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«Partager ma réhabilitation m’aide à guérir»

Partager ma réhabilitation sur Facebook contribue à ma guérison

«J’ai insisté pour sortir de l’hôpital après ces premiers trente jours, et j’ai pu le faire grâce à mon entourage. Ne pouvant pas conduire, j’ai dû demander à ma mère de me ramener à la maison. Je ne me souvenais plus du chemin pour y aller alors que ça faisait quinze ans que j’habitais au même endroit; je me souvenais par contre du chemin du tea-room où j’achetais mes tartes aux fruits.»

© Corinne Sporrer

C’était une sortie à vélo comme j’avais l’habitude d’en faire. Mais ce 12 juin 2020, dans une petite descente, un chat a décidé de sauter dans ma roue avant. Résultat, le chat est mort et moi je suis tombée sur la tête. S’en sont suivis une hospitalisation pour traumatisme cranio-cérébral (TCC) sévère, trois jours de coma, perte de mémoire totale, perte de sensibilité et mobilité du côté droit, fracture de vertèbre et grosse plaie vers l’œil. Quand je me suis réveillée de mon coma, je ne me souvenais de rien. C’est grâce à ma sœur jumelle, qui a tout noté dans un cahier, que je peux savoir ce que j’ai vécu pendant l’accident et l’hospitalisation. Petit à petit, j’ai réussi à me souvenir de ma vie d’avant, mais rien de l’accident.

Le huitième jour d’hôpital, j’ai écrit ma première lettre de nouvelle de ma santé sur Facebook pour informer mon entourage de ce qui m’était arrivé et pour éviter de devoir répéter les mêmes messages à ceux qui s’inquiétaient.

Je venais de me souvenir que j’avais un travail d’experte en caisse de pensions, des enfants, un compagnon, des chats… Ecrire ce premier message de quelques lignes m’avait pris des heures, mais j’ai continué à le faire régulièrement pour partager des nouvelles de ma santé, de ma réhabilitation, de mes réflexions dans cette bataille pour éventuellement retrouver ma vie d’avant. Le soutien que mon entourage et mes amis m’ont témoigné m’aidait – et m’aide – beaucoup. Aujourd’hui, mon état s’est bien amélioré, mais je continue à écrire une fois par mois, et quand je relis mes premières publications, je réalise que j’ai beaucoup progressé.

Tout noter pour me rappeler

Dans les premiers temps, le plus difficile était la mémoire qui me faisait défaut. Je ne me souvenais pas de certaines choses du quotidien, mais je me souvenais des personnes et… de mon goût pour les tartes aux fruits! Durant mon séjour à l’hôpital, ma sœur m’avait écrit en très gros sur un papier, car je n’avais pas les yeux alignés suite à l’accident, un peu comme s’ils n’étaient pas en face des trous: «Tu es à l’hôpital, tu as eu un accident de vélo, tes enfants sont chez leurs grands-parents, tes chats vont bien, il ne faut pas t’inquiéter pour le travail, tes collègues s’occupent de tout, ton vélo est à la maison.» Même avec ce message, on a dû me raconter l’accident des centaines de fois jusqu’à ce que j’arrive à intégrer les raisons de mon hospitalisation. Après un mois, je trouvais que ça passait vite, évidemment, j’oubliais les heures passées au fur et à mesure que le temps avançait.

J’ai insisté pour sortir de l’hôpital après ces premiers trente jours, et j’ai pu le faire grâce à mon entourage. Ne pouvant pas conduire, j’ai dû demander à ma mère de me ramener à la maison.

Je ne me souvenais plus du chemin pour y aller alors que ça faisait quinze ans que j’habitais au même endroit; je me souvenais par contre du chemin du tea-room où j’achetais mes tartes aux fruits.

De retour à la maison, j’ai réalisé que, comme l’avaient dit les médecins, c’était trop tôt, même cuire du riz était compliqué. Le plus difficile restait la mémoire. Je repassais les habits de mes enfants malgré ma main droite hors service, mais je ne savais plus auquel ils appartenaient. La mémoire d’avant était revenue, mais les nouvelles choses ne s’inscrivaient plus tellement. J’ai petit à petit mis en place des techniques pour tout noter et surtout pour retrouver tout ce que je notais afin de pouvoir m’organiser et me rappeler de ce que je devais faire.

Un mois après l’accident, même si j’essayais de voir le positif, parfois je me disais que ma vie était foutue… et puis je corrigeais en me disant que mon ancienne vie était foutue, avant de finalement voir le verre à moitié plein, puisqu’il me faut attendre au moins douze mois pour savoir si j’aurais des séquelles, ce qui me laissait encore au minimum onze mois pour progresser… et surtout envisager de faire en sorte que ma deuxième vie soit aussi bien, voire mieux, que la première!

L’occasion de mûrir

Je ne serai plus jamais la même. J’ai passé ma vie à courir entre boulot, enfants et sport. Vélo, course à pied, ski de randonnée, skating, snowboard, natation, paddle… j’ai toujours été une grande sportive et j’aimais être entraînée. C’était un peu égoïste. Et là, d’un coup, j’étais obligée de m’arrêter.

Est-ce que c’était si utile d’arriver gainée dans mon cercueil finalement? Ma fille dit que je suis plus cool qu’avant. Je reste motivée et au taquet. Mais guérir d’un TCC, c’est un peu comme en sport: tu progresses vite au début et tu peines ensuite pour gagner les dernières secondes.

Quatre mois après l’accident, je me demandais pourquoi je ne pouvais pas vivre une journée comme avant: travailler, faire des achats, un peu de sport, les devoirs avec les enfants et les repas. Je n’arrivais pas à faire le dixième de ce que je faisais. J’ai dû accepter de prendre du temps pour ma convalescence et de considérer cet événement comme une opportunité, celle de voir la suite de ma vie comme une deuxième chance, une chance de vivre différemment.

J’ai pu reprendre la natation, le vélo aussi – comme je ne me souviens pas de l’accident, je n’ai pas peur du tout –, mais je suis bien loin des 10’000 km par an que je faisais avant.

Les semaines passent et je progresse bien au niveau de la vue, du langage, de l’équilibre, des sensations, de la mémoire, des réflexes. J’ai progressivement repris mon travail. J’ai très vite constaté que je calculais toujours très bien et que je n’avais pas du tout oublié les lois. J’ai gardé mes réflexes, même si je suis pour l’instant un peu plus lente. J’ai énormément de plaisir à me consacrer à nouveau à mon métier que j’aime tant. Et ça fait tellement chaud au cœur de retrouver mes collègues, mes clients et de participer à des séances, même virtuelles. J’ai parcouru un long chemin et j’ai déjà récupéré bien au-delà des pronostics des premiers jours. Les médecins me donnaient peu d’espoir au départ et je n’ai trouvé aucun exemple de personne ayant récupéré totalement d’un TCC (surtout sévère!), j’aimerais donc être un exemple positif qui puisse donner espoir.

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