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L'édito de Géraldine Savary: «C’est la fin de la récré, dit Le Bouillon»
C’est la rentrée scolaire et Sempé est mort. Vous me direz: mais quel rapport? Alors replongez-vous dans les livres du Petit Nicolas. Les jeunes héros de Goscinny et de Sempé ont raconté comme personne les rêves et les peurs de l’enfance, l’ambiance des cours de récré, les parents dépassés, les directeurs qui ressemblent à des colonels, la maîtresse lasse et bienveillante, les visites au musée qui tournent mal ou les histoires d’amitié qui passent des rires aux larmes. Ils nous parlaient de nous quand nous étions petits, y compris pour les filles alors que dans les histoires, il n’y a presque que des garçons (à l’exception de Marie-Edwige).
L’école du Petit Nicolas est celle des années 60. Bien sûr, ça date. Dans les classes, il y a des tableaux noirs, la carte des mines de France, la Seine court comme si c’était le plus grand fleuve du monde, on apprend le nom du chef-lieu du Pas-de-Calais et de tous les affluents de la Loire, et quand les élèves font les crapules, ils reçoivent une colle, des kilomètres de phrases à recopier dans tous les temps, ou ils vont au piquet.
Déjouer les avatars
Elle aurait quel visage, l’école du Petit Nicolas, en 2022, en Suisse romande, en ce début d’année scolaire? Celui que les cantons viennent de présenter les uns derrière les autres comme sous la baguette du surveillant Bouillon. Les maîtresses sont toujours aussi fatiguées, mais les instruments d’apprentissage changent.
L’éducation numérique entre, canton après canton, dans les établissements scolaires, et des millions sont engagés pour financer les nouveaux matériels.
Question contenu, on apprendra aux Agnan, Clotaire ou Geoffroy d’aujourd’hui comment vivre avec et dans le monde digital. On leur expliquera non seulement où sont les fleuves et les capitales, mais où les trouver sur internet et comment déjouer leurs avatars. Les jeunes élèves découvriront les guerres puniques sur un écran tactile et la bataille d’Hernani en virtuel. Indispensable que l’école prépare les enfants aux dangers du numérique! disent les autorités scolaires cantonales. Inutile de céder au fétichisme technologique! répondent les opposants. Le débat ne fait que commencer dans les cours de récré. Regardez-moi dans les yeux plutôt que vos écrans! dirait le Bouillon.