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L'édito de Géraldine Savary: «L’injonction du bikini»
Les fonds d’écran nous ont dématérialisés, le travail à domicile a gommé toute ambition esthétique, les masques ont caché l’éclat perlé de nos dents. Plus de rouge à lèvres, plus de talons aiguilles, à peine les peaux se montraient-elles.
Le moratoire des injonctions physiques en raison de la pandémie se greffe sur un changement social, espérons-le plus profond. Le corps féminin se fait plus politique, et moins plastique. Enfin. Car que n’a-t-on pas fait, nous les femmes, pour correspondre aux canons de beauté avant l’été? Comme si se prélasser sur le sable devait forcément passer par des auto-punitions. Dressez la liste des complexes qui vous ont hantées de mars à juin, de tous les régimes que vous vous êtes imposés, de ces regards implacables que vous avez jetés à votre miroir (trop de fesses, trop de cuisses, trop de hanches, pas assez de seins, et inversement.)
Reconnaissons que les journaux féminins portent une part de responsabilité dans la transmission de ces injonctions. Pendant des années, ils ont titré sur la manière de perdre les trois kilos pour la plage, sur le bronzage parfait, sur les exercices à faire en vue de muscler abdos et fessiers en moins de trois mois. On a mangé des carottes pendant des semaines, fait des cures d’ananas anticellulite, bu des tisanes de persil (beurk) pour avoir le ventre plat, cramé sur des paillasses en aluminium, enduite de graisse de vache pour devenir couleur chocolat.
Nouvelles injonctions
Eh bien, tout ça est terminé, remisé aux temps d’avant 2020. Aujourd’hui, l’important, c’est de se sentir bien dans sa peau. Ce n’est plus à vous d’entrer dans un maillot mais le maillot qui n’a qu’à s’adapter à vous. Et pour se sentir bien, il faut écouter son corps. Son corps intérieur, son corps feel good, son positive body. Jeûner et rester cool, avaler des tisanes pour drainer ses artères, travailler ses muscles profonds, pratiquer le miracle morning, s’accepter soi-même et accepter les autres. Tout un programme. A nouveau.
Du coup, je me pose la question, à la veille de partir au soleil: de nouvelles injonctions ne remplaceraient-elles pas les anciennes? Parfois, je préférerais être sirène.
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