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décryptage

Pourquoi le style de la bourgeoise sort des beaux quartiers?

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Avec son allure affirmée, la bourgeoise du défilé Celine est plus que jamais ancrée dans le présent.

© Imaxtree

Alors, qu’on l’avait oubliée, voire laissée sur le carreau, elle s’invite à nouveau avec autant de charme que de puissance. Elle arbore blouse lavallière, jupe-culotte, cardigan boutonné, serre-tête et sort crânement des beaux quartiers. On parle bien sûr de la bourgeoise et de son style tradi, fortement représenté sur les podiums automne-hiver 2019. On a tout de suite dans l'œil ce style seventies incarné par des icônes comme Catherine Deneuve, Charlotte Rampling ou Romy Schneider. Si, au premier, abord ce look semble conservateur, il est bien plus complexe. Pourquoi revient-il maintenant? Et que dit-il de notre société?

L'instigateur Slimane

Il n’y a pas d’hésitation sur son point de départ, Hedi Slimane, chez Celine, en est à l’origine. «Il a lancé la bombe de la bourgeoise. Son défilé a marqué tout le monde et cette orientation est assez habile, car elle arrive réellement à point, explique Thomas Zylberman, styliste au bureau de tendances Carlin, à Paris. Nous venons de vivre cinq années dominées par le sportswear et le streetwear. Après une fusion des genres sport et luxe, qui a donné naissance à de nombreuses collaborations, par exemple de Fendi avec Fila ou de Supreme avec Louis Vuitton, on était à la fin d’un cycle.»

La place était donc à prendre et la bourgeoise a été accueillie avec enthousiasme par un public en quête d’une nouvelle histoire et lassé par un prêt-à-porter sport dont les codes paraissent désormais usés. Pour Hedi Slimane également, c’est un renouveau après une première collection pour Celine coupable, pour certains, d’être un copié-collé de ce qu’il avait déjà proposé chez Saint Laurent.

Sa deuxième collection montre une approche plus subtile. «Historiquement Celine est une marque très BCBG, liée aux bourgeoises du XVIe arrondissement de Paris. Le coup de génie de Slimane a été de se reconnecter à l’ADN de la griffe. Grâce à son savoir-faire, il a réussi à créer une dégaine bourgeoise et rock, en même temps, qui fait que ça marche», appuie Thomas Zylberman.

Défilé Celine automne-hiver 2019-20. ©Imaxtree

#MeToo dans le rétro

De plus, la mode interagit constamment avec ce qui se passe dans la société. «Le mouvement #MeToo a développé d’autres façons d’appréhender la mode, qui montrent qu’on peut être plus couverte et sexy, analyse Elizabeth Fischer, professeure HES en charge du Département design mode, bijou et accessoires de la HEAD, à Genève. Les femmes ont en marre de toujours mettre le focus de séduction sur les jambes dénudées ou le décolleté. Elles veulent pouvoir vivre leur corps de façon plus confortable tout en étant bien habillées et séduisantes.»

Ces nouveaux codes, poursuit la formatrice, rejoignent d’ailleurs ce que «la fondatrice de Celine, Céline Vipiana, voulait à la création de sa ligne de prêt-à-porter dans les années 60: une garde-robe belle, facile à porter et qui aurait quelque chose de la légitimité du costume trois pièces masculin». Ce sont, au fond, les codes de l’habillement bourgeois, «respectable et légitime». Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que la jupe-culotte est en tweed, une matière typiquement masculine, et que le chemisier est dérivé du vestiaire de l’homme.

«Tout fait référence à la puissance du costume masculin, à l’homme qui travaille et qui peut se rendre partout, sans faire attention à son comportement. C’est une sorte de garde-robe de l’empowerment», conclut Elizabeth Fischer
Défilé Celine automne-hiver 2019-20. Imaxtree

Dès lors, on adhère à la démarche et aux valeurs qu’elle véhicule, mais veut-on pour autant ressembler à sa grand-tante? Thomas Zylberman tempère: «Les ingrédients de base semblent très rétro et tradi, mais l’allure générale est très moderne, tandis que les proportions et la coupe des pièces font toute la différence. On y ajoutera l’art de l’accessoirisation avec de grandes lunettes d’aviateur et des bottes imposantes.»

Du coup, et même si sur le catwalk le look paraît proposé clé en main, il reste de la place pour une bonne dose de créativité personnelle. On twiste par exemple une jupe-culotte avec un t-shirt ou une chemise lavallière avec une jupe en cuir. Tout est histoire d’équilibre.

Le vintage à la page

Tout aussi intéressantes, les références au passé nous ramènent directement au vintage, thématique forte et porteuse à l’heure où l’industrie de la mode remet ses processus de fabrication en question, en quête de durabilité. «Aujourd’hui, consommer durable, c’est consommer seconde main, rappelle le styliste. Or, avec ce style de prime abord désuet, on n’est pas dans une mode jetable, car ses codes sont pérennes. Ce qui est stimulant, c’est la transmission, de ressortir par exemple des vêtements du placard de sa tante, de sa grand-mère, de sa mère et de se les réapproprier.»

Ainsi, la bourgeoise recèle-t-elle une puissance cachée, bien plus subversive et ancrée dans notre temps qu’on ne le pense. Elle en devient - peut-être malgré elle - une héroïne qui s’affirme et s’affranchit des diktats de la société.

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