un roman marquant
L’édito de Géraldine Savary: «Qui s’aime me suive, dit Annie»
Il y a les manifs, et puis il y a les livres. Les premières ont eu lieu ce mardi 14 juin, dans toute la Suisse, et quoi qu’en disent celles et ceux qui considèrent qu’on les a trop entendues, les femmes ont à nouveau fait résonner leurs voix et rappelé de ce qu’elles étaient en droit d’attendre de la société. Salaires, retraites, intégrité physique, respect du corps, lutte contre les violences domestiques, les slogans dansaient sur les pavés.
Donner des mots à son identité ne vient pas tout seul. Cette prise de conscience est nourrie non seulement par ce qu’on vit mais aussi par ce qu’on lit, dès le plus jeune âge. Vous me direz, pas sûr que Martine à la plage ait conduit toute une génération à se bouger pour l’égalité des sexes. La Hermione de Harry Potter par contre oui, elle qui mène son monde à la baguette et triomphe des forces du mal.
De Colette à Virginia Woolf
Plus tard, pour traverser les forêts sombres de l’adolescence, quoi de mieux que d’éclairer son chemin avec des livres. Perso, j’aimais Colette, Duras, j’ai pleuré pour Anna Karénine ou Jane Eyre, ai voulu partir à la guerre avec Maria de Pour qui sonne le glas, avoir ma chambre à moi, comme Virginia. Héroïnes ou écrivaines nous tiennent la main pour avancer dans la vie qu’on se choisit.
Aujourd’hui, pour ce numéro de Femina consacré aux livres que la rédaction vous conseille de découvrir cet été, je me suis plongée dans les quarante pages de l’écrivaine Annie Ernaux, en me disant: «Elle ne s’est pas foulée, moi non plus, vite fait bien fait, parfait pour un trajet Lausanne-Echallens-Bercher.» Trois jours que j’ai lu le livre de l’écrivaine française, et il continue de m’habiter.
Annie Ernaux, qui trône sur la littérature francophone du haut de ses quatre-vingts ans, nous donne une époustouflante leçon de liberté. Dans Le jeune homme, elle raconte les prémices de ce qui nourrira son livre L’événement, en 1964, et qui évoque un avortement interdit, mais surtout son histoire d’amour vécue à 54 ans avec un homme beaucoup plus jeune qu’elle. Le récit est transgressif, joyeux, le scandale assumé sous le regard d’une société qu’elle défie de changer. Et sinon, tant pis, dit-elle. Pour la société, pas pour Annie.
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