Guerre en Ukraine et pandémie
Pourquoi les mèmes nous aident à gérer nos émotions négatives
On découvre chaque jour les chroniques d’une boucherie innommable, on louche sur des infographies mesurant le rayon de destruction de la tsar bomba si elle tombait sur une grande ville, et l’expression «troisième guerre mondiale» arrive plus vite que la première bouchée de cacahuètes lors des apéros entre amis.
En l’espace d’un scroll, les réseaux sociaux sont passés le 24 février de Mange, prie, aime à Apocalypse Now. Les influenceurs en vogue ne tiennent plus des poke bowls mais des kalachnikovs. Consulter son fil d’actualité aujourd’hui, c’est le meilleur moyen de finir avec des palpitations. Pourtant, il n’est pas rare de surprendre les utilisateurs de smartphone pouffer de rire sur leur écran. Début de crise nerveuse? Pas complètement: tout ça, c’est la faute aux mèmes.
La très longue table Putin
Parmi les plus partagés, une hypothétique table «Putǐn» d’Ikea, clin d’œil aux interminables tablées déployées entre le chef du Kremlin et ses invités diplomatiques, un Volodymyr Zelensky dépeint en Captain Ukraine façon Marvel pour louer son courage, une évocation de Maman j’ai raté l’avion où l’accueil musclé que le petit Kevin réserve aux cambrioleurs figure la résistance de l’Ukraine face aux assauts des troupes russes…
On sourit bêtement devant eux. Et on culpabilise. Le peuple ukrainien, qui meurt sous les bombes, attend que le monde leur envoie en masse des avions, des chars, et nous, ce sont des mèmes que nous produisons à échelle industrielle. Mais voilà: derrière leur apparente légèreté, voire incongruité, ils nous font vraiment du bien, nous disent les travaux en psychologie sur le rire en temps de crise.
Générateur de solidarité
Car comme lors du début de la pandémie, l’humour se révèle être un puissant outil cathartique, capable de nous aider à réguler colère, peur et anxiété. Par leurs référentiels populaires et leur côté collaboratif, ils contribuent également à renforcer les liens avec celles et ceux que nous considérons comme des nôtres face à l’adversité.
Une nouveauté cependant: les mèmes nés avec la guerre en Ukraine ont parfois acquis une dimension éthique et morale qu’ils avaient rarement auparavant, pointant par exemple du doigt la naïveté et la mollesse de l’Occident, ou encore l'hypocrisie et le cynisme de l'envahisseur. Comme le bourgeois gentilhomme de Molière avec la prose, nous faisons un peu, avec les mèmes, de la philosophie sans le savoir.
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