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Aujourd’hui photographe et réalisatrice, parce qu’elle n’a «plus envie d’être actrice», Mireille Darc reste l’une des étoiles les plus lumineuses du star-system français. Une icône dont l’aura a encore gagné en rayonnement depuis qu’elle a décidé, voilà quelques années, de passer de l’autre côté de la caméra et de tourner des documentaires. «Pour donner la parole aux gens qui ne l’ont jamais.»

Rien ne la prédestinait, pourtant, à ce statut de star. Et surtout pas son enfance.

La poésie pour guérisseuse

L’histoire de Mireille Darc commence dans les faubourgs de Toulon, en mai 1938. Les temps sont durs. Gabrielle et Marcel Aigroz ont beau travailler comme des fous – il est jardinier, elle tient une épicerie – ils arrivent à peine à joindre les deux bouts. La guerre qui gronde n’arrange rien. La situation est si difficile, même, qu’en 1942 ses parents l’envoient en Suisse. Accompagnée de ses frères aînés, Maurice et Roger, la petite Mimi arrive aux Plans-sur-Bex, chez l’une des sœurs de son père, originaire de «Combremont-le-Petit, dans le canton de Vaud». Les enfants doivent y passer les vacances d’été; ils y resteront jusqu’à la fin du conflit. De cette période, Mireille Darc garde, entre autres souvenirs, des paysages de conte de fées, les jolies robes que lui coud sa tante Marie, l’initiation au ski ou encore son amie, la chienne «Lassie».

De retour à Toulon, elle entre à la «grande école», où elle fait une rencontre déterminante: la poésie. Réciter des poèmes, répéter et «faire résonner» un mot «20 fois, 50 fois», jusqu’à ce qu’il devienne son ami, lui permet de «recadrer» la dyslexie dont elle souffre. Et l’aide à s’évader de la grisaille ambiante.

Car chez elle, Mireille n’est pas heureuse. Mal dans sa peau, délaissée par des frères nettement plus âgés qu’elle, la gamine maigrichonne a le sentiment terrible de ne pas être à sa place, de gêner. Elle ne comprend pas pourquoi Gabrielle, qu’elle aime tant, se montre si distante avec elle. Pas plus qu’elle ne saisit la froideur de Marcel, qui la surnomme «la bâtarde» et va jusqu’à faire une tentative de suicide devant elle, en l’accusant: «C’est à cause de toi!…»

Le regard d’une bienveillance enveloppante, si frêle dans son gilet doudoune noir, Mireille Darc (se) raconte avec une sérénité stupéfiante. Comme si tout était effacé.

«Non, sourit-elle. Il ne s’agit pas d’oublier. Mais on ne peut pas revenir en arrière et il ne faut pas pourrir de l’intérieur en ressassant… Tout cela n’a plus aucune importance.» Irradiant la force tranquille, elle confirme: oui, elle est en paix avec son passé. Et c’est beaucoup à ses documentaires qu’elle le doit. Au fil de ses enquêtes, de ses tournages, elle a appris à se mettre à la place de l’autre pour essayer de le comprendre. Ce qui lui a permis d’aller, peu à peu, vers l’acceptation et le pardon. «Ces reportages sont mes lettres de noblesse, une véritable thérapie. «Pardonner» (ndlr: récemment diffusé sur RTS Deux et visible sur Les Docs jusqu’au 8 mars 2016), par exemple, m’a fait prendre conscience de cette attitude de victimisation qui consiste à rejeter toute la faute sur les autres. Les personnes que j’ai rencontrées pour ce film m’ont fait réfléchir. Elles m’ont aidée à me poser les bonnes questions sur ma vie.»


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Une tendresse infinie dans la voix, elle reprend: «Cet homme qui m’a élevée, Marcel, n’est probablement pas mon père biologique, je n’ai pas de certitude. Cela ne m’empêche pas d’être en état d’amour à son égard, parce que je suis dans la compréhension: pour m’appeler «la bâtarde» et me traiter comme il m’a traitée, il était évidemment en grande souffrance.»

Libérée de ses peurs

Secouant son éternelle crinière blonde, Mireille Darc, toujours dans l’indulgence, ajoute que la forme d’indifférence générale dans laquelle elle a grandi a tout de même eu ses avantages. D’abord, elle lui a permis de développer la liberté et l’indépendance d’esprit qui lui demeurent vitales. Ensuite, n’étant l’objet d’aucune attente parentale, elle a pu décider seule de son destin. De fait, lorsqu’elle décide d’être comédienne puis, un peu plus tard, de «monter à Paris», sûre que le monde du spectacle n’attend qu’elle, ni Gabrielle ni Marcel ne songent à l’en empêcher.

Amusée, elle revoit ses débuts parisiens, en 1959, qui se transforment vite en tourbillon joyeux: l’amitié avec Audiard et sa bande, les succès qui s’enchaînent, le public fou d’elle, l’amour avec Alain Delon, les familles «plus appropriées» qu’elle se recrée… Arrivent les années 1980, marquées par l’adversité. Première opération à cœur ouvert – le souffle cardiaque dont elle souffre a été provoqué par des angines non soignées dans son enfance – rupture avec Delon après seize ans de vie commune, accident de voiture qui l’immobilise des mois durant, décès de son nouveau compagnon en attente d’une greffe de foie... Chaque fois, aussi dur que soit le coup, Mireille Darc se relève. Regarde vers l’avant. Et, à la fois lasse de la dictature de l’image et en recherche de spiritualité, porte son attention sur les autres, se lance dans les documentaires et la photo.

Si bien qu’aujourd’hui, en paix avec la vie, heureuse avec l’architecte Pascal Desprez, le troisième homme de sa vie, elle fourmille d’envies et envisage l’avenir avec sérénité, libérée de ses peurs: «Les épreuves sont là pour nous faire grandir… Elles sont souvent à la limite de l’acceptable, mais on y arrive!» Frêle et chaleureuse, cette flamme blonde en est la preuve éclatante.

Questions d’enfance

Un parfum Le parfum de ma mère quand, toute petite, je me couchais contre elle. Ainsi que les odeurs de café, de poussière et de fruits qui se mêlaient dans l’épicerie.

Un doudou Nous étions vraiment très pauvres. Et contrairement aux autres enfants, je n’avais pas de poupée, pas de nounours, pas de doudou…

Le premier poème Je pense que c’était l’une des fables de La Fontaine… Je les ai eues près de moi toute ma vie, elles ont été un support très important. A l’école d’abord, puis au Conservatoire d’art dramatique – où j’ai passé toute une année à n’apprendre et ne dire que des fables – elles m’ont non seulement appris à articuler, mais aussi permis de perdre mon accent méditerranéen!

Un film «Le chevalier du roi», avec Janet Leigh et Tony Curtis – dont je tombe aussitôt amoureuse. A l’écran, ce garçon a l’air de s’amuser, il apporte un souffle de gaieté dans ma vie – cette gaieté qui me fait tant défaut.

Un animal «Lassie», la chienne colley de ma famille suisse, qui m’a accueillie pendant les années de guerre. Elle était amicale et douce. Je l’aimais, elle me le rendait bien. Nous nous épaulions mutuellement.

«J’ai 5 ans. Ma mère tenait beaucoup au ruban dans les cheveux.»
Mireille âgée de 18 ans environ. A l’époque, elle est élève au Conservatoire de Toulon.
«Vers 16 ou 17 ans peut-être, devant la voiture de nos voisins.»
«Ma communion solennelle.»

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