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Journée internationale des droits des femmes

Simonetta et Daniela: de femme à femme

Rencontre simonetta sommaruga daniela buchser 8 mars 2021

«J’ai ressenti l’envie de défendre les femmes face à toutes ces injustices. Mon engagement politique est venu de là, je voulais agir pour changer les choses. J’ai trouvé ma voie. Et ma voix, en l’utilisant pour défendre les autres.» - Simonetta Sommaruga

© Alessandra Leimer

Sous le soleil timide de cette aube printanière, les serres du jardin botanique s’emplissent d’une lumière dorée. Cactus, palmiers et succulentes y veillent en silence, témoins immobiles d’un instant unique: dans ce bijou verdoyant de la capitale, deux femmes dont les chemins n’auraient sans doute jamais dû se croiser, discutent de leurs passions communes. L’une d’entre elles, vous la connaissez: il s’agit de Simonetta Sommaruga, celle qu’on a appelée, durant toute l’année 2020, Madame la présidente de la Confédération. A ses côtés, on croise le regard doux et vif de la jeune Daniela Buchser, 19 ans, en quatrième année d’apprentissage d’installatrice électricienne à Moutier. Plus de quarante ans les séparent, mais entre deux anecdotes de vie contrastées, leur conversation à visage masqué esquisse des points de convergence importants; à quelques jours du 8 mars, ces deux femmes ont en effet beaucoup à se dire.

De rêve en rêve

Daniela, liane blonde, se fend de quelques plaisanteries qui détendent l’atmosphère et raconte joyeusement son quotidien, rythmé par les cours et les journées de travail. Simonetta Sommaruga, contente de se prêter à l’exercice, la questionne avec curiosité. Les craintes initiales de Daniela semblent s’évaporer, alors que l’idée d’échanger avec une conseillère fédérale a évidemment quelque chose d’impressionnant. Mais la jeune femme n’a pas pour habitude de se laisser intimider. Œuvrant dans un domaine encore largement masculin, celui de l’installation électrique, elle sait s’imposer, même en tant qu’une des seules filles de son secteur. Ayant grandi avec trois grands frères qui lui «en ont fait voir de toutes les couleurs», elle a toujours évolué parmi les garçons et refuse de se laisser faire.

«J’ai quand même un sacré caractère, constate-t-elle. Mais quand je travaille sur un chantier, je me sens à ma place, je n’ai pas l’impression d’être différente.»

C’est son père, paysagiste de profession, qui l’a poussée dans cette voie, remarquant son attirance pour les métiers techniques et de terrain. «Je ne tiens pas en place, je préfère toujours avoir quelque chose à faire de mes mains», confirme-t-elle. Le rêve de la jeune femme? Passer son CFC, obtenir le brevet fédéral d’électricienne cheffe de projet et fonder, un jour, une famille aussi unie que la sienne.

© Alessandra Leimer

Devant cette force de caractère, Mme Sommaruga se dit épatée: «A votre âge, j’étais beaucoup plus timide que vous», lui avoue-t-elle. Passionnée de piano, la conseillère fédérale se rêvait dans les plus grandes salles de concert. Or, la vie lui réservait un tout autre destin: «La musique était mon monde, mais je restais réaliste, se souvient-elle. Je savais que pour vivre des concerts, j’aurais dû commencer plus tôt et répéter davantage. J’ai également donné des cours au Conservatoire: j’admire ceux qui enseignent la musique et transmettent leur passion, mais cela requiert une patience que je n’avais pas à l’époque.»

Durant cette période, Simonetta Sommaruga travaillait dans un établissement accueillant des femmes victimes de violences. Et là, ce fut le déclic: «J’ai ressenti l’envie de défendre les femmes face à toutes ces injustices, explique-t-elle. Mon engagement politique est venu de là, je voulais agir pour changer les choses. J’ai trouvé ma voie. Et ma voix, en l’utilisant pour défendre les autres.» C’est ainsi que son chemin l’a menée vers la politique, qu’elle n’a plus quittée. En 2015, elle devenait la cinquième femme – seulement – à accéder à la présidence de la Suisse.

«J’ai ressenti l’envie de défendre les femmes face à toutes ces injustices. Mon engagement politique est venu de là, je voulais agir pour changer les choses. J’ai trouvé ma voie. Et ma voix, en l’utilisant pour défendre les autres.»

