culture
L’immortalité, selon Frédéric Beigbeder
«La mort ne passera pas par moi!» s’insurge le protagoniste de cette semi-fiction audacieuse, dans laquelle une version romancée de l’auteur se met en quête d’une manière de contourner son propre trépas. Pour lui, la vie n’est autre qu’une «hécatombe» absurde, puisque la Nature perpétue quotidiennement le «pire des attentats». D’ailleurs - vous dirait Frédéric Beigbeider - des centaines de personnes sont décédées depuis que vous avez ouvert ce magazine!
Dans «Une vie sans fin», l’auteur de 52 ans dérange la plupart de nos croyances, et s’étonne que l’on puisse, en 2018, accepter sans broncher l’inéluctabilité de la mort. À son récit, il intègre une véritable enquête journalistique, au cours de laquelle il parcourt le monde, à la recherche du scientifique qui saura lui livrer la promesse de l’immortalité. Cryogénothérapie, transfusions sanguines, cures détox: en tant que cobaye, il a (presque) tout essayé.
Nous avons rencontré l’auteur le 28 avril 2018, avant qu’il ne prenne d’assaut le Salon du livre de Genève. Légèrement frigorifié, les cheveux ébouriffés par le vent, il nous a parlé de cet ouvrage surprenant.
Interview: un café avec Marc Levy
FEMINA Comment avez-vous vécu votre recherche d’une solution à la mortalité?
Frédéric Beigbeder Mes personnages sont partagés entre la révolte et l’enthousiasme: c’est exactement ce que je ressens. Je balance entre espoir et déception. J’ai exploré les huit différentes pistes sur lesquelles se base la science actuelle, dans sa recherche d’un moyen de prolonger la vie. J’ai découvert des trucs assez délirants, comme la transfusion de sang jeune, les cellules souches, les modifications génétiques… Je voulais prendre au mot les folies des transhumanistes, et vérifier s’ils sont des mythomanes ou non. Et en fait, je pense que je n’en ai toujours pas le cœur net. Disons que j’ai rencontré une moitié de mythomanes, et une moitié de savants, qui vont peut-être sauver des millions de vies.
L’une de ces pistes vous a-t-elle donné de l’espoir?
Pas en l’immortalité, non. Cependant, la possibilité de tripler la durée de vie devient assez solide. Par exemple, à l’Harvard Medical School, des experts travaillent sur des greffes d’organes imprimés en 3D grâce à des Bioprints, et se focalisent sur les cellules souches. Dès le moment où l’on parviendra à vous injecter des cellules qui régénèrent vos organes malades, je pense que la question sera réglée. S’ils arrivent à guérir le cancer, les maladies cardiovasculaires, Alzheimer et Parkinson, les quatre principales causes de décès, nous vivrons très longtemps. Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle; peut-être qu’on s’ennuiera! Mais je trouve que c’est excitant d’essayer.
Boire du café rallongerait l'espérance de vie
Vous évoquez la mort avec une grande légèreté dans votre roman: était-ce une façon de la rendre moins intimidante?
En vérité, j’ai toujours fait cela: je fuis les questions profondes grâce à l’humour et la superficialité. Le cynisme est un bon moyen de fuir les problèmes, car il nous permet de dire des choses atroces de manière comique. Plus les problèmes sont graves, plus je pars en courant avec des blagues.
Que feriez-vous d’une vie sans fin?
Depuis 2000 ans, la philosophie nous explique que l’idée de la mort nous permet de mieux apprécier la vie. Je ne suis pas du tout d’accord avec cela. Je ne sais pas si le fait de vivre très longtemps nous empêcherait de profiter de notre existence. Peut-être qu’on prendrait davantage le temps d’apprécier les belles choses, d’explorer le système solaire, de lire plus de livres…
Mais les choses n’auraient-elles pas moins de saveur, si nous vivions pour toujours?
Tous les chercheurs que j’ai rencontrés m’ont conseillé de manger moins de sucre, moins de sel, de boire de l’eau et de faire du sport. Bref, une vie de m**de. Faudrait-il vivre une vie rigolote mais brève, ou une vie ennuyeuse mais longue? Voici en quelque sorte le choix qui s’impose à l’homme contemporain. Moi, j’ai choisi la vie rigolote mais brève
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