Un peu d'histoire
Typhoid Mary, l'histoire d'une femme confinée à vie
C'est qui?
La vie de Mary Mallon commence pourtant de façon totalement ordinaire. Née à Cookstown, en Irlande du Nord, elle traverse l’Atlantique en 1884 pour tenter sa chance aux Etats-Unis. Cuisinière de talent, elle s’installe à New York et régale les papilles de riches familles qui apprécient surtout son délicieux sorbet à la pêche. Mais lorsque ses employeurs contractent mystérieusement la fièvre typhoïde, les épidémiologistes identifient la pauvre Mary comme étant la première porteuse asymptomatique de la maladie sur le sol américain. Ce diagnostic lui vaudra un confinement presque ininterrompu.
Pourquoi on en parle?
Parce que contrairement au nôtre, le confinement de Mary ne s’est jamais arrêté. Refusant la chirurgie que souhaitent lui prodiguer les médecins pour ôter le foyer de la maladie, Mary jure d’abandonner son activité, afin de minimiser le risque de transmission. Cette promesse lui permet de retrouver la liberté.
Toutefois, constatant que les autres emplois qui s'offrent à elle sont moins bien payés, elle rompt rapidement son serment et change de prénom, afin de retrouver les fourneaux en cachette. Alertés par de nouveaux cas de typhoïde dans la région, les experts la retrouvent, cachée dans un quartier de l’arrondissement du Queens, appelé – on y croit à peine – Corona! Face à l’inquiétude de la population, les autorités décident alors de confiner à nouveau l’Irlandaise.
L'explication scientifique
Les historiens hésitent. Convient-il de plaindre Mary Mallon, recluse sur l’île de North Brother, au large de New York, jusqu’à son décès en 1938? Ou faut-il la blâmer d’avoir pris le risque de contaminer la moitié de la ville?
En réfléchissant à sa triste histoire, on se demande comment une maladie peut être portée de façon asymptomatique durant tant d'années. Nous avons posé la question au Professeur Thierry Calandra, Chef du Service des maladies infectieuses du CHUV:
Cette réponse immunitaire permet à l'organisme de continuer d’excréter de manière prolongée la bactérie par voie fécale, ce qui favorise la transmission de la bactérie.»
Et effectivement: à la mort de Mary Mallon, alors âgée de 69 ans, les médecins avaient confirmé que les bactéries responsables de la typhoïde s’étaient logées dans sa vésicule biliaire, rendant possible la transmission sans déclencher de symptômes chez Mary. Lors de son diagnostic, l'intéressée avait avoué qu’elle ne se lavait «presque jamais» les mains, ce qui explique la contamination de ses employeurs, dont elle cuisinait chaque repas. À sa décharge, ce geste d’hygiène de base n’était pas encore entré dans les mœurs.