initiatives écoresponsables
Suisse romande: ces actrices de la mode durable
Tara Matthey, fondatrice de Crop Slow Mode, à Sion
C’est en plein cœur de la capitale valaisanne que cette Indo-Irlandaise de 51 ans, née en Angleterre, a posé ses malles remplies de trésors vintage. Tara Matthey a ouvert la boutique Crop Slow Mode en automne 2020 à Sion, alors que le Covid-19 a immobilisé sa branche professionnelle: le costume de théâtre. Après un bachelor en mode à Liverpool, Tara travaille comme styliste à Londres. Par amour, elle émigre en Suisse, et face au manque d’opportunités dans son secteur, elle se dirige vers les costumes. «J’ai travaillé onze ans au Grand Théâtre de Genève. Cet environnement me semblait naturel, car j’adore la littérature, l’histoire des vêtements, le cinéma et la danse. Assister au processus de création, de la maquette à la scène, c’est magique.»
Mission: upcycling
À son déménagement en Valais, elle cofonde l’association Éthique & Tac, qui organise des événements autour de la mode responsable. C’est que Tara est une grande passionnée de fripes.
La pétillante quinqua prend un air grave. «On doit réapprendre le véritable coût des vêtements et d’où viennent les tissus.» Elle s’intéresse particulièrement à l’upcycling: «Lors de mes études en Angleterre, j’ai participé à des projets de récup en collaboration avec OXFAM, ça me parlait beaucoup.»
Un espace à elle pour promouvoir une mode écoresponsable, c’était l’objectif de Tara Matthey depuis longtemps. Dans son shop, un large choix de vêtements et accessoires vintage, depuis les années 1940, côtoie une sélection de pièces des petites griffes green Where Is Marlo et Bandapar, ainsi qu’un rayon dépôt-vente. «Je souhaite développer un rayon upcycling, nous dévoile avec enthousiasme Tara. Je fourmille d’idées! On pourrait coudre des choses simples et sympas» poursuit-elle en dégageant une chemise d’homme d’un portant. «À l’avenir, j’aimerais acheter moins de stock, j’ai tellement de tissu, certains datent de ma vie au Royaume-Uni.» Tara nous emmène dans la pièce attenante à Crop Slow Mode, qui constitue son dépôt. Une véritable caverne d’Ali Baba, où patientent sagement des robes eighties et des looks à strass. «Je propose aussi à la location mes plus belles trouvailles vintage, ainsi que des tenues de soirée. Actuellement, je déplace mon stock pour transformer cette pièce en atelier, que je pourrai louer et dans lequel je coudrai mes collections upcycling. Mais mon rêve est d’avoir un immense espace – au moins 150 m2! – entièrement dédié à la mode éthique.»
Crop Slow Mode, Grand-Pont 44, Sion
Maïté Sulliger, fondatrice de Fripsquare, à Lausanne et en ligne
Looks 90s ultra-tendance, bagnole stylée, feed harmonieux… en scrollant le compte Instagram de Fripsquare, on s’attend à trouver des vêtements neufs. C’est que Maïté Sulliger a été à bonne école. À 28 ans, la fondatrice de cette friperie en ligne a déjà un riche parcours derrière elle. Après une formation en marketing, elle travaille comme acheteuse pour un site de vente en ligne suisse, puis s’envole en Angleterre pour rejoindre la marque Missguided. «Je suis une grande passionnée de mode. Étudiante, je faisais des petits boulots dans des boutiques. Mais il y a peu d’opportunités professionnelles en Suisse et on m’a découragée à me former dans ce domaine. Je me suis donc dirigée vers l’e-commerce.» Dans l’antre de Missguided, une griffe de fast fashion, Maïté est mal à l’aise.
Elle rentre alors en Suisse.
