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Les animaux

Végétarienne, Sarah avait décidé dès le départ qu’elle ne chasserait pas pour se nourrir. Tout juste quelques poissons issus de sa pêche. Pendant ces trois mois où elle a tiré de la nature l’essentiel de sa subsistance, la faune australienne est devenue sa meilleure amie et ennemie à la fois. «Ma plus grande appréhension, c’était les crocodiles. Dans cette partie de l’Australie où on ne les chasse plus depuis 1972, ils pullulent. Dès le premier jour, j’ai compris qu’ils seraient partout, tout le temps: je venais de puiser de l’eau, remontant ma corde et mon seau pliable, auquel... un croco s’était accroché.» Autre source d’inquiétude: les taureaux sauvages qui paissent dans le bush.

La faim

C’était le défi numéro un d’une odyssée dont Sarah Marquis rêvait depuis qu’elle a commencé ses expéditions, il y a vingt-trois ans. Mûrie par l’expérience acquise de fière lutte, l’aventurière s’est estimée prête, enfin, pour cette plongée dans le bush en mode survie. «J’avais déjà connu la faim lors de mon expédition en Australie en 2002 et 2003. Mais, là, c’était plus fort. Je suis allée au plus profond de moi-même. L’estomac vide m’a fait vivre de grands moments, des moments rares, parfois d’euphorie. Tu visites des zones de toi-même que tu n’as jamais visitées, des zones complètement inconnues», explique-t-elle, l’œil toujours pétillant. Concernant son alimentation, prévue pour n’être constituée que du fruit de sa cueillette et de sa pêche, Sarah a dû faire une concession. La faute à une exceptionnelle sécheresse, la plus sévère du siècle selon les habitants du bush. «Dans les semaines avant le départ, j’ai passé du temps avec une femme aborigène, Juju, une bush tucker et medecine woman du coin qui m’a prévenue que, dans ces circonstances particulières, je ne trouverais rien.» En accord avec son équipe, Sarah s’est résolue à emporter une ration quotidienne de 100 grammes de farine. Autrement dit pas grand-chose, pour qui marche dix heures par jour dans ces conditions, en se contentant par ailleurs de fleurs, de baies et de quelques rares poissons.

La nature

«Dans cette partie nord-ouest de l’Australie, le relief est chaotique, il n’y a jamais plus de cent mètres d’affilée de terrain plat. La plupart du temps, je devais évoluer dans un paysage de gros rochers et d’herbes coupantes, avec cette sensation constante d’être plongée dans un univers sans humains.» C’est dans cet environnement très hostile que Sarah a dû frayer son chemin, sous plus de 40 degrés le jour, affublée d’un sac à dos de trente kilos (dont quinze de matériel photo et vidéo). C’est déjà un défi en soi, de survivre dans cette nature où la moindre souche cache un serpent mortel, où chaque branche peut dissimuler un insecte venimeux, où chaque plante, même la plus inoffensive, peut se révéler posséder des propriétés hautement urticantes. Autre gageure: échapper aux feux de brousse. «C’était une constante épée de Damoclès. Dans cet enchevêtrement de broussailles, ils sont monnaie courante et font partie du processus normal de renouvellement de la nature. Mais ils peuvent éclater n’importe où, n’importe quand, la nuit comme le jour. Et dans ces immensités, rien ne peut les arrêter.»

Symbiose

Solitude, faim, nécessité de se fondre dans l’environnement… Sarah a connu des moments d’exception au cours de cette expédition, Dropped into the wild corner, qui porte bien son nom. «J’étais en harmonie complète avec la nature. Les animaux venaient me voir, les taureaux sauvages, pourtant réputés dangereux, m’observaient à travers les hautes herbes.» Obligée, pour se nourrir, de reproduire les gestes premiers des chasseurs cueilleurs, elle a vécu ces heures comme un aboutissement. «C’était une lutte permanente qui me donnait l’impression de retourner à ce qu’était l’homme à ses débuts. Je me nourrissais aux mêmes points d’eau que les animaux. Je redevenais un élément de la chaîne alimentaire, une proie, un prédateur. J’ai redécouvert ma place d’humain dans la nature

3 mois. Ceux que Sarah a passés seule au cœur du bush. Juste entrecoupés, à mi-course, d’une dizaine de jours pour le ravitaillement.

10 heures. C’était la durée quotidienne de marche. Du lever au coucher du soleil.

36. C’était sa taille vestimentaire à la moitié de l’aventure. Au départ, après avoir pris du poids volontairement pour faire des réserves, elle faisait du 40-42. «C’est fini, tu ne repars plus, n’est-ce pas?», a gémi sa mère venue l’accueillir à la fin de son périple, le 6 septembre dernier.

2016. Après un documentaire, à découvrir dès qu’elle y aura mis la dernière main, Sarah tirera un livre de son épopée australienne. Parution prévue: au printemps prochain, durant le Salon du livre.

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