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Droit à l’avortement: la bataille continue

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Le mois d’octobre 2016 marque le quatorzième anniversaire de l’entrée en vigueur du régime du délai, en Suisse. En effet, ce n’est que depuis 2002 que les femmes ont le droit de décider de l’interruption de leur grossesse lorsque ce choix intervient avant la treizième semaine. Dès 1942, la pratique de l’avortement a cependant connu une libéralisation progressive et la Suisse figure parmi les premiers pays à avoir légalisé cette intervention dans les cas où la santé de la femme était en danger.

Des réglementations semblables ont commencé à émerger en Europe et aux Etats-Unis à partir des années 1970. Ce fut un soupir de soulagement pour celles et ceux qui, durant des décennies, s’étaient farouchement battus pour obtenir le droit à l’avortement. Nous pensons notamment à Simone Veil, ministre de la Santé sous Giscard d’Estaing, laquelle donna lieu à la «Loi Veil», destinée à légaliser l’IVG en France. Adoptée en 1975, cette loi fut le fruit d’un âpre combat que de nombreux d’entre nous espéraient terminé.

Aujourd’hui, en 2016, l’avortement suscite toujours des débats enflammés. De violents courants contraires protestent contre sa dépénalisation et des opinions scandalisées tentent de le faire interdire.


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La Pologne dit non

Le 5 octobre 2016, après deux jours de manifestations, la Pologne a voté le rejet d’une proposition de loi interdisant presque totalement l’IVG. Le texte, source d’un mouvement de colère considérable, a finalement été refusé par le Sejm, la chambre basse du Parlement polonais. Il relevait cependant d’une question extrêmement délicate, sachant que les élus s’étant prononcés en sa faveur sont influents, bien que peu nombreux.

Mais au grand dam du parti conservateur, 67% de la population polonaise avait soutenu les manifestations du début du mois d’octobre. Le texte prévoyait en effet des peines pénales allant jusqu’à plusieurs années de prison pour les femmes et les médecins accompagnant une IVG.


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Lors des manifestations à Varsovie, les milliers de Polonaises rassemblées par l’indignation s’étaient munies d’affiches et de pancartes, vêtues de noir et appelant à une «grève des femmes.» Deux mille personnes auraient formé une chaîne humaine dite «de la fureur» devant le siège du parti conservateur, Droit et Justice (PiS). Depuis que celui-ci est au pouvoir, plusieurs autres droits fondamentaux sont menacés en Pologne.

«Ceci n’est pas un cintre»

A Varsovie, des centaines de manifestantes étaient descendues dans les rues avec des pancartes représentant des cintres. L’objet est devenu un véritable symbole des avortements illégaux, et a également envahi les réseaux sociaux, autre front de la bataille.

Sur Twitter, le hashtag «Ceci n’est pas un cintre» a fleuri tout au long du mois de septembre 2016, sous la forme d’une campagne réclamant le droit à l’IVG. Car «chaque année, 47 000 femmes meurent des suites d’un avortement illégal», scandent les affiches.

Le 28 septembre 2016 a eu lieu la Journée mondiale du droit à l’avortement, date autour de laquelle s’est échauffé le mouvement: lancée par le Planning Familial, la campagne a saupoudré les réseaux de photos et de protestations contre les groupes anti-choix tels que Les Survivants.

Mais pourquoi un cintre? Il s’agirait d’une référence au peintre René Magritte et de son célèbre tableau «La trahison des images» sur lequel est écrite la phrase «Ceci n’est pas une pipe.» Avant la dépénalisation de l’IVG, les cintres faisaient notamment partie des objets utilisés pour l’avortement clandestin. On en a froid dans le dos…

«Les Survivants» sur Touche Pas à Mon Poste

Ce groupe anti-IVG avait déjà attiré l’attention lors d’une manifestation à Paris, en juin 2016. Interviewés sur place par «Le Petit Journal», leurs propos avaient fait le tour du Web. Leurs réponses, semblant apprises par cœur et récitées avec des airs de mantra, contenaient plusieurs incohérences. Scandalisés qu’un cinquième de la population «manque» en raison du droit à l’avortement, ils parlent d’un «Syndrome du survivant» dont souffriraient tous les enfants nés après 1975. Officiellement rattaché à aucun parti, un bon nombre d’entre eux provient de la droite conservatrice.

Alison Wheeler s'était d'ailleurs donné un malin plaisir à décomposer le discours de ces jeunes militants dans sa chronique:

Le 4 octobre 2016, c’est le plateau de l’émission de «Touche Pas à Mon Poste» que «Les Survivants» ont pris d’assaut. Cinq membres du groupe anti-choix, installés dans le public, ont commencé par chanter «Joyeux anniversaire Cyril» à l’intention du présentateur, Cyril Hanouna. Ensuite, réclamant un micro afin de délivrer leur message, ils ont été priés de le «dire comme ça», c’est-à-dire de crier ce qu’ils avaient à dire depuis le public. Obéissant avec joie, les jeunes se sont alors exclamés: «Merci d’exister», toujours à l’intention d’Hanouna.

Les «Survivants» ont ensuite expliqué dans un communiqué que cette action auprès d’une «personnalité controversée» avait pour objectif de rappeler que «la vie d’une personne, qu’on l’aime ou qu’on la déteste, a une valeur inestimable.» Bon, le message est clair…

Aux Etats-Unis, le débat fait rage

Le 27 juin 2016, la Cour suprême américaine a réaffirmé le droit à l’avortement, en statuant sur une loi du Texas qui obligeait les médecins pratiquant l’IVG à disposer d’un plateau chirurgical digne d’un hôpital. Cette loi a forcé la fermeture de nombreux centres d’avortement. La Cour suprême a rappelé l’illégalité de ces mesures, offrant une victoire remarquable aux mouvements pro-choix.

L’IVG est devenue légale aux Etats-Unis en 1973, avec la décision «Roe v. Wade.» Cependant, plusieurs Etats tentent depuis quelque temps de faire vaciller cette dépénalisation en demandant par exemple la réduction de la période autorisée pour l’avortement, l’augmentation des délais d’attente ou l’interdiction de certaines méthodes médicales.

Durant sa campagne présidentielle, la candidate démocrate Hillary Clinton a souvent souligné l’importance de consolider ces droits, de gagner une bonne fois pour toutes le combat, affirmant que le nouveau président devra absolument prendre à cœur la mission de protéger la santé des femmes.

Tandis qu’un manuel anti-avortement circulait dans un lycée français durant le mois de septembre 2016, insurgeant élèves et corps enseignant, il est évident que les hostilités sont encore loin d’être achevées. Les groupes anti-choix et pro-avortement s’affrontent perpétuellement, que ce soit dans la rue, sous les pancartes, sur la scène politique ou sur les réseaux sociaux. Voilà des décennies que cela dure. Ne baissons pas les armes, car ce n’est pas terminé.


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