De l'armée aux podiums
La saharienne, pièce incontournable de l'été
Pantalon cargo, chemises multipoches, chapeau traveller et couleurs terre. Le style safari n’a pas épargné les défilés de la Fashion Week. Cette saison, c’est l’indémodable veste saharienne qui a retenu toute l’attention des créateurs. Retour sur une pièce qui traverse les époques sans perdre une ride.
Initialement en coton ou en lin, la saharienne se caractérise par ses quatre poches plaquées sur le devant. A manches longues ou courtes, elle s’ajuste à la taille par l’ajout d’une martingale dans le dos ou au moyen d’une ceinture. À la fin du XIXe siècle, cette pièce masculine devient l’uniforme des militaires de l’armée britannique en Inde. Confortable et pratique, avec des teintes empruntées à la nature, le pardessus est également adopté par les chasseurs et les explorateurs. Dans la chaleur africaine, la veste confère camouflage, fonctionnalité et respirabilité. Durant la Seconde Guerre mondiale, elle sera adoptée par les troupes allemandes de l’Afrikakorps, qui opéraient au Sahara.
De la savane à Hollywood
On doit la popularité de la saharienne à l’auteur américain Ernest Hemingway. Accompagné de sa femme, Pauline Marie Pfeiffer, l’auteur entreprend un safari en décembre 1933. Durant trois mois, il parcourt le Kenya et la Tanzanie. Si son expérience lui fournit matière et inspiration pour son récit Les vertes collines d’Afrique, l’écrivain se passionne également pour la chasse. En témoignent ces nombreuses photos où on le voit poser avec ses trophées, habillé de son éternelle saharienne, que l’on appellera désormais «veste safari».
En 1953, la saharienne devient star du grand écran et habille les acteurs du film Mogambo. Dans ce drame amoureux, qui se déroule au Kenya, Ava Gardner et Grace Kelly donnent la réplique à Clark Gable et endossent avec classe et féminité l’habit des aventuriers.
Le prêt-à-porter colonisé par la saharienne
C’est aussi l’époque où les puissances coloniales se retirent de l’Afrique et de l’Asie. En s’inspirant des uniformes allemands, Coco Chanel crée en 1954 une veste en shantung, une soie sauvage. Une interprétation qui s’apparente à une veste tailleur, se portant avec une jupe. En 1960, le couturier Ted Lapidus s’inspire à son tour de ces uniformes et dessine des collections unisexes. Si certains désignent le couturier comme l’initiateur du style safari, Yves Saint Laurent fait entrer la saharienne dans l’histoire. Pour les besoins d’un shooting photo du magazine Vogue Paris, il crée dès 1967 une pièce unique en gabardine de coton. Munie de quatre poches à soufflet, la veste se ferme par un laçage sur le devant, laissant entrevoir un décolleté vertigineux. Sur le papier glacé, on voit le mannequin Veruschka prendre la pose sous l’œil du photographe Franco Rubartelli. Synonyme de liberté, le cliché devient mythique.
L’année suivante, cette saharienne est fabriquée en série et remporte un vif succès. Les années soixante marquent le début d’une ère d’émancipation. La jeunesse s’affranchit des codes bourgeois et découvre les stocks de surplus militaires. A l’image de la plus grande friperie au sud de Paris, tenue par la famille Bensimon. Avec un vaste choix de vêtements provenant de l’armée américaine, les frères détournent à leur manière tennis, parkas et sahariennes qui se retrouvent dans les magazines de mode. A l’instar du trench-coat, ce vêtement fait désormais partie des essentiels de la garde-robe féminine et ne cesse d‘être réinterprété par les créateurs.
Et chez les hommes?
Roi de l’élégance raffinée, le prince Charles est l’homme le plus stylé de la famille royale britannique. En témoigne cette photo prise en 1984, lors d’une visite officielle en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le prince de Galles affiche une mise impeccable en saharienne blanche. Trente-deux ans plus tard, sa belle-fille Kate Middleton imitera son look lors d’un voyage au Canada.
Et aujourd'hui?
Chaque été, l’indémodable veste utilitaire refait surface. Cette saison, les maisons de prêt-à-porter, comme Dolce & Gabbana ou Boss, ont fait défiler le pardessus dans sa plus simple forme. Multi-poches et avec une taille ceinturée, la pièce arbore des teintes sable et kaki. Dans nos boutiques, les marques proposent des variantes très subtiles: avec un col officier ou en denim, mais sans trop dénaturer l’allure originelle de la saharienne.