Les fripes à portée de toutes et tous
Devenue maman, l’envie d’évoluer dans la mode ne la quitte pas. Elle s’impose un défi: proposer des pièces stylées avec ce qui existe déjà. «On me demandait tout le temps où j’achetais les fringues que je chinais, alors je me suis lancée! J’ai lu beaucoup de livres, regardé des vidéos pour m’éduquer sur l’entrepreneuriat et la création de sites. À côté d’un temps partiel et de mon job de maman, j’ai lancé Fripsquare en 2020.»
En temps de Covid, sans capital, elle lance son business en ligne. Maïté croit à fond au numérique. «C’est l’avenir! De plus, les réseaux sociaux permettent de toucher une clientèle plus large.» Fripsquare grandit grâce au bouche-à-oreille et à quelques collaborations avec des influenceurs. Au fil du temps, l’entrepreneuse a besoin d’un espace pour stocker les pépites qu’elle sélectionne à la pièce. «J’ai trouvé ce lieu insolite, tout vitré, qui est une ancienne station essence. J’ouvre la boutique physique sur demande. Ce qui marche le mieux? Cela dépend où je mets mon énergie, rigole Maïté. Je dirais moitié-moitié: des personnes aiment venir essayer en boutique et d’autres préfèrent le site.» La vente en ligne présente tout de même des challenges lorsque l’on vend de la seconde main.
Maïté veut aller toujours plus loin. Elle a lancé cet été une collection de lunettes de soleil responsables. Prochaine étape? Développer le site afin de toucher la Suisse alémanique.
Avenue Edouard-Dapples 15 bis, Lausanne et sur frip-square.com
Isa Boucharlat, Aurélia Joly et Laure Paschoud, responsables de La Trame, à Lausanne
La Trame est un lieu particulier. Niché au centre-ville de la cité olympique, cet immense espace biscornu renferme un concept original inspiré de La Textilerie, à Paris. L’idée sort tout droit de l’imaginaire créatif d’Isa Boucharlat, costumière de théâtre depuis plus de 30 ans.
Nullement découragée, Isa souhaite créer un lieu entièrement dédié à la durabilité du textile. Elle se lance dans l’aventure de La Trame en 2020. Elle embarque Laure Paschoud, styliste globe-trotteuse qui a fait ses armes à Londres, Paris et Tokyo, avant de vendre sa marque éthique dans la boutique d’Isa, ainsi qu’Aurélia Joly, diplômée en design mode à la HEAD, cocréatrice de la petite griffe Valentoine durant trois ans et enseignante au secondaire.
Textile et intégration
Soutenue par l’incubateur Idée21 et lauréate du budget participatif lausannois, une association à but non lucratif voit le jour et s’installe dans ce local multifonction. La Trame ouvre ses portes au printemps 2022: dans son espace boutique, elle propose des vêtements et accessoires de seconde main. «Nos pièces proviennent de dons, commente Aurélia. Nous avons mis en place un concept d’économie circulaire: chaque sac de vêtements en bon état est remercié avec 10 points, équivalent à 10 fr., que l’on échange contre des vêtements de seconde main ou du matériel de couture à La Trame.»
Au coin mercerie, par exemple, qui renferme de beaux tissus vintage, ou contre un moment passé au fond de la boutique, dans l’espace atelier lumineux.
«Comme il y avait une forte demande, nous proposons également un service de retouches», poursuit la cofondatrice. La Trame a également pour vocation de favoriser l’intégration professionnelle de personnes migrantes. «De nombreuses personnes migrantes ont le savoir-faire et des créateurs suisses fabriquent à l’étranger, c’est un non-sens», critique Laure. Les Trameuses ont plein d’idées pour développer les échanges intercommunautaires. «Nous voulons faire de La Trame un lieu vivant, se réjouit Isa. Peut-être organiser des cours intergénérationnels ou dans d’autres langues. Nous animerons également un atelier à la Nuit des musées, le 24 septembre, pour valoriser des textiles des éditions précédentes.» Parce qu’Isa, Laure et Aurélia sont convaincues: le partage et l’intégration font aussi partie de la transition écologique.
La Trame, rue de la Tour 3, Lausanne
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