais faire des choix.» Pour des raisons financières, elle ne peut quitter son job. Reste donc à trancher entre l’université et la musique. Au bout de deux mois, elle lâche les études. «Ça m’a d’ailleurs valu une scène rigolote avec mon père», se remémore la jeune femme, hilare. Et d’expliquer que ce papa, qui a toujours pesté contre la rigidité des institutions scolaires et lui avait froidement expliqué que son 6 en maths ne lui servirait jamais à rien «parce que la vie ne s’apprend pas dans une classe», a quand même réussi à se désoler de sa décision: «Oh ben non, c’est vraiment dommage!»
Dommage ou pas, elle a choisi. Elle entreprend une formation de graphiste – métier qu’elle pratique toujours en indépendante – part en Australie puis en Asie, apprend à se connaître, à se construire dans son espace à elle. Et ses parents? Ils sont mis hors-jeu: elle les voit à peine. Philosophe, son père comprend. Sa mère a plus de peine. Même si «elle est maintenant consciente que cette coupure de deux ans ou presque était indispensable à la belle relation que nous avons aujourd’hui», sourit Céline.
Touillant sa tisane, elle replonge dans le passé. Plus précisément en 2000. Cette année-là, elle va en effet passer une audition pour un projet funk monté par le musicien et producteur Alain Frey, rencontré pour la première fois en 1999. Elle n’est pas retenue. Il n’empêche que, sous le charme de sa voix, il la rappelle en 2003 afin de l’auditionner pour Aloan. Et c’est là que tout commence… Applaudie par ses parents, très fans et soutenants, l’artiste devient Lyn M pour la scène – histoire de bien séparer le privé du professionnel et parce que «s’appeler Céline quand on est chanteuse, ce n’est plus possible»! S’ensuivent huit années d’une collaboration musicale riche et intense. Avec, en 2009, l’immense succès de «Pretty Freaks». En 2013, quelques mois après la sortie du très réussi «No Fear, No Bravery», ce long compagnonnage artistique évolue. Ayant réalisé qu’ils sont plus que des amis, les deux musiciens se marient, font un bébé. Idéalement complémentaires, ils composent, écrivent, créent, assurent le suivi, s’amusent, reçoivent leurs proches – amis et famille réunis en un clan – bref, mènent une existence pour laquelle «CéLyn M» se dit fondamentalement reconnaissante. Si bien que, s’excusant presque, elle conclut: «Je ne fais que des choses que j’aime et ma vie est tellement bercée d’amour…»
Curriculum vitae
1980 Céline naît le 11 juin, à Genève.
1999 Sa première rencontre avec Alain Frey. Ils n’ont toutefois pas tout de suite travaillé ensemble: Céline n’intégrera Aloan que bien plus tard, en 2005.
2013 Grande année pour Céline, puisqu’elle se marie (avec Alain Frey) et donne naissance à leur fille.
Ses premières fois…
Mon premier livre Toute petite, j’ai sûrement dévoré des «Tchoupi» ou des «Bibi Phoque», mais le premier livre dont je me rappelle, c’est «Vendredi ou la vie sauvage», de Michel Tournier. Plus tard, j’ai adoré «Faire l’amour», de Jean-Philippe Toussaint. C’est «le» bouquin qui m’a donné envie de lire pour moi, en dehors du collège, par amour de la langue et de l’écriture.
Mes souvenirs musicaux J’écoutais la musique que mettaient mes parents. Comme ils étaient assez branchés années 70, j’avais droit aux Beatles ou à Janis Joplin. Je la détestais, d’ailleurs: à mes yeux d’alors, elle incarnait la déchéance. Heureusement, j’ai grandi, et je suis maintenant très heureuse de l’avoir entendue petite. Parce que JJ, c’est très bon pour le cerveau!
Un film Je me souviens de «Blanche-Neige», quand j’avais 5 ou 6 ans. Ma maman m’avait emmenée le voir plusieurs fois. Aujourd’hui, je comprends mieux pourquoi: elle voulait juste pouvoir dormir!
Mon premier concert Jean-Louis Aubert, vers 14 ans.
Un plat détesté Les abats, je n’ai jamais pu… Et puis le chocolat, aussi. Mais ça, ça a vraiment bien changé.
Un plat aimé Les tomates. Surtout celles du jardin: je les mangeais avec juste un petit peu de sel. Et puis aussi, à 12-13 ans, les cornichons.
Un parfum d’enfance L’encens. Mes parents en faisaient brûler tout le temps et c’est un souvenir abominable!
Une phrase qui m’énervait «Pense aux petits enfants qui n’ont rien à manger en Inde.» Et puis, plus tard, un autre grand classique, que je me réjouis d’utiliser à mon tour: «Ici, c’est pas l’hôtel!»
Une phrase qui m’a aidée «Je t’aime…» Mes parents me l’ont souvent répétée et je pense que cette petite phrase toute simple mais lourde de sens m’a toujours portée.
Un vêtement Si j’en crois ma mère, je ne voulais pas quitter mes souliers vernis…
Début 1981, Céline a environ 9 mois.
A 18 mois et des poussières, dans les bras de son papa, Stéphane.
Adolescente, elle dispose de suffisamment de liberté pour ne pas en abuser.
En balade avec sa maman, Sylvie, en 1982.
Elle n’a que 4 ou 5 ans mais sait déjà faire preuve d’un joli petit caractère.
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