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Chronique: L'hymne national suisse, ce grand classique (vraiment?)

Hymne national suisse chronique 1er aout 2021

«Pour vous éviter un détour par Wikipédia, on pourrait résumer les 36 (!) vers du Cantique suisse comme suit: le matin à la montagne, il fait beau et on est content. En fin de journée, on devient un peu ésotérique dans la forêt, mais on est toujours content. La nuit, il y a un orage mais Dieu – tel un parapluie exigeant – nous protège si notre cœur est dévoué.» - Benjamin Décosterd

© Getty Images

«Sur nos monts, quand le soleil annonce un brillant réveil...»

Et après les montagnes et le soleil? Un «Lalalalaaa» hésitant, jusqu’«au ciel montent plus joyeux» ? L’hymne national, un classique… vraiment? Pour vous éviter un détour par Wikipédia, on pourrait résumer les 36 (!) vers du Cantique suisse comme suit: le matin à la montagne, il fait beau et on est content. En fin de journée, on devient un peu ésotérique dans la forêt, mais on est toujours content. La nuit, il y a un orage mais Dieu – tel un parapluie exigeant – nous protège si notre cœur est dévoué. Dans la dernière strophe, on oscille entre communisme, nationalisme et bondieuserie: il faut donner ses biens, son cœur et sa vie à la Suisse qui, elle, s’en remet à Dieu.

Aucune trace de la démocratie directe; de Yann Sommer; des trains à l’heure; du prix d’un billet de train presque à l’heure; du prix d’un billet de bus de remplacement carrément en retard; d’une prime LAMal; ou, encore plus dur à avaler, du Cenovis.

A priori, le Cantique suisse n’est donc pas un bon concentré de notre pays. Mais est-il possible de représenter, en une seule chanson, un Etat qui compte plus de 8,6 millions d’habitants et 26 failles narcissiques locales? Je serais tenté de dire non, mais je n’en suis pas sûr non plus, tant il est périlleux d’affirmer – un 1er août – que LA Suisse n’existe pas. Demandez à Ada Marra.

Mais mettons. Il faut une chanson. Pour avant les matches de foot et après les médailles des JO. Pour aujourd’hui, au moment de griller les cervelas. Pour l’appel du matin, à l’armée (un souvenir qui doit parler à beaucoup de lectrices de Femina) et pour «au cas où», parce qu’on ne sait jamais.

La mélodie du cervelas qui grille

Alors évidemment, on pourrait trouver que dans ces occasions, le Cantique suisse et ses trois temps (un peu mous) ne sont pas idéaux. Bien sûr, on pourrait aussi argumenter que les paroles de 1841 mériteraient un petit coup de poutze, rien que sur la forme. Parce que oui, il y aurait à redire sur les vers 4 et 5 qui n’ont pas assez de pieds, ce qui oblige à un tour de passe-passe discret (ouvrez l’œil), je cite: «Les beautés de laaaaa paaa aatriiiiiiiiiiiiiiiiiieee parlent à l’âme atteeennnndriiIIIIiieeeeEEeeeEEEeeuh.»

Oui, on pourrait penser tout ça. Certains l’ont d’ailleurs fait, plusieurs fois même, mais aucune de leurs tentatives de changement n’a abouti. Apparemment, le projet de nouvelles paroles «ne suscite que peu d’intérêt» (comprendre: les gens s’en foutent). Parce qu’ils trouvent que les paroles ou la mélodie les représentent personnellement? Franchement… En 2021, qui a encore un cœur pieux avec des accents émus? Non, l’hymne national ne change pas, peut-être parce qu’il est à l’image du pays: un peu réac’, très lent, imparfait sur bien des aspects, mais qui fonctionne.

Ou alors, c’est parce que la chanson est accessoire et que ce qui compte c’est le concert de klaxons après le match de foot; la douce mélodie du cervelas qui grille; ou le «merci bien» un peu chanté du contrôleur des CFF qui vous a demandé votre billet de train pour le bus de remplacement.

Peut-être parce que, dans tous ces moments suisses, on n’a pas besoin d’une chanson, mais simplement d’être ensemble. Ou alors c’est parce que les gens s’en foutent. Je pense que c’est parce que les gens s’en foutent.

Bonne fête nationale.

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