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«L’appel de la montagne m’a poussée à remarcher»

Sa passion de la montagne a poussée Mélanie à remarcher

«Aux médecins qui me disaient que jamais je ne remarcherai, je répondais: C’est ce qu’on va voir! Je ne voulais pas rester assise dans une chaise roulante toute ma vie et ces drapeaux tibétains étaient devenus mon but pour y arriver.»

© Corinne Sporrer

Je n’ai aucun souvenir de ma chute de cheval, il y a quatorze ans. J’ai été retrouvée sur la piste de galop qui se trouve au-dessus du manège de La Tour-de-Peilz, seule, inanimée, avec mon cheval qui m’attendait. Je suis restée vingt-sept jours dans le coma. En me réveillant, j’avais tout le côté gauche paralysé, tout le côté droit qui tremblait.

Quand on se réveille d’un coma, ce n’est pas comme dans les films où on ouvre les yeux et tout est comme avant. Je n’ai aucun souvenir du premier mois du réveil. Mes yeux étaient ouverts, mais mon cerveau ne l’était pas.

Petit à petit, j’ai commencé à reprendre vraiment conscience, mais je ne me rendais pas compte de ce qui se passait. On m’expliquait ma chute, les problèmes que j’avais, mais moi je ne l’intégrais pas. Je me souviens qu’il m’arrivait de téléphoner à mes parents pour leur demander de me réveiller parce que j’étais persuadée d’être endormie dans mon lit, chez moi. Comme dans un rêve. J’avais 19 ans.

Le cheval, une lumière

Une des premières choses que j’ai demandées en me réveillant, même si je ne m’en souviens pas, c’est d’aller voir mon cheval. Il était logique d’y retourner et c’est ce que j’ai fait le premier week-end où j’ai pu rentrer à la maison, alors que j’étais encore paralysée et en chaise roulante. Les médecins m’avaient interdit d’utiliser les escaliers et de monter à cheval. J’ai fait les deux, avec l’aide de mes parents. C’était compliqué, car comme j’étais paralysée du côté gauche, je ne pouvais pas monter seule. Mon père m’a aidée avec une échelle et, une fois en selle, des personnes m’assuraient de chaque côté. Au bout de quelques mètres, j’ai senti tellement de confiance d’amour en mon cheval que j’ai demandé qu’on me laisse seule.

Le cheval a été une lumière sur ma vie, il a pris soin de moi.

C’était thérapeutique, dans ce moment où je n’avais le droit de rentrer chez moi que le week-end, étant le reste du temps à la clinique de la Suva, à Sion, pour la réadaptation.

Une photo qui fait tilt

Un jour, mon père est venu me voir avec des photos qu’il avait faites lors d’une de ses virées en montagne, à la Dent-Blanche. Il avait pris un cliché depuis la cabane, le matin, au lever du soleil sur des drapeaux tibétains et j’en suis tombée immédiatement amoureuse. J’avais vraiment envie d’aller voir ça.

Aux médecins qui me disaient que jamais je ne remarcherai, je répondais: C’est ce qu’on va voir! Je ne voulais pas rester assise dans une chaise roulante toute ma vie et ces drapeaux tibétains étaient devenus mon but pour y arriver.

J’ai eu la chance d’avoir une physiothérapeute complètement impliquée, qui est d’ailleurs devenue une amie. On a fait des folies. Je rêvais de refaire du patin à roulettes? Elle m’a dit de les apporter, a emprunté un caddie de supermarché et j’ai fait du patin à roulettes à la clinique de la Suva. Elle était à fond derrière moi. Je ne voulais pas rester sur ce constat que je ne pourrais plus jamais marcher.

Je voulais récupérer le maximum. Je voulais vraiment y arriver. Six mois après l’accident, je suis sortie de la clinique de réadaptation.

J’étais debout, mais je marchais avec des bâtons, impossible de faire sans. Pendant environ deux ans j’ai continué la physiothérapie et l’ergothérapie en ambulatoire. J’habitais chez mes parents, à cinq minutes du manège, je montais donc à cheval tous les jours.

Dix heures de marche

Au bout de trois ans, avec mon père, nous avons fait notre première cabane, puis la Dent-de-Jaman. Au milieu de la montée, je me suis dit que jamais je n’arriverai en haut. Mais j’ai fini par réussir et nous avons pu contempler le coucher du soleil. Avant de nous attaquer à la cabane de la Dent-Blanche, située à 3507 mètres, nous en avons fait deux autres de moindre altitude pour voir comment mon corps se comportait et si j’arrivais à supporter l’intense dépense musculaire. Mais l’effort nécessaire lors de ces marches tests n’avait rien à voir avec celui qu’il m’a fallu déployer pour arriver à la cabane de la Dent-Blanche. Ça m’a pris plus de dix heures pour y arriver! On était sur le glacier, la partie finale avant la cabane, et il fallait encore gravir une vingtaine de mètres. A ce moment-là, j’étais vraiment un zombie, mes jambes marchaient, mais je ne savais pas comment. Je n’étais plus là. Il était déjà très tard, trop pour voir les fameux drapeaux. Ce n’est que le lendemain que j’ai enfin pu les toucher. Ce fut une émotion absolue.

Entre guérison et adaptation

Ce beau moment tant attendu a été terni par l’intense fatigue que j’avais accumulée. J’avais tellement donné pendant cette montée, que je ne pouvais plus bouger la jambe droite. On a dû se résoudre à appeler un hélicoptère pour me faire redescendre. Là, je me suis dit que mon but n’était pas totalement atteint, puisque je n’avais pas pu descendre à pied. J’étais un peu malheureuse, après m’être battue pendant plus de dix heures…

Lors de cette randonnée, j’ai découvert quelque chose dans la montagne que je n’arrivais pas encore à définir. Je voulais donc y retourner et comprendre.

Alors j’ai continué… et pour le faire, il fallait que je trouve un guide. Sur le Net, c’est en découvrant une pub pour un week-end d’initiation à la grimpe que je suis tombée sur Jérôme. Je lui ai expliqué mes problèmes, notamment que je voyais double, une des séquelles de mon accident. Là, du tac au tac, il m’a répondu que ça n’était pas un problème, car comme ça, je verrais deux fois plus de prises. Sa réponse, aussi saugrenue soit-elle, m’a fait rire et il est devenu mon guide de montagne.

La montagne, justement, m’a aidée à m’accepter beaucoup plus comme je suis, même si c’est loin d’être parfait. Elle m’a fait comprendre des vérités sur la vie, comprendre qu’il ne fallait plus chercher la guérison, mais qu’il fallait juste trouver une adaptation.

Ça peut paraître paradoxal pour une handicapée, mais je m’y sens plus à ma place qu’en ville. Il n’y a personne pour me faire me sentir mal, pas de regard jugeant. Aujourd’hui, à 34 ans, aller en montagne est devenu à la fois un apprentissage et un plaisir. Contrairement à ce qui m’avait poussée à sortir de mon fauteuil, il y a quatorze ans, je n’envisage plus chaque sommet en me disant: Il faut y arriver. J’ai moins besoin de me lancer des défis. Maintenant, j’ai besoin de vivre.

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