Simonetta Sommaruga

Conseillère fédérale

Une cause partagée

En repensant à l’époque de ses 20 ans, Simonetta Sommaruga souligne une évolution importante au niveau des choix et des possibilités qui s’offrent aux femmes: «Lorsque j’avais votre âge, il aurait été exclu que je suive un apprentissage tel que le vôtre», ajoute-t-elle, à l’intention de Daniela, dont elle applaudit le parcours. Bien que la jeune femme soit parfois confrontée à des remarques sexistes, elle se focalise sur ses objectifs. A ses yeux, une fille peut suivre n’importe quelle voie. Or, jusqu’à l’égalité parfaite, il nous reste encore un bout de chemin à parcourir: «Je sais que toutes les filles n’osent pas entreprendre des formations considérées comme masculines, déplore Daniela. Les choses évoluent dans le bon sens, mais ce n’est pas encore perçu comme étant totalement normal. Et ça me désole! Sur le chantier, par exemple, j’ai peut-être un peu plus de mal à accomplir certaines tâches très physiques, mais je finis par y arriver.»

Autre victoire à conquérir, l’égalité salariale, bien sûr. «Plus jeune, en commençant un nouvel emploi, j’ai réalisé par hasard que je ne gagnais pas la moitié du salaire de mon prédécesseur, raconte Simonetta Sommaruga.

Plutôt que de m’offusquer de cette injustice, je me suis demandé comment je pourrais prouver que, moi aussi, j’étais capable d’accomplir ce travail. J’ai douté de moi, plutôt que de remettre en cause le système.»

En politique, et au parti socialiste, elle estime avoir toujours bénéficié de chances égales. Toutefois, quand elle se retrouve seule femme dans une séance, elle relève avec une certaine ironie, des interpellations du type: «Madame Sommaruga, chers collègues», qui la distinguent du groupe. Elle évoque également les résistances rencontrées, lorsque, en tant que ministre de la Justice, elle s’était engagée pour l’égalité salariale entre hommes et femmes et les quotas à la tête des grandes entreprises: «On me disait que c’était impensable, perdu d’avance. Je répondais que nous allions nous battre.» Preuve qu’à force de lutter, les femmes se découvrent invincibles.

Aujourd’hui, le combat n’est pas terminé, mais la satisfaction que décrit Simonetta Sommaruga en écoutant Daniela raconter ses ambitions prouve que les choses avancent. «Daniela est une véritable influenceuse, sourit la conseillère fédérale. Son parcours encourage les jeunes femmes à oser s’engager sur toutes les voies. Et nous avons besoin d’une perspective féminine dans tous les domaines, donc il faut oser, absolument!» Le soleil, moins timide, semble s’inspirer de ces mots, car cette fois, il éblouit la serre. Daniela et Simonetta poursuivent leur discussion, passant de l’allemand au français. De temps à autre, un éclat de rire fait vibrer les feuilles des palmiers qui les entourent. Il paraît que les plantes comprennent tout et se nourrissent de nos vibrations. Ce jour-là, on dira qu’elles ont absorbé du girl power.

Héroïnes

FEMINA Quel est votre modèle féminin, une femme qui vous inspire?

Daniela Buchser Je dirais ma maman. Elle est entrepreneuse, dirige son propre garden center. Par ailleurs elle a le permis poids lourds et conduit des camions! C’est aussi une preuve que les femmes peuvent tout faire.

Simonetta Sommaruga J’avais une grand-tante qui m’inspirait beaucoup. Très indépendante, elle n’était pas mariée et voyageait énormément. Elle faisait ses propres choix et traçait son propre chemin. Dans son appartement, on découvrait des objets rapportés du monde entier, elle nous montrait des diapositives de ses périples… Je sentais qu’elle vivait quelque chose de hors norme, mais je crois qu’on lui en a fait payer le prix. Les gens murmuraient dans son dos, la trouvaient un peu excentrique. Moi, j’allais souvent chez elle, je la trouvais fascinante. Grâce à elle, j’ai compris qu’en tant que femme, on peut refuser de se conformer à ce qu’on attend de nous et simplement être nous-mêmes.

Le violet… et le vert

Au milieu du Botanischer Garten, Daniela Buchser et Simonetta Sommaruga évoquent leur attachement à la nature. La première a été élevée par une mère fleuriste et un père paysagiste qui, même le week-end, passe son temps dans le jardin. En tant que future installatrice électricienne, elle jouera un rôle de premier plan dans les enjeux climatiques, notamment via les raccordements des installations de panneaux photovoltaïques ou de pompes à chaleur.

Simonetta Sommaruga, qui dirige le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication, acquiesce avec enthousiasme. En juin 2021, le peuple suisse se prononcera sur la loi sur le CO2, qui s’inscrit dans la lutte contre les gaz à effet de serre, et la conseillère fédérale compte beaucoup sur la mobilisation des citoyennes. «Depuis que les femmes ont le droit de vote, leurs voix ont fait la différence dans plusieurs domaines, dont celui de l’écologie, rappelle-t-elle. Je remarque qu’elles présentent une grande sensibilité aux questions de durabilité. Elles peuvent faire toute la différence.»


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