santé
Le «daith piercing», remède miracle contre les migraines?
Il y a deux mois, la vie de Yannick, un graphiste de 23 ans, c’était ça: des migraines chroniques intenses, des arrêts de travail, des retraites dans le noir et le silence, des traitements puissants qui shootent… mais ce tableau apocalyptique, c’était avant son daith piercing.
C’est un remède à la fois minimaliste et insolite: un piercing effectué à travers la racine de l’hélix, une zone cartilagineuse épaisse du milieu de l’oreille. A en croire les explications qui essaiment sur la Toile depuis plusieurs mois, l’installation permanente d’un anneau, ou d’une tige, à cet endroit précis du pavillon auriculaire, permettrait de stimuler un point d’acupuncture combattant les douleurs migraineuses.
Des bienfaits imprévisibles
L’emballement 2.0 autour du phénomène a vite suscité l’intérêt de plusieurs sites spécialisés, dont «The Daily Migraine». Cette plateforme online liée à l’American Migraine Foundation compile le plus vaste panel de témoignages autour du daith piercing, autorisant l’observation d’une tendance générale: le caractère miraculeux de ce piercing est assez aléatoire.
Si une part notable de personnes s’enthousiasment en effet d’une disparition instantanée de leurs maux de tête, comme Yannick, d’autres constatent surtout une diminution de l’intensité des migraines ou un espacement plus important entre les crises, quand une proportion non négligeable d’internautes confient souffrir toujours autant.
L'aiguille qui soigne
«Depuis environ deux ans qu’on me demande de pratiquer ce piercing, j’ai en effet remarqué son efficacité assez variable», remarque Inès, perceuse à Neuchâtel. «Reste que les retours sont dans l’ensemble plutôt positifs. L’un de mes clients a été guéri immédiatement et dans beaucoup d’autres cas l’amélioration est sensible, ce qui est toujours bon à prendre, car lorsqu’on souffre de tels maux, aller mieux est déjà un sacré gain pour sa qualité de vie.»
Bons plans: quand nos enfants ont la migraine
Le daith piercing serait-il surtout un très bon placebo? Peut-être. Sur le plan scientifique, il s’appuie pourtant sur des principes concrets. «L’efficacité de la réflexologie sur le traitement des migraines est avéré médicalement», confirme le Dr. Fabrice Jordan, spécialiste FMH en médecine interne à Yverdon et formateur en acupuncture. L’auriculothérapie, technique développée depuis les années 50 en Europe et découlant de l’acupuncture chinoise, est aussi une méthode indiquée.
Aux racines du mal
Mais à y regarder de plus près, des incohérences chiffonnent certains experts. «Il existe des points précis de la cartographie de l’oreille à stimuler pour traiter spécifiquement la migraine, mais aucun d’eux ne se trouve dans la zone où le daith piercing est installé, observe le Dr. Graziella Pacetti, chirurgienne genevoise spécialisée en acupuncture et pharmacothérapie chinoise. Le bijou paraît correspondre ici à des points liés au système digestif, à la gorge, et éventuellement au cortisol, l’hormone du stress.»
Lieux qui, justement, aux yeux de Fabrice Jordan, ne sont pas anodins:
Trop de point tue le point
Si un point est intéressant, encore faut-il bien le stimuler. Un piercing permanent a-t-il ainsi les propriétés comparables à celles d’une aiguille d’acupuncture? Le principe du daith piercing comme anti migraine n’est en soi pas si hérétique, puisque des implants semi-permanents sont parfois utilisés en auriculothérapie, notamment de l’autre côté du Röstigraben et en Allemagne. L’objet peut être installé une semaine, voire une année.
La nouvelle bague de fiançailles? Le piercing!
Sauf que les similitudes s’arrêtent là aux yeux de Christoph Scholtes, le perceur, aussi appliqué soit-il, ne disposant pas des connaissances nécessaires pour trouver les emplacements précis à stimuler. Le piercing peut d’ailleurs être tout simplement contre-indiqué dans le cadre d’un traitement d’acupuncture, rappelle-t-il.
Une réceptivité à évaluer
Sans oublier que traverser le cartilage n’est pas une opération anodine. «Il est bien moins vascularisé que le lobe de l’oreille qu’on perce traditionnellement, analyse Graziella Pacetti. Le risque de contracter une infection est alors plus élevé. En tant que chirurgienne, je ne recommande pas ce geste.» Inès, la perceuse neuchâteloise, précise de son côté utiliser une technique particulière pour transpercer l’hélix, car la manœuvre est «plus délicate et aussi plus douloureuse» que percer le lobe.
Pour Fabrice Jordan, cela dit, bien que sa stimulation soit sans doute différence de celle d’une aiguille, le daith piercing peut être une méthode à tester, surtout si des séances d’acupuncture préalables ont montré une bonne réceptivité de ces points sur la personne. «Le point unique, efficace pour tous, est illusoire. Cela doit s’étudier au cas par cas. Et si en plus on a plaisir à porter ce piercing bijou, pourquoi s’en priver puisqu’il fera du bien à l’âme aussi?»