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#FeminaOpinion: Pourquoi reste-t-on scotché à nos écrans

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Liza dans la série «Younger», jamais sans son iPhone.

© DR

17 h 56. A l’heure où je vous parle, à bord d’un bateau qui traverse le lac Léman, les trois quarts des passagers ont le nez planté à quelques centimètres de leur téléphone. Une sorte de remake de «V pour Vendetta» à la sauce Apple en résumé.

Je dois vous avouer que je suis comme tous ces gens. Du matin au soir, j’ai les yeux rivés sur mon «Black Mirror». Moi, la journaliste - community manager, j’ai signé aux «écrans à vie» le jour où je me suis acheté mon premier iPhone en 2007. Notez qu’en dix ans, la célèbre pomme a tout de même vendu la bagatelle d’1 milliard de ses précieux natels; «on n’avait pas vu plus rentable depuis la Bible» s’était amusé à publier le «Huffington Post».

Dès le réveil, et bien avant d’allumer la lumière ou de poser un pied par terre, je ne cesse de le regarder. (C’est grave docteur?)

Le soir, c’est un peu le même rituel, vite, un dernier shoot scroll sur mes notifications Instagram et Facebook. Vite un dernier check sur What’s App. Vite, une dernière vérification de mes 7 réveils (qui s’échelonnent de 6 h 45 à 7 h 03). Et durant la journée, combien de fois puis-je bien consulter mon téléphone? Toutes les 5 minutes, davantage? Je crois que je ne souhaite pas connaître ce chiffre, tant il révélerait l’amplitude des ravages de mon addiction 2.0.

Nos petits écrans, une drogue qui ne connaît pas la crise

A quelques mois de la première décade de l’iPhone, on peut s’interroger sur son «empreinte humaine». Comment cet objet révolutionnaire nous a-t-il transformés, modelés, influencés? Quels sont les réels dangers d’ailleurs? Ceux qu’on ne connaît pas encore (autre que le surmenage ou l’insomnie). Car après tout, nous sommes la génération digitale alpha, des cobayes consentants connectés par millions.

De combien de films (je repense bien entendu au génial «Her», celui où Joachin Phoenix tombe amoureux d’un Siri au féminin) ou de vidéos (je vous conseille le clip de Moby «Are You Lost in the World Like Me?» une satire réaliste de nos dépendances modernes) avons-nous besoin pour relever enfin les yeux et regarder dans la direction où nous marchons? Pourrions-nous vraiment nous endormir avec nos Smartphones… pour ne plus nous réveiller?

C’est toutes ces interrogations pêle-mêle qu’a étudié Adam Alter dans son nouveau livre «Irresistible: the rise of addictive technology and the business of keeping us hooked» (qu’on traduira par «Irrésistible: l’explosion de la dépendance technologique et le business de nous garder connectés»).

Interviewé par Claudia Dreifus sur le site du «New York Times», le psychologue raconte comment nous sommes devenus tant accros aux produits digitaux et aux réseaux sociaux. De quelle façon notre course effrénée aux likes (notamment sur Instagram) a profondément modifié nos journées de boulot, notre rapport à l’autre et à nous-mêmes.

Pour l’expert, si dans le passé, nous étions littéralement addicts à des substances chimiques comme la cocaïne ou la nicotine, aujourd’hui, une chose est sûre; notre opium, c’est le téléphone.

Des chiffres de la dépendance 2.0

Selon l’Américain, nous serions plus de 60% à dormir avec notre smartphone. Autre fait plus inquiétant, une étude révèle que la moitié des personnes interrogées lirait ses e-mails durant la nuit. SOS! Mais attendez, ce n’est pas tout: nous passerions pour la plupart, 3 heures par jour en moyenne sur notre petit écran à texter, consulter les réseaux, surfer sur nos applis préférés (et donc 3 heures à ne pas communiquer avec les autres physiquement, honnêtement, qui passe encore beaucoup d’appels?).

Comme si toutes ces statistiques ne nous alertaient pas assez, le Dr Alter partage une autre étude américaine qui démontre que 41% des personnes ont déjà subi une addiction comportementale causée par une tablette ou un téléphone. Je vous vois cliquer sur l’emoji «Cri» de Munch… je dois vous avouer que je fais exactement la même tête actuellement. Sérieusement, on a de quoi s’inquiéter.


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Autre fait intéressant, Mister Alter, également professeur de psychologie et de marketing à la Stern School of Business à New York, compare nos dépendances 2.0 à celle des toxicomanes. Qu’on soit accro aux machines à sous ou à l’iPhone, notre cerveau réagirait de la même façon.

Ces habitudes (…) nous inondent de dopamine qui nous fait nous sentir bien sur le moment, mais à long terme, on construit une tolérance et on en veut toujours plus. explique l’expert.

Aïe. Mais qu’est-ce qu’on leur trouve de si attirant, à nos iPhone? Le prof l’analyse ainsi: avec lui, plus besoin de vraiment «penser» ou de se souvenir des choses, il est notre mémo sur le frigo, notre mère qui nous rappelle de mettre de la crème, notre amie qui nous dit attention à ce RDV, etc. Il est celui qui a toujours un truc à nous dire («passer 24 heures sur Twitter et vous n’arriveriez jamais à la fin» dit Alter), il est devenu notre assistant de vie personnel. En cas de casse ou de perte, attention au syndrome du cœur brisé. C’est le coup de blues assuré.

Vers une législation restrictive?

Faudra-il bientôt voter des lois pour nous protéger de cette omniprésence maladive sur nos écrans? En Chine ou en Corée du Sud, où la dépendance a déjà atteint des sommets critiques (les parents n’ont pas le choix que d’envoyer leurs enfants dans des «camps de détox numérique»), on parle de propositions d’amendements appelées «Cinderella laws» qui interdiraient aux jeunes de jouer à certains jeux digitaux après minuit.

En Suisse, sur ce sujet plus que concernant, c’est l’équivalent de la batterie à zéro sans mauvais jeu de mots. En résumé, on n’a pas encore vu de telles manifestations de nos élus (politiques, nous entendez-vous?).

Alors oui, afin de se mettre à la sobriété numérique, on pourra toujours dire non aux iPad comme les enfants de Steve Jobs, invoquer le droit à la déconnexion (les Français l’ont bien voté en 2016), notre bon sens, ce fameux libre arbitre ou tout bonnement le mode avion lors de notre prochain dîner. Mais une dernière question nous taraude l’esprit.

Qui va bien pouvoir poster sur Instagram une story sur ce somptueux houmous home made (sans compter qu’on a désormais la possibilité d’«instastorier» sur Messenger et What’s app)? Oh mon Dieu, me voilà en train de refaire la tête de Munch. Vite, rendez-moi mon iPhone.


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