Ecologie
Enfants: si jeunes et déjà militants?
A Cannes, cet été, Laetitia Casta et Louis Garrel ont présenté leur nouveau film. La Croisade, bientôt dans les salles romandes, raconte des parents sous la pression du militantisme de leur fils. Dans un registre plus commercial, cet engagement pour l’écologie se trouve aussi trusté par le marché du prêt-à-porter et les médias. La thématique fait écho à la visibilité de ces égéries juvéniles au niveau mondial: «Les mouvements des jeunes militantes et militants pour le climat continueront de se multiplier, de s’étendre et de lutter pour ce qui est juste, car nous n’avons pas d’autre choix (…).» Cette déclaration est la préface du rapport émis par l’Unicef, qui démontre comment la crise climatique est une crise des droits de l’enfant. Publié le 19 août dernier et en collaboration avec Friday for Future, le texte est signé par les quatre membres du mouvement de la grève étudiante pour le climat, dont Greta Thunberg fait partie. Ces figures, devenues des modèles pour la société, exercent désormais une forte influence auprès des plus jeunes. En témoignent les actions menées ces dernières années: grèves, participation au ramassage de déchets.
Enfants d’influence
Dans cet esprit, H&M lançait au mois de juillet 2021 une campagne baptisée Role Models x H&M, qui signifie «exemples à suivre». L’enseigne suédoise a choisi de valoriser et de soutenir les efforts de jeunes engagés pour la planète avec un film et une série de photos réalisés par Bryan Buckley. A l’image, on aperçoit des jeunes activistes âgés de 5 à 13 ans. Du haut de ses 11 ans, Ryan prend la pose avec des sacs remplis de bouteilles en PET, tandis que Catarina, activiste brésilienne de 13 ans, est immortalisée avec le mot «Earth» inscrit sur la paume de sa main.
Dans le court-métrage, leurs opinions résonnent comme une claque. Autre exemple, le 8 août 2021, la version scandinave du magazine Vogue dévoile en couverture la porte-parole du climat: Greta Thunberg. Un non-sens? Bien au contraire, car l’intervention de la jeune activiste concerne une prise de conscience quant à notre manière de consommer la mode. Vêtue de pièces dites «durables», elle distille ses conseils pour ne pas tomber dans le piège de la surconsommation avec la fast fashion, et se fait prêter des vêtements.
Et le droit à l’insouciance?
Alors que cette nouvelle génération de jeunes surprend par sa détermination, on pourrait s’interroger sur ce qu’il en est de l’insouciance propre à l’enfance. Au placard Sophie et ses désobéissances, le Club des cinq et ses aventures? Et les 400 coups des crapules en culottes courtes?
«Donc j’aurais tendance à valoriser le fait que les enfants alertent la société, à partir des questions qu’ils se posent. Il faut aussi réaliser que l’enfant est un chercheur», répond François Ansermet, psychanalyste, professeur honoraire de pédopsychiatrie à l’Université de Genève et à l’Université de Lausanne.
De la vraie responsabilité
Le point commun entre ces «vrais» enfants militants, mis en avant par une marque, ou encore un prestigieux magazine de mode? C’est qu’il y est question d’enfants responsables, réellement engagés pour leur avenir. «A mon avis, les enfants doivent être vus comme des sujets, c’est-à-dire acteurs et auteurs de leur devenir, relève le professeur François Ansermet. Moi je n’aimerais pas rabattre ça sous l’autre versant qu’on pourrait appeler des enfants assujettis, des enfants pris dans une idéologie, un prêt-à-porter, à travers des photos publicitaires organisées par des adultes qui les utilisent, qui les mettent en scène dans des stratégies de communication. Là, on peut se demander si on respecte l’enfance en les faisant devenir objets d’un discours tenu par d’autres.»
Enfants aujourd’hui, mais adultes actifs de demain, ces jeunes ont des opinions qui ne peuvent plus être ignorées. Et si nous choisissions de les écouter?
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