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Julien Clerc, l’amour sans partition
On l’interroge soudain sur son enfance, et Julien Clerc, si posé durant l’interview, se met à froisser entre ses doigts un bout de papier qui traînait sur la table. Le sujet serait-il encore, à 70 ans, un terrain miné d’émotions? «La séparation de mes parents, ça m’a impacté pour la vie, et peut-être que je suis artiste aujourd’hui parce que j’ai eu cette fêlure-là. Peut-être que cela explique en partie mon âme nostalgique.» Une certaine vision de l’amour, aussi, est-on tenté de demander, puisqu’«elle conditionne tout», cette satanée jeunesse. «Oui, sûrement.»
Voilà près d’un demi-siècle maintenant que ce crooner au timbre un peu rêveur, un peu blessé, chante, exalte et incarne le verbe aimer sur la scène. Comme un immense besoin de fusion; de rapatrier une moitié perdue de lui-même, mythique, vitale.
De l’amour, il dépeint les hauts, souvent, les entre deux eaux, parfois, mais beaucoup plus rarement les bas-fonds. A l’image de son dernier album (le 24e!) paru il y a quelques jours. Julien ne garde de «la plus grande affaire de l’être humain» que la lumière, fût-elle tamisée. Il laisse les ombres et les noirceurs aux autres.
Séduire n’a pas d’âge
Le chanteur a ainsi fait le défi fou de rester fou d’amour. C’est d’ailleurs ce qui impressionne. Quand nombre de ses collègues poètes du même âge regardent la passion comme un miracle du passé, et se retournent pour la contempler, lui la vit à cœur ouvert. En direct. Marié depuis 2012 à l’écrivaine Hélène Grémillon, de trois décennies sa cadette – avec qui il a eu un petit garçon, Léonard – le compositeur de «Ma préférence» semble évoluer dans un espace-temps à part.
Et ce séducteur malgré lui, qui fait se déplacer des foules sentimentales majoritairement féminines à chacun de ses concerts, de balayer le tic-tac des années avec une confiance presque insolente de jeune premier. «Je n’ai jamais eu peur de voir mes facultés de séduction menacées par la vieillesse. Un artiste est habité par quelque chose auquel l’âge ne touche pas.» Anecdotique, presque, son physique qu’on dirait copié-collé de sa cinquantaine rugissante.
Du pluriel au singulier
Aucune lueur crépusculaire dans le paysage mental de Julien Clerc, pas un coup d’œil inquiet sur cette vie qui passe. De toute façon, il en a eu «plusieurs, des vies». On l’a connu en couple avec France Gall, dans cette fin des sixties, foisonnante de nouveaux visages. L’idylle ne dure pas, mais c’était sans doute pour permettre sa première véritable rencontre amoureuse: dès 1975, il y a Miou-Miou, partenaire de tournage, dont il adoptera la fille. C’est l’époque de l’iconique «Femmes, je vous aime». L’actrice aurait eu un peu de mal avec le pluriel dans le titre.
Celle qui a quitté Patrick Dewaere pour lui le quitte en 1981. Le musicien passe ensuite la majorité des années 80 et 90 marié à la cavalière Virginie Coupérie-Eiffel. Une belle histoire dont les derniers feux ont cependant été éprouvants. Mais pas de quoi lui faire expier sa foi en l’amour, les femmes, la love story avec un grand THE. «J’ai toujours été assez passionné, ça n’a pas changé.»
«J’ai toujours été pour la différence d’âge en amour»
A bien scruter son parcours, une autre constante interpelle: Julien est toujours tombé amoureux de ses compagnes ou épouses alors qu’elles étaient dans la première moitié de la vingtaine. «C’est drôle, je n’y avais pas pensé. Mais ce qu’il faut dire aussi c’est qu’elles sont toutes de fortes personnalités. Elles étaient déjà des femmes avec des avis sur la vie. Elles n’ont jamais été des personnes soumises.» Et elles s’affichaient «plutôt féministes», ce qui révèle au passage, note-t-il, un trait de caractère chez lui.
A vrai dire, l’artiste ne cherche pas à fuir. «J’ai toujours été pour la différence d’âge en amour.» Avec son épouse actuelle (ils se vouvoient encore après plus d’une décennie de vie commune!) de 40 ans, il vit le plus grand écart générationnel jusqu’ici. «Cela crée une dynamique, mais il n’y a pas que ça. C’est la personne avec qui je me sens le plus en accord, et pour y parvenir il aura fallu attendre un certain temps.» Ce qui ne signifie pas renier les autres. «Il y a eu à chaque fois quelque chose de très fort, mais là, elle a une place singulière. On partage tout. Je n’ai pas souvent eu la chance d’expérimenter ça.»
Pas de compromis
Julien Clerc a toujours été en quête de l’amour absolu, mais sans sacrifier sa famille, en particulier sans laisser d’enfants abîmés derrière lui. «J’ai essayé de tout avoir dans ma vie. Je l’ai fait plus ou moins bien. J’aurais certes aimé ne pas leur imposer certaines choses, surtout ces séparations d’avec leurs mères. Mais même après j’ai essayé de garder le lien: quand une nouvelle femme arrivait dans ma vie, j’ai fait en sorte que l’autre ne soit pas éloignée.» Pas juste de belles paroles. Pour ses 70 ans, Hélène, mais aussi ses ex-partenaires étaient là, avec les enfants. «En partant, Virginie m’a dit qu’il était rare de garder une telle proximité; que ça en dit long sur la qualité du lien dans mes histoires.»
Cette aura d’amoureux modèle doit faire de lui un coach hors pair pour la vie sentimentale de ses 5 enfants. «Ah non, pas du tout! Ce ne sont pas des choses dont on parle à ses parents. Je réponds à toutes les questions et ça, je leur ai toujours dit. Mais je ne suis pas vraiment pour les parents copains. Je crois qu’on devient plus exemplaire par son attitude que via ce qu’on raconte.» Soit. Et si le plus sincère message de celui qui déclame de superbes textes depuis cinquante ans était à lire entre les sons de sa musique?
Son actu
Un nouvel album studio, «A nos amours», dans les bacs depuis le 20 octobre. Julien sera en concert à la salle Métropole de Lausanne les 1er et 2 décembre prochains.
Ce qui le dope
«Savoir que je vais repartir en tournée. Après les phases intimes de l’écriture et de l’enregistrement, c’est renouer avec une période d’énergie.»
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