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Géraldine Savary: «Le dilemme du double nom de famille»

Edito Geraldine Savary redactrice en chef Femina

«Les femmes qui ont gardé leur nom de "jeune fille" ont aussi le sentiment qu’elles sont pomme avec le bourg», analyse Géraldine Savary.

© ELSA GUILLET

Edit: Le 14 mars 2024, une majorité du parlement a renvoyé le projet de révision en commission: une partie de la droite s'est en effet finalement opposée à la transmission du double nom pour les enfants. Le projet est donc retardé.

Le parlement s’est penché le 14 mars 2024 sur une révision du droit du nom. Pas une mince affaire: toute personne qui unit son destin à celui de quelqu’un d’autre se pose un jour ou l’autre une question qu’on pensait régler à la naissance: comment vais-je donc m’appeler?

Naguère, quand le monde reposait sur les simples règles du patriarcat, on adoptait le nom du chef de famille. L'époux et l'épouse étaient marié-e-s pour la vie, l’homme ramenait l’argent à la maison pendant que la femme s’occupait des tâches domestiques et évidemment elle portait le nom du mari plutôt que celui de son frigo même si elle croisait ce dernier plus souvent. En 2013, la pression des femmes et la transformation de la société ont poussé le législateur à proposer un autre modèle encore en vigueur aujourd’hui: les couples restent libres d’adopter un nom de famille commun et de le transmettre à leurs enfants. Un grand pas était franchi vers l’autodétermination et le maintien de l’identité personnelle, tout en gardant le principe de l’unité familiale. Hourra, les femmes pouvaient garder leur nom, même si, généralement, c’était celui de papa.

En tout cas, c’est ce qu’on pensait. Près de dix ans plus tard, le bilan douche les élans: 90% des couples choisissent le nom de l’homme en cas d’union. Les femmes qui revendiquaient de pouvoir rester «une et indivisible» leur vie durant semblent adopter l’arbre généalogique du conjoint. Parce que c’est la tradition, parce que ça fait plaisir aux beaux-parents, parce que c’est plus simple.

La complexité du nom de «jeune fille»

Les femmes qui ont gardé leur nom de «jeune fille» ont aussi le sentiment qu’elles sont pomme avec le bourg. La révision de la loi qu’elles ont appelée de leurs vœux se retourne contre elles. Elles ne portent pas le même nom que les enfants à qui elles ont donné vie. Elles doivent donner des preuves de leur maternité pour pouvoir passer la frontière, décliner leur identité quand elles téléphonent au pédiatre («oui, oui, je suis bien la maman du petit Louis») ou à la garderie («non madame, nous n’avons pas d’enfant à votre nom»).

De guerre lasse, le Conseil fédéral réagit comme un parent fatigué: hé bien, faites comme vous voulez. Un nom, deux noms, avec ou sans trait d’union, les parents pouvant conserver leur propre nom, les enfants porter une double appellation, et dans l’ordre que vous voulez.

On doit concéder qu’il n’y a pas de bonne solution en la matière. Ce dilemme reflète nos éternelles aspirations: comment concilier la liberté de chacune et chacun avec l’envie d’être plus d’un? Soit. Perso, je veux bien changer de peau, changer de vie, mais pas de nom.

Retrouvez cet édito dans le magazine Femina du 17 mars 2024.

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