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Salon du livre: Agnès Martin-Lugand nous parle de son nouveau roman

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Le vendredi 20 mai 2022, dès 19h30, l'autrice lira plusieurs passages du roman, accompagnée d'un pianiste, qui interprétera les morceaux écoutés durant l'écriture du manuscrit.

© ERIC GARAULT

Elle fait partie de ces autrices qui nous embarquent dès les premières lignes, et que l’on suit avec joie dans des univers bouleversants. On en revient un peu sonné, une pile de kleenex froissés sur les genoux, avec des images inoubliables gravées dans le cœur. Si ses personnages et décors changent beaucoup, d’un livre à l’autre, Agnès Martin-Lugand n’a jamais manqué d’émouvoir, depuis Les Gens heureux lisent et boivent du café, paru en 2013. D’abord publié sur Internet, via une plateforme d’autoédition, ce premier titre avait rapidement attiré l’attention du public et des maisons d’édition, propulsant l’autrice sur le devant de la scène littéraire française.

Celle qui était originellement psychologue clinicienne a donc vécu la success story dont rêvent tous les auteur-e-s en herbe: ses ouvrages sont aujourd’hui traduits dans près de 35 pays et vendus à plus de 3 millions d’exemplaires. Or, ainsi qu’elle le dit souvent, elle ne s’y est toujours pas réellement accoutumée: «J’ai toujours cette impression de grand saut dans le vide, à chaque sortie de roman, partage l’autrice. Mais je ne voudrais pas perdre cette sensation: le jour où je serai blasée de vivre un tel moment, qu’on m’ordonne tout de suite d’arrêter d’écrire!»

Un roman différent des autres

En ce printemps 2022, le trac s’est d’ailleurs avéré plus puissant que d’habitude: avec La Déraison, son dixième roman paru le 24 mars, Agnès Martin-Lugand largue les amarres et hisse la grand-voile: car ce récit n’est pas comme les autres. Les thématiques de la mort et de l’amour fou s’y déploient sans euphémismes, alors que l’écrivaine esquisse la passion de deux personnages, dont l’un est inéluctablement condamné. On ne vous en dira pas plus: Agnès le fera bien mieux que nous.

Contactée par téléphone, à quelques jours de sa venue au Salon du livre de Genève, elle parle de son ouvrage comme d’une révélation, d’un point de non-retour: «La Déraison est l’aboutissement de neuf ans de travail, car je n’aurais jamais été capable de l’écrire si je n’avais pas rédigé tous mes autres romans avant lui. Il s’agit du roman qui me ressemble le plus, dans le sens où c’est dans ce récit que mon inconscient s’est le plus livré. J’y ai mis tout ce qui me passionne, m’angoisse et me questionne, comme la mort, la vie, l’amour à son paroxysme.» D’autant plus que les plus grands fans auront probablement remarqué une évolution dans l’écriture:

«Je me suis accordé tous les droits, ainsi qu’à mes personnages, poursuit l’écrivaine de 42 ans. Je me sentais moi-même en rédigeant ce texte, avec cette fulgurance d’écrire, comme si mes doigts ne tapaient pas assez vite sur mon clavier. J’avais l’impression d’être à ma place, au bon moment.»

Une visite genevoise en musique

Le vendredi 20 mai 2022, Agnès Martin-Lugand sera à Genève pour nous présenter La Déraison. Dès 19h30, dans la salle Frank-Martin, elle lira plusieurs passages du roman, accompagnée d'un pianiste qui interprétera les morceaux écoutés durant l'écriture du manuscrit (celles et ceux qui ont déjà lu le livre savent pourquoi cet instrument devait être choisi)! En effet, lorsqu'elle aborde son processus créatif, l'écrivaine évoque ses enceintes, indispensables durant les longues heures qu'elle passe à écrire, enfermée dans son bureau: «Sans musique, je n’écris pas. J’ai besoin de rencontrer le morceau qui va accompagner la scène que je m’apprête à créer: cela me permet d’aller encore plus loin, de ressentir physiquement l’action et l’émotion des personnages.» Au dos de chaque ouvrage, l’autrice partage d’ailleurs ses playlists intégrales, afin que les lecteurs puissent vivre le roman tel qu’elle l’a conçu.

