Back to Y2K!
Décryptage mode: Le retour des années 2000
Le style des années 2000, c’est le bling puissance mille. Paillettes et gloss coulent dans les veines, on se trémousse en pantalon taille très basse sur Say my name et les voix sensuelles de Destiny’s Child, et on ne rate pas un épisode de Sex and the City. Britney Spears et Justin Timberlake, les deux chanteurs et ex-stars Disney, forment le couple incontournable de ce début de décennie. Leur total look en denim coordonné, porté lors des American Music Awards 2001 à Los Angeles, restera dans les annales de la mode tellement il colle à une époque décomplexée et audacieuse en matière de style. Simultanément, Paris Hilton et Nicole Richie, en jogging Juicy Couture et casquette trucker Von Dutch, forment le duo de jet-setteuses décadentes dans une téléréalité qui les propulse dans la vraie vie (The Simple Life). Plus près de chez nous, en 2001, Loana, vêtue d’un top en crochet, un jean bootcut et sandales compensées, est la gagnante de la première téléréalité française, The Loft Story.
Entre fun et réalité
Alors, nostalgiques de cette période? Ou rien que d’imaginer un top papillon à paillettes et une paire de lunettes masque vous donne déjà des palpitations? Vingt ans plus tard, c’est une déferlante années 2000 qui s’abat sur la mode. Ou devrait-on plutôt dire Y2K, pour year 2K, c’est-à-dire année 2000, le petit surnom branché de ce trend. Des marques comme Diesel, Blumarine ou Courrèges refont vivre sur les podiums cette décennie. «Il y a un changement de génération chez les créateurs. Pour ceux qui ont connu la mode de cette époque quand ils étaient jeunes, elle est un vecteur d’influence. Il y a un effet madeleine de Proust avec un affect très fort et sincère», analyse Alexandra Jubé, fondatrice du Bureau Alexandra Jubé, spécialisé en prospection et stratégie de marque, à Paris.
La génération Z est aussi pour quelque chose dans ce retour marqué. Forcément, lorsqu’on n’a pas vécu ces années, on est beaucoup plus à même de voir le passé avec un œil nouveau et de s’en approprier les codes. Bella Hadid, Dua Lipa ou Hailey Bieber s’affichent autant dans la rue que sur les réseaux sociaux vêtues en total look denim ou crop top et baggy.
Modes de consommation
Dans la série The White Lotus, l’actrice américaine Haley Lu Richardson, qui incarne Portia, représente bien la manière dont la génération Z s’approprie le style. Entre références remises au goût du jour, pièces de seconde main et fast fashion, le tout «shaké» aux inspirations captées sur les réseaux sociaux. «C’est une réappropriation des codes des années 2000, explique Alexandra Jubé. Beaucoup se tournent vers la fripe, devenue un mode de consommation à part entière, mais ces codes se retrouvent aussi chez des enseignes d’ultra fast fashion cheap comme Shein. Les deux peuvent se retrouver sur des codes esthétiques communs. En revanche, ils ne conditionnent pas une manière de consommer.» Bien que, depuis le boom de la fast fashion, les modes de consommation changent et qu’ils soient plus conscients et engagés, le paradoxe est bien là.
Même allure, autre discours
Bien que l’esthétique et l’allure soient semblables, voire copiées-collées, on ne peut pas zapper: plus de vingt ans séparent l’original du retour en grâce. La société, les mœurs ont changé et, forcément, le message véhiculé n’est pas le même. «Cette tendance se nourrit du langage actuel et est connectée à 2023. Par exemple, la question et la représentation du genre est incontournable et extrêmement importante aujourd’hui. Cette mode est donc moins genrée qu’elle ne l’était avant, puisqu’elle va se réapproprier les codes du féminin et du masculin et les mélanger, poursuit l’experte. Il en va de même de l’image de la bimbo qui était avant l’incarnation d’une fille légère, pas très maligne, et devient maintenant un symbole d’empouvoirement féminin. L’exemple du retour sur le devant de la scène de Pamela Anderson en est la preuve.»
Alors que l’on a vu certaines stars fondre ces derniers mois – comme Kim Kardashian qui avait jusqu’ici incarné le corps aux formes généreuses – on peut aussi se demander ce qu’il en est de cette maigreur glorifiée il y a deux décennies. «Les canons de beauté ont également évolué et on ne peut pas totalement revenir en arrière, même si la minceur perdure dans certaines tendances», conclut-elle. Joyeuse et pop, la tendance Y2K est ainsi une parenthèse insouciante dans notre vestiaire, que ce soit par nostalgie ou par pure découverte. Mais… le vent tourne déjà sur les podiums. Pour la saison prochaine, le noir, le gris, les pièces valeur sûre sont omniprésentes. Il ne reste plus qu’à voir ce que la rue en pense, et ce qu’elle va adopter.
Trois questions à Jörg Wiesel
Le professeur est responsable du programme d’études BA Design de mode à l’Académie d’arts et de design FHNW de Bâle.
FEMINA Pourquoi un engouement des étudiants pour cette tendance?
Jörg Wiesel Cette jeune génération est confrontée à différents thèmes de société et beaucoup se définissent comme des activistes. Que ce soit à cause du changement climatique, mais aussi de la responsabilité politique derrière les gouvernements officiels. Ils ont des références esthétiques de la mode du passé, mais doivent aussi tenir compte de la question du développement durable. Bien sûr, s’ajoutent à cela les réseaux sociaux comme TikTok.
Quelle est l’influence des réseaux sociaux?
Je pense que la question du styling et de la mise en scène sur les réseaux sociaux est très intéressante. C’est une question de représentation de soi-même qui provoque un mélange entre le design, le style, l’esthétique afin de se définir en tant qu’individu. Il s’agit de singularité dans une pluralité de personnes au sein d’une société culturelle ou politique. Le but est souvent de se connecter aux autres. L’utilisation du sampling par exemple, en mixant pièces vintage et grande distribution, contribue à cela. C’est une forme d’adaptation de la tendance dans leur culture contemporaine.
De quelle manière la tendance a-t-elle évolué?
Nos étudiants sont très critiques vis-à-vis du système global de la mode, comme la fast fashion ou le travail forcé dans les usines en Asie ou en Afrique. Le système évolue et change petit à petit. Il y a une vingtaine d’années par exemple, les marques organisaient des défilés de mode homme et femme. Pour des questions de coûts, elles ont fini par les faire ensemble, ce qui a donné une nouvelle manière d’aborder le genre. Le gender fluid, la diversité, la représentation de tous les corps, mais aussi l’identité sexuelle, comme la transidentité, sont devenus des thèmes incontournables.
Quelques pièces incontournables
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