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Eugénie Rebetez, drôle de chorégraphe

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La danseuse jurassienne Eugénie Rebetez joue de son corps avec humour et maîtrise dans son solo «Bienvenue».

© Augustin Rebetez

Chignon sage et col roulé, devant sa tasse de lapsang souchong fumant, Eugénie Rebetez a tout de la bonne copine avec qui on prendrait un thé en racontant sa vie. On en oublierait presque que c’est à elle qu’on est venu poser des questions quelques heures avant que la danseuse jurassienne ne monte sur scène pour son spectacle nommé «Bienvenue». Chaque soir, Eugénie propose une heure de danse contemporaine en solo, d’humeur badine et vêtue d’un simple T-shirt, de ceux qu’on porte les dimanches à la maison. «C’est un pyjama, on peut le dire», plaisante la trentenaire. Sur scène donc, elle tombe le chignon et le pull en laine pour se donner corps et âme à son public. Un troisième spectacle non pas pour parler d’elle, mais pour sortir du costume à paillettes dans lequel elle s’était glissée avec «Gina» et «Encore» en 2013, où elle incarnait une Swiss Fat Diva au fort accent jurassien. «J’avais vingt-cinq ans, je n’avais pas envie de rester coincée avec ce personnage», explique Eugénie. Pour seuls accessoires, la trentenaire exploite son corps, souple et voluptueux, sa voix, débordante ou fluette, et l’humour, subtil et incongru. «Ce sont mes matériaux à moi pour exprimer les émotions, un peu comme le ferait une sculptrice.»

Tout d’un clown

Quand on lui demande s’il n’y a pas comme une incompatibilité entre danse contemporaine et humour, elle sourit.

«Ça me fait rire, parce que le terme contemporain est considéré comme handicapant, alors que créer, c’est être dans l’air du temps. Il faut prendre la danse au sens large. On peut danser sur scène comme en faisant son ménage ou en boîte de nuit. J’aime observer les gens, et je trouve que dans les gestes – une façon de marcher ou de s’asseoir – il y a quelque chose de comique à retranscrire par la danse.»

Le spectacle s’ouvre d’ailleurs sur une Eugénie qui fait le ménage en se trémoussant sur du Rihanna: Shine bright like a Diamond, briller comme un diamant, parfait clin d’œil à la poutze à la suisse.

La Suisse justement, et le petit village jurassien de Mervelier en particulier. Un lieu synonyme de liberté infinie où elle a grandi entourée de parents résolument branchés culture. Un terreau fertile pour laisser éclore l’esprit saltimbanque de la petite fille. «Ils m’ont toujours encouragée, et d’ailleurs personne dans mon entourage n’est étonné de ce que je fais aujourd’hui», continue-t-elle. Dire qu’Eugénie Rebetez est tombée dans le creuset de la danse quand elle était petite est un euphémisme. «A chaque spectacle où ma mère m’emmenait, j’avais envie de monter sur scène», confie-t-elle. Le pitre, elle le faisait aussi à la maison, en improvisant des chorégraphies dans le salon ou des spectacles avec ses trois frères et sœurs. Tout naturellement, à quinze ans, elle part se former à la danse et la chorégraphie en Belgique, puis en Hollande. C’est quand elle rencontre, il y a dix ans, celui qui est devenu son compagnon et metteur en scène, Martin Zimmermann, que le clown qui sommeillait en elle s’est pleinement révélé. «Martin vient du cirque, et il m’a poussée à débrider mon potentiel comique en le reliant à ma silhouette différente de celle des autres danseuses. Ça m’a libérée!» confie la jeune femme. Un jeu clownesque et un rapport à la scène qui poussent certains à la comparer à une autre Jurassienne, Zouc. Une inspiration?

«Cela me flatte, mais je m’inspire surtout d’artistes avec des gueules à contre-emploi, comme Catherine Germain ou Yolande Moreau, des femmes fortes capables de montrer une grande vulnérabilité. En restant drôles.»

J’ai de la cellulite, je fais avec

De son corps généreux, chaque mouvement est maîtrisé. «J’ai de la cellulite, je fais avec. Je ne sais pas dire non, mais je fais avec. Ce sont ces petits tracas du quotidien que je veux dédramatiser sur scène», raconte Eugénie, «J’ai besoin que les gens se sentent bien.» Et si on rit de la voir trébucher ou sangloter, ne nous y trompons pas: pour arriver à ce degré de légèreté et de simplicité apparente, il faut une rigueur au quotidien dont la danseuse ne manque pas. Maman d’un petit garçon d’un an, Eugénie est une sérieuse dans la vie. Ordrée, méticuleuse, limite control freak. Une organisation que l’arrivée de bébé a chamboulée.

«C’est une vraie bataille de monter un spectacle et d’être une jeune maman. Dans mon atelier zurichois, il y avait un coussin d’allaitement qui traînait et qui s’est retrouvé dans le spectacle. Il fallait bien que je trouve un moyen de concilier les deux tout en restant créative. C’est crevant, mais on s’organise.»

Une gestion en autarcie de sa petite entreprise qui la pose en décalage avec son entourage, parfois. «Je n’ai jamais passé d’entretien d’embauche et je ne connais pas le temps partiel. Je n’ai pas de stabilité matérielle ou financière, mais ce que je fais est précieux. J’ai tellement donné que je ne vais pas lâcher.» Et on la croit. Dix-sept heures et des poussières, le thé est froid. Eugénie la méticuleuse s’inquiète, elle ne veut pas être en retard au théâtre.

Son actu

Son spectacle «Bienvenue», qu'elle propose à la Grange de Dorigny à Lausanne les 19, 23, 24 et 25 novembre, puis en tournée à Delémont, Neuchâtel et Fribourg, entre autres.

Ce qui la dope

«Je suis une grande fan des comédies romantiques. Ca me fait un bien fou d'en regarder.»

Son don inattendu

«L'organisation. A tel point que mes copines me disent souvent que je devrais en faire mon métier.»

Sur sa shamelist

«Ce qui est le plus embarrassant pour moi, c'est quand je m'excuse trop et que je me gêne de ce que je suis. C'est totalement stupide.»


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