L'événement du 20 mai risque donc d'être très touchant, comme l'ont été les animations du même type organisées précédemment, en France: «Je n’ai pas de mots pour décrire cette expérience, se souvient-elle. Je n’ai qu’une hâte, c’est d’y être. Quand j’ai vécu ce même genre de lecture musicale à Paris, cela m’a replongée dans le roman, c’était au-delà du bouleversant. Cela fait tellement sens, au vu de mon processus d’écriture.»

Des personnages fusionnels

Le second élément crucial à l'écriture d'Agnès Martin-Lugand, ce sont ses personnages, avec lesquels elle partage un rapport presque fusionnel, durant l’écriture. Interrogée à ce propos, l’autrice explique que ses protagonistes «arrivent», s’imposent à elle et ne la quittent plus, jusqu’à s’inviter à table lors des «longues discussions» qu’elle partage avec son mari à propos d’un manuscrit en cours. Ainsi décrit-elle Joshua et Madeleine, les héros de La Déraison, comme de fidèles amis qui l’ont marquée à jamais, et dont elle a vécu les bouleversements: «Je n’ai pas pensé “Madeleine va mourir”, j’ai pensé “on va mourir”, explique-t-elle. Il me semble que mon rapport à la mort a changé avec ce roman: j’ai souvent écrit sur le deuil, mais je n’avais jamais été dans cette situation-là et le fait de mettre en mots mes questionnements et mes angoisses personnelles m’a permis de mieux les vivre. Se bousculer un peu, cela fait grandir! Durant l’écriture, même si j’ai beaucoup pleuré, je me suis sentie en paix. On peut mettre de la beauté et de la sérénité dans la mort, cela ne doit pas forcément être trash!»

La fusion est telle qu'en écrivant certains passages, Agnès Martin-Lugand se surprend à changer de posture: «Quand j’écrivais les chapitres de Joshua, quand il dévoile sa vie, j’étais corporellement habitée d’une tension, se souvient-elle. Je me tenais différemment, j’avais les mains crochées, mon entourage voyait que cela avait été intense.» Mais alors que se passe-t-il, après des mois de cohabitation, lorsqu'elle dépose le mot «fin» sur un manuscrit? «Les personnages sont toujours avec moi. Une fois que le récit est terminé, je vis une phase d’absolue tristesse et de manque vis-à-vis d’eux.

Le jour de la sortie du livre me permet de leur lâcher un peu la main, mais je les garde de toute façon avec moi. Il faut juste qu’ils soient assez silencieux pour ne pas empêcher les prochaines d’arriver.»

Une grande sensibilité

Dans le roman, Madeleine et Joshua nous percent le cœur, sans trop le malmener, comme le font souvent les attachants héros d'Agnès Martin-Lugand. En découvrant ces personnages réalistes, on se demande forcément si ses connaissances de psychologue constituent un atout pour l’écrivaine: «J’ai toujours été sensible et je pense que ce n’est pas pour rien que j’ai fait des études de psychologie, admet-elle. Je ressentais déjà un intérêt pour tout ce qu’il peut se passer à l’intérieur de nous et je l’ai encore développé pendant mes études. Cela s’exprime aujourd’hui au travers de ma plume.»

Cette plume qui, quelques semaines après la sortie de La Déraison, attend ses prochains héros et héroïnes: l’autrice sent déjà quelque chose frémir, certains contours flous se dessiner, et ne ressent aucune inquiétude à l’idée de commencer un nouveau projet: «L’intensité de ce que j’ai vécu en écrivant La Déraison est assez incroyable: ce roman m’ouvre un champ des possibles pour la suite. Des verrous ont sauté, ce livre m’a libérée de quelque chose.» Voilà qui devrait faire trépigner les fans, déjà impatient-e-s de découvrir la suite. En attendant, Agnès laisse sa prochaine histoire naître dans sa tête. Elle attend le bon moment. Elle sait que les personnages la trouveront.


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