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Si Marie-Christine Horn était une couleur, elle serait le rouge. Dans toutes ses nuances. Sang pour la passion qui lui colle à la peau et à la plume. Orangé pour la chaleur et la gentillesse qu’elle dégage. Garance pour la fougue dont elle déborde sous ses airs de jeune fille rangée. Ferrari pour les bolides à cheval cabré si chers à son papa.

Mais elle serait aussi le noir. Pour son humour ravageur, son goût de la nuit et du mystère. Pour son (grand!) nouveau polar, malicieusement intitulé «Tout ce qui est rouge» et dans lequel il est question de tueurs en série, d’art brut et d’hôpital psychiatrique. Armée d’une cigarette électronique rose bonbon, le regard coquin, la belle Fribourgeoise née en 1973 explique que son intrigue trouve sa source dans son adolescence. A l’époque, Marie-Christine fréquentait un infirmier en psychiatrie. «Il m’avait emmenée à Martigny pour voir une expo d’œuvres réalisées par des malades internés. C’était tellement fort!» Songeuse, cette maman de deux garçons de 19 et 14 ans relève que si cette visite a constitué une espèce d’électrochoc, elle a, en fait, toujours aimé les ambiances à la Stephen King. «Ça vient de ma mère», glisse-t-elle.

Plongeant dans les années 1980, elle se souvient, amusée, que son père, coureur automobile et garagiste réputé bien au-delà de la Gruyère, louait trois cassettes VHS à regarder en famille chaque fin de semaine: «Un Bud Spencer-Terence Hill, un James Bond et… un film d’horreur pour maman. Du coup, de «Freddy, les griffes de la nuit» à «Massacre à la tronçonneuse», avec ma sœur Anne-Valérie, qui a deux ans de plus que moi, on les a tous vus. Tous!»

Pourrie-gâtée

Avec tendresse, Marie-Christine précise que si cette attirance familiale pour la noirceur peut sembler bizarre, elle a toutefois fait partie intégrante de son enfance, qu’elle qualifie de merveilleuse: «On riait énormément et j’ai eu de la chance… Mes parents nous mettaient un cadre assez strict, c’est vrai, mais si on le respectait, tout allait très bien. On était même pourries-gâtées!»

Admirative, elle raconte encore que Jacqueline et Walo Schibler travaillaient comme des dingues tout en menant de front leurs passions respectives – la mécanique et la course automobile pour lui, l’équitation et la peinture pour elle. «Leur façon de s’investir à fond dans ce qu’ils aimaient nous a appris qu’il ne faut pas renoncer à ses rêves!» Elle reprend: «Ils m’ont donné le goût des choses bien faites, le sens de l’honnêteté et une forme de jusqu’au-boutisme. Ce sont des valeurs qui me portent…» Les yeux pétillants, elle souligne que, de toute manière, si elle était tentée de s’écarter du «droit chemin», elle aurait son garde-fou personnel. A savoir sa maman – une louve avec qui elle entretient une relation fusionnelle et qui, sans a priori, mais fermement, l’oblige à se poser les bonnes questions, à redescendre sur terre quand nécessaire.

Les gribouillis de Tinguely

Mais là, inutile d’essayer. Marie-Christine s’est envolée, cap sur des souvenirs heureux: les vacances d’été «géniales» au camping de Gumefens (FR) sous la garde de ses grands-parents Horn, avec pêche, jeux de cartes, lecture et rigolades à la clé; les tentatives de son père pour mettre au point des hélicoptères télécommandés; les bêtises avec sa sœur et des copains du coin; le monsieur de Montreux qui apportait des chocolats – en l’occurrence Dmitri Nabokov, apprenti pilote de modèles réduits; les rencontres avec Jean Tinguely, un ami de ses parents qui «gribouillait» sur des cartons.

Puis elle repense aux chevaux, aux boxes à nettoyer pour «mériter» une balade; aux animaux de toutes sortes qu’elle avait le droit de recueillir pour autant qu’elle s’en occupe – «au onzième chat, ma mère a fini par dire stop!»; aux frustrations adolescentes; aux clowneries de Walo; à ses maladresses si touchantes…

Et l’école? Marie-Christine balaie l’affaire en trois phrases lapidaires: «En primaire, tout allait bien. Ensuite, moins. Question d’hormones!» On se contentera donc de ça.

Quoi qu’il en soit, mue par l’envie de sortir du cocon et de gagner des sous, la demoiselle se lance dans un apprentissage. A 19 ans, elle loue donc un studio «dans le village d’à côté». Elle n’y reste pas longtemps: en 1996 naît son premier fils, Ludovic, qui lui inspire quelques années plus tard son troisième livre. C’est en effet après deux premiers romans, parus en France en 2006 et 2008, qu’elle publie «La toupie», un récit-témoignage «pour aider les autres», leur offrir le bouquin qu’elle aurait aimé lire quand un syndrome de déficit d’attention avec hyperactivité (TDAH) est diagnostiqué à son aîné. «Ce n’est certes pas facile pour l’entourage – mais c’est surtout dur pour l’enfant», note-t-elle. Un éclair de tristesse.

Elle se ressaisit rapidement et, en bonne mère poule, fond en parlant de ses deux minots, s’amuse du sens de la repartie et de l’humour à toute épreuve qu’ils ont hérité de sa famille, de la finesse d’esprit de son cadet. Et se réjouit de la vie qu’ils mènent en tribu dans la maison familiale. Car oui, elle a maintenant repris la maison de La Roche (FR) dans laquelle elle a grandi avec Jacqueline, Walo, Anne-Valérie et ses grands-parents maternels, et y habite avec ses deux fils, en communauté avec une amie d’enfance, qui a elle-même un garçon et une fille.

Une jolie manière pour l’auteure à la plume si finement assassine de revenir sur les lieux de ses premiers (gentils) crimes…

Questions d’enfance

Un parfum d’enfance Celui de ma mère, un Estée Lauder. Et puis les Gauloises jaunes de mon grand-père et Drakkar Noir, qui était l’après-rasage de mon père. Ça reste d’ailleurs un souvenir… piquant: tous les matins, il préparait des toasts pour ma sœur et moi, et comme il venait de se raser, les tartines en étaient littéralement imprégnées. Une horreur!

Un bonbon Les coquillages, et les boules à 10 centimes – les violettes, surtout!

Un tableau «Le cri», de Munch. Cette œuvre m’avait d’autant plus impressionnée qu’elle me faisait penser aux univers que ma mère peignait.

Un livre Le premier livre qui m’a vraiment marquée, c’est «L’enfant qui ne pleurait pas», de Torey Hayden. C’était une abominable histoire de maltraitance. J’étais bien trop jeune pour lire ça: j’avais 7 ans.

Un plat adoré Le pain aux pommes de ma grand-mère! Malheureusement, personne n’est capable de le refaire comme elle.

Un plat détesté Les meringues à la crème. Je sais, c’est moche pour une Gruérienne! Mais à ma décharge, il y en avait au menu tous les dimanches soir et à chaque fois que quelqu’un venait manger à la maison.

J’avais 28 ans, dans la maison de La Roche avec mes bébés.
Moi et ma grande sœur. Derrière nous, un cheval à bascule que ma mère avait peint de fleurs. Je l’ai encore, mais il a perdu sa crinière avec les années.
Souriante dans la F3 de mon père, exposée au Comptoir de Fribourg.
Ma maman et moi.

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