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On court voir «Juste la fin du monde»
Après «Mommy», Xavier Dolan a choisi de porter à l'écran la pièce de théâtre «Juste la fin du monde» écrite par Jean-Luc Lagarce et publiée en 1990. Une pièce aux allures d'autobiographie qui traite les racines familiales et la maladie, des thèmes récurrents de l'univers créatif du metteur en scène et dramaturge français, décédé en 1995 du sida.
La mélancolie d’un fils
En sortant de ce long-métrage, on se dit que Xavier Dolan a trouvé toute la matière nécessaire pour traiter une nouvelle fois le sujet qui hante son œuvre: la place du fils. Car dans ce huis clos qui se déroule en une journée, Louis l’écrivain (magnifique et hypnotique Gaspard Ulliel) revient après 12 ans d’absence annoncer sa mort prochaine à sa famille.
Un mutisme dérangeant
Mais les retrouvailles ne sont pas paisibles, le scénario dévoile une famille névrosée, où les dialogues échangés font souvent place aux insultes et aux cris. Avec un léger sentiment de «déjà vécu», on a envie de leur dire; «écoutez-vous», «ne parle pas comme ça à ta sœur», «laisse terminer ta mère». Spectatrices, on est presque dérangées de ne pas pouvoir s'interposer avec les protagonistes. Emotives s’abstenir.
Ensuite, il y a Louis (Gaspard Ulliel), splendide Louis, de A à Z, du premier plan à la fin du film, omniprésent et majestueux à l’écran. Ses yeux nous aimantent, sa vulnérabilité nous cloue au fauteuil, son phrasé nous tient en haleine, nous arrache parfois une larme. Il ne parle que très peu, pourtant sa tribu a tant besoin de l’entendre. Encore une fois, on a envie de balancer, «vide ton sac, maintenant!»
Un casting 5 étoiles
Inutile de vous préciser que tout le casting est brillant: Nathalie Baye (épatante!) joue avec brio la mère foldingue, Vincent Cassel, le grand frère jaloux, Léa Seydoux, la petite sœur qui se cherche (quelle fille ne se retrouvera pas quelque part dans ce personnage?) et Marion Cotillard, la belle-sœur… Silencieuse et maladroite belle-sœur qui tente de réconcilier les deux frères in extremis et semble saisir la funeste visite de Louis.
Une cérémonie d’adieu intense
«J’ai peur d’eux», dit Louis (à son amant?) dans une communication téléphonique. Et nous aussi, tout au long du film, on est presque effrayées par cette smala de l’enfer. On se dit qu’il va y avoir pire que l’annonce de sa disparition prochaine, tant les répliques sont hystériques, blessantes et amplifient la tension qui ne cesse de monter crescendo.
Pourrait-on supporter ces échanges dans la vraie vie sans claquer la porte de notre chambre, se barrer avec notre voiture?
En magnifique chef d’orchestre, Xavier Dolan a su à la perfection capter les regards d’une cérémonie d’adieu qui vire au chaos. L’intensité dramatique est à son comble. On est comme coincées contre un mur de ce huis clos poignant. Bouleversées.
«Juste la fin du monde» de Xavier Dolan, en salle.
Gaspard Ulliel est également à l’affiche de «La Danseuse» de Stéphanie Di Giusto (sortie le 28 septembre), cette fois-ci, dans la peau d’un aristocrate habité de tortures intérieures.
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