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Mercredi 11 novembre 2015 à Sion (Lycée-Collège des Creusets) se tenait la Journée annuelle du réseau valaisan d’écoles en santé (RVES). Bon nombre d’enseignants des écoles primaires et secondaires du canton étaient présents. Et pour cause…

Un climat scolaire difficile

A l’heure actuelle, on ne peut pas dire qu’il soit facile d’enseigner. Dégradation des relations dans les classes, démotivation et violence scolaires, stress et impuissance des pédagogues, tel est le constat peu encourageant dressé par bon nombre d’écoles. Pour l'ensemble des établissements publics genevois (enseignement primaire, secondaire I et secondaire II), 310 actes de violences ont été enregistrés lors du recensement SIGNA durant l'année 2013-2014. Mais quelles sont les possibilités d’action du corps enseignant? Au programme, la conférence «De la démotivation scolaire à la violence: comment instaurer un climat d’apprentissage favorable?» du Professeur Daniel Favre (Universités de Montpellier) tente d’apporter des réponses que nous vous collectons dans cet article.

Insécurité, agressivité et violence

Daniel Favre propose d’abord des pistes de compréhension et un changement de regard sur la violence. Selon lui, il est essentiel de distinguer l’agressivité et la violence: la première est issue d’un manque de sécurité, alors que la seconde s'apparente à un comportement addictif (semblable aux autres addictions) développé pour combattre l’anxiété, pour se sentir plus puissants et plus forts. L’intervention ne doit donc pas être la même: face à une attitude agressive, on tentera de sécuriser alors que face à la violence, on essaiera de recadrer.

L’apprentissage anxiogène

Pour pallier le manque de sécurité, l’élève s’est construit des pensées toutes faites et refuse d’aller vers l'inconnu que représente l’apprentissage. D’ailleurs, au même titre que tous les changements de la vie, apprendre peut être anxiogène. «Est-ce que je vais y arriver?», «est-ce que je vais avoir assez de temps pour le faire?» ou encore «est-ce que le maître va continuer à m’aimer?», telles sont les questions qui traversent fréquemment l’esprit des écoliers et que les professeurs doivent davantage prendre en compte. L'apprentissage comporte une dimension affective trop souvent négligée.

Selon le Professeur, «c’est seulement lorsqu’on se sent en sécurité qu’on peut prendre le risque de l’apprentissage». L’enseignant a donc un rôle important à jouer. Voici quelques pistes:

N° 1: Enlever la peur de se tromper

«L’erreur n’est pas une faute, c’est une information.» Ainsi les professeurs doivent s’interdire de réaliser des contrôles et permettre à l’élève de s’entraîner face à l’erreur. L’évaluation de type contrôle gonfle l’égo de ceux qui sont parvenus aux résultats, mais dévalorisent les autres. Le conseil du conférencier: réaliser plusieurs évaluations sans note et coacher l’élève dans ses progrès. En d'autres termes, l'enseignant doit veiller à «distinguer la logique de régulation de la logique de contrôle pour que l'évaluation devienne bienveillante et bientraitante.»

N° 2: Individualiser l’enseignement

S’il existait un type de formation pour tous les élèves, ce serait tout de même trop facile, n’est-ce pas? Le rôle de l’enseignant est de s’adapter à chacun. Par exemple, pour les élèves qui rencontrent beaucoup de facilité dans les exercices, il serait mieux de leur donner des problèmes plus difficiles pour qu'ils puissent progresser également.

N° 3: Eviter les pensées toutes faites

Les professeurs doivent questionner certaines croyances préconstruites et inviter l’élève à en faire de même. Par exemple, on cessera d'accoler l'étiquette «bon» ou «mauvais» à un enfant et on préférera dire qu'il a atteint ou non les résultats escomptés. D’ailleurs, Daniel Favre tient à préciser: «savoir faire l’exercice tout de suite n’a rien à voir avec l’intelligence, c’est seulement preuve qu’on a déjà appris plus tôt.»

N° 4: Cesser le schéma récompenses punitions

Un système d’éducation et d'enseignement mis en place depuis longtemps et pourtant contre-productif. L’enseignant doit valoriser l’élève face à sa réussite, sans le récompenser pour autant. Le conseil du Professeur Daniel Favre: «mieux vaut valoriser les efforts plutôt que le résultat et les encourager à être fiers d’eux-mêmes.»

N° 5: Créer un climat de sécurité

Certains enseignants ont parfois la mauvaise habitude de faire usage de la peur pour motiver les élèves. Le Professeur Daniel Favre cite l’exemple suivant sur le ton de l'humour: «si vous ne voulez pas que la Suisse compte le même nombre de chômeurs qu’en France, vous devez réussir à l’école.» A ne pas reproduire bien évidemment!

N° 6: Faire prendre conscience des rouages de l'apprentissage

Beaucoup d’élèves pensent qu’ils sont nés avec un cerveau moins performant que celui des autres. Prendre le temps de leur expliquer le processus d'apprentissage peut contribuer à les rassurer. Par exemple, nous sommes capables d’apprendre une langue en deux ans et sans l’aide de cours et de manuel (comme on le fait avec notre langue maternelle d’ailleurs). «Le cerveau est suréquipé par rapport à l’usage qu’ils ont font» ajoute l'intervenant le sourire aux lèvres.

La violence réversible

Après avoir utilisé ce mode d’enseignement auprès de différentes classes en difficulté, le Professeur peut affirmer que la violence des jeunes est réversible. D’ailleurs, les élèves qui ont participé à ce projet ont donné des retours positifs. Selon Daniel Favre, «réussir un apprentissage permet de grandir, de mûrir psychologiquement.» Ainsi, l’apprentissage s’installe comme une prévention naturelle des conduites addictives, telle que la violence, qui deviennent pour le coup moins attrayantes. «Le processus de maturation psychologique peut être enrayé très tôt si l’élève pense qu’il est mauvais» affirme le Professeur. Finalement, il nous invite à voir la violence comme une «sorte de plaisir par défaut, faute de mieux.»

3 livres pour aller plus loin

1. «Cessons de démotiver les élèves: 19 clés pour favoriser l'apprentissage» (de Daniel Favre, 2015)

2. «Transformer la violence des élèves: Cerveau, motivation et apprentissage» (de Daniel Favre, 2013)

3. «L'addiction aux certitudes: Ce qu’elle nous coûte et comment s’en sortir» (de Daniel Favre, 2013)

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