ÉGYPTE
Mérytaton: Pharaonne méconnue et sœur de Toutânkhamon
Plafond et falaise de verre, ça ne date pas d’hier. Les femmes qui ont marqué leur temps mais ont été invisibilisées par les livres d’histoire aussi, d’ailleurs. Demandez à Mérytaton, la fille d’Akhenaton et Néfertiti, la sœur d’un certain Toutânkhamon…
De ce dernier, célèbre pharaon, on connaît surtout le fabuleux trésor, mis au jour dans sa tombe de la vallée des Rois par l’égyptologue britannique Howard Carter. On célèbre d’ailleurs, depuis quelques jours, le centenaire de cette découverte exceptionnelle. Parmi les objets recensés, le fameux masque d’or, icône parmi les icônes, qu’on considère comme celui du souverain mort à 18 ans. Mais il y a un hic, que les experts ont longtemps refusé de voir, éblouis qu’ils étaient par l’éclat immaculé de ce que contenaient ces quatre petites pièces souterraines: ce masque ne lui appartenait probablement pas. Et pour cause, ce serait celui d’une femme, en l’occurrence sa grande sœur, Mérytaton.
L’égyptologue français Marc Gabolde, interrogé par Le Monde dans le cadre de ces festivités, n’y va pas par quatre chemins: «Pour partie, le mobilier funéraire de Toutânkhamon, qui fait sa gloire, n’est pas le mobilier funéraire original de Toutânkhamon. Je pense que tout le mobilier funéraire que son prédécesseur féminin s’était fait préparer a été réutilisé pour Toutânkhamon, mais on n’en voit les traces que sur une toute petite partie.»
Une reine oubliée
Oui, entre le règne d’Akhenaton et celui de son fils mort prématurément, il y a eu une femme. Et pas à n’importe quel moment dans l’histoire de la région. Car lorsque Akhenaton décède, l’Égypte des pharaons n’est pas dans une forme olympique. Il y a d’abord le conflit lancinant avec les voisins Hittites; une discorde religieuse interne entre les adeptes du dieu Aton et le clergé d’Amon; mais aussi un souci dynastique: celui qui gouvernait sous le nom d’Amenhotep IV a eu des filles, et son seul fils n’a que 4 ans – un peu précoce pour endosser le rôle de grand patron de Haute et Basse-Égypte.
C’est vraisemblablement un peu pour toutes ces raisons que la jeune Mérytaton – 15 ans à l’heure des faits – accède au titre suprême. Et devient ainsi l’une des cinq femmes pharaonnes qu’a compté l’histoire de l’Égypte antique. Pour 340 pharaons mâles, donc. Parlez de quotas.
Un masque recyclé
De son règne, hélas, on ne sait presque rien. D’abord parce qu’il a été bref – trois ans à peine – mais surtout parce que celui de son frère lui aura volé la vedette, jusque dans sa tombe. Comble de l’ironie: pour d’obscures raisons (les hiéroglyphes restent muets: le corps de la reine a-t-il disparu? A-t-on finalement choisi de délaisser sa dépouille charnelle?), de nombreux objets funéraires construits pour la jeune Mérytaton semblent avoir été bel et bien recyclés par de zélés artisans au profit de son petit frère. Dans le documentaire Toutânkhamon, le trésor redécouvert (disponible jusqu’au 3 janvier 2023 sur arte.tv), Marc Gabolde revient en détail sur toutes les traces d’interventions effectuées pour effacer le nom de la pharaonne, et le remplacer par celui du pharaon.
Notamment sur certains murs, sur le sarcophage de pierre, sur les vases canopes (qui contiennent les viscères embaumés du défunt) et… sur le masque d’or. L’un des visages les plus célèbres au monde, façonné dans 11 kilos d’or massif pour l’éternité, n’est pas celui de Toutânkhamon, mais de sa sœur Mérytaton, cette fascinante reine-pharaon. Un mystère alimenté par le fait que sa tombe n’a toujours pas été découverte. Avis aux amateurs et amatrices.
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