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«J’ai été diagnostiquée Asperger à 50 ans»

Temoignage diagnostiquee asperger 50 ans

«Ce diagnostic m’a énormément fait pleurer. Ça venait me chercher là où je m’étais cachée.»

© Corinne Sporrer

Le parcours fut long pour arriver à ce diagnostic. Apprendre à 50 ans que j’étais atteinte du syndrome d’Asperger après des années à me demander ce qui n’allait pas chez moi m’a mis dans un important état de confusion. Ça n’a pas été un soulagement. Loin de là. Toutefois, la pose de ce diagnostic m’a donné une grille de lecture qui me permet de revisiter mon passé et les difficultés que j’ai rencontrées tout au long de ma vie. Ça explique tellement de choses. La personne Asperger est en quête de normalité et a envie de se sentir intégrée dans cette norme.

C’est une souffrance d’avoir cette sensation dès l’enfance, de faire tellement d’efforts et d’être en échec malgré tout. Jamais je n’ai eu la personnalité qui convenait. On me répétait que, telle que j’étais, il n’était pas étonnant que les gens ne m’aiment pas, que la façon dont je m’exprimais poussait les autres à me rejeter. Je n’avais jamais la bonne mesure.

J’en suis arrivée à la conclusion que j’étais un être répulsif, détestable. Ça n’a pas été facile à vivre.

Une sorte d’anthropologue extraterrestre

J’ai passé ma vie à observer les gens comme une espèce d’anthropologue extraterrestre. Je me demandais comment ils faisaient pour se rencontrer, comment ils se parlaient et de quoi. J’ai toujours été incapable d’entrer en communication comme le font la plupart des gens entre eux. Dans le syndrome d’Asperger il y a aussi une immense naïveté. Je n’ai parfois pas vu les véritables intentions des gens. Je me trouvais bête de ne pas savoir lire les implicites sociaux.

A l’adolescence, j’avais très peu de copains et dès qu’il y avait une troisième personne qui se greffait à un duo initial, je pouvais passer ma soirée toute seule sur le balcon. Vers 25 ans, après avoir essuyé pas mal d’échecs, je me suis dit que je ne voulais plus être seule et je me suis forcée à m’intégrer dans un groupe. Je racontais des gags, même si ça ne me faisait pas rire. Je me disais que j’étais nulle, vide. Avoir des amis est devenu une obsession, au point, peut-être, de faire fuir. J’avais le sentiment de jouer un rôle et quand je quittais mes amis, je me sentais épuisée, plongée dans un gouffre de solitude.

Échecs à répétition

Je n’ai jamais rien terminé, ni l’école obligatoire – j’allais dessiner en forêt – ni les arts appliqués – un prof m’avait un jour fait une remarque sur mon travail qui m’avait obnubilée pendant des semaines. J’ai d’ailleurs appelé un ancien prof suite au diagnostic, car j’avais envie d’avoir son feedback, et je suis tombée des nues quand j’ai réalisé à quel point j’étais en décalage. Je ne me rendais pas compte de la forme d’impertinence que je pouvais afficher, de mon attitude confrontante. Il paraît que j’étais la seule à ne pas lever la main pour prendre la parole en classe. J’arrivais et je dessinais tout le temps. Je me souviens de ça, c’était ma manière de pouvoir écouter. La créativité est une nécessité et un refuge. J’ai un atelier qui est indispensable à mon équilibre et j’ai justement pu m’épanouir dans mon activité créatrice en étant indépendante. Mes autres expériences professionnelles n’ont pas été des réussites, car j’ai des difficultés à voir l’importance de la hiérarchie.

Ma vie amoureuse a quasiment été un désert. J’avais le sentiment de ne plaire à personne. Depuis que je connais le diagnostic, je revisite un peu tout ça et je découvre que l’hyper-sensorialité liée à ce syndrome y est pour quelque chose aussi. Chez moi, l’attirance physique ne vient pas comme ça. Le contact avec le corps de quelqu’un, avec son odeur, nécessite que je m’y habitue. Je ne possédais pas cette clé de compréhension-là, avant. Mais il y a eu un miracle quand même. J’ai maintenant un compagnon de vie que j’ai connu grâce à un site de rencontre. L’écrit a facilité notre rapprochement et les choses ont pu se passer, car il a su verbaliser.

J’ai appris à l’aimer. Il m’a fallu du temps pour m’habituer à lui, pour me rendre compte que j’aimais bien vivre avec lui. Nous sommes ensemble depuis onze ans maintenant.

Un handicap invisible

J’ai consulté un nombre incalculable de psys pour essayer de comprendre ce qui n’allait pas chez moi. On peut même parler d’errance diagnostique. C’est il y a un an, en entendant un podcast dans lequel un de mes anciens amis racontait comment il avait été diagnostiqué Asperger à 50 ans, que j’ai eu une sorte de déclic. Il était une des rares personnes avec lesquelles je pouvais avoir une conversation sans être dans le contrôle. Son témoignage m’a bouleversée. Jusque-là, j’avais toujours associé le spectre de l’autisme à la déficience mentale, mais ce qu’il avait raconté me parlait. Je l’ai contacté et il m’a conseillé une psy avec laquelle j’ai entrepris cette démarche et cette expertise.

Pour moi, ce diagnostic contient une part de subjectivité et je le prends avec des pincettes. Je suis loin d’être au bout de cette revisite et il m’aide à prendre la mesure de mes propres besoins. Certains de mes comportements sont des impostures, un comble pour moi qui suis très à cheval sur l’authenticité!

Ce n’est pas une maladie, mais un handicap invisible dont peu de gens peuvent prendre la mesure. Il est très difficile pour autrui de comprendre qu’on puisse avoir une aisance verbale telle que la mienne et autant d’enthousiasme tout en étant Asperger.

C’est d’ailleurs un trait caractéristique de la plupart des personnes atteintes de ce syndrome. J’aurais pu éviter tellement de souffrances si j’avais eu cette grille de lecture avant.


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