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Deuil: «Face à la perte, on peut apprendre à s’équiper»

Deuil face a la perte on peut apprendre a sequiper

«Quand on est dans une situation où on est en train de regretter ce qui était, et où on est paniqué par ce qui vient, j’encourage à mettre en place un rite d’adieu, pour prendre acte que ce qu’on a connu est fini.» - Alix Noble Burnand

© SARAH VEZ

FEMINA Pourquoi choisir de thématiser autour de la perte pour aborder le deuil cette année durant le festival?
Alix Noble Burnand
C’est le même processus, pourtant ça choque toujours les gens qui ont perdu un être cher de voir qu’il y a plusieurs types de perte. Un divorce, un déménagement, un licenciement: ce sont des mues que chacun vit au cours de son existence. Tous, un jour ou l’autre, on fait l’expérience de la perte. C’est paradoxalement une chance pour développer autre chose: perdre pour croître. Il y a un processus à l’œuvre dans nos vies en sous-main qui va définir notre réaction quand on vit une perte sévère ou un deuil.

C’est-à-dire?
Je fais la différence entre la perte et le deuil. Le deuil c’est ce qui suit la mort de quelqu’un, la perte c’est ce qui suit la fin de quelque chose: une profession, un divorce. À partir du moment où quelque chose est fini, il va y avoir un processus qui s’enclenche qui est à la fois lié à la personne et à ce qu’elle a vécu dans sa construction identitaire. Il y a des lignes de faille, comme une espèce d’empreinte digitale en matière de perte et de séparation qu’il est important de connaître. On ne peut le découvrir que quand on connaît une perte, ou quand on vit la mort de quelqu’un.

On ne peut pas éviter le fracas, la violence de l’impact et ses suites mais on peut apprendre à s’équiper.

C’est ça l’idée. Notre association (ndlr: à l’origine du festival Toussaint’s) s’appelle Deuil’s avec un «s» pour ça.

Avez-vous un exemple?
Je vais justement commencer la conférence que je donne le 3 novembre (voir en bas de l'article) en parlant de mon expérience. Jusqu’à l’âge de 64 ans, je n’avais pas vécu de deuils à proprement parler, mais des chagrins d’amour, des divorces, des adieux à des maisons, et c’était très difficile à surmonter. Ensuite j’ai vécu un chapelet de deuils et de morts très proches: je me suis alors aperçue que mes réactions étaient les mêmes. Je réagis tout de suite en faisant: je fais, je fais, je fais. Tout le monde émotionnel ne m’est pas accessible, je n’arrive pas à pleurer par exemple. C’est comme ça. Je sais que je suis à risque pour les deux ou trois mois qui suivent, je fais des check-up, je surveille mon système immunitaire.

Ma façon de réagir face au gouffre, c’est de bouger.

L’idée est de dire aux gens qu’ils ne peuvent pas être autrement que ce qu’ils sont. La manière dont ils réagiront face à la perte d’une maison ou une mise à la retraite risque bien d’être la même que lors du deuil d’une personne.

C’est ce que vous voulez dire par apprendre à «s’équiper»?
Oui. Je sais que la prochaine fois que je serai confrontée à ça, je pourrai m’appuyer sur un aspect de moi que j’ai découvert lors des pertes. Quand on vit un deuil, on s’aperçoit que personne ne peut vraiment comprendre ce qu’on traverse. Personne. À part moi! Il faut aller chercher à l’intérieur de soi un capitaine, un phare ou quelque chose contre lequel s’adosser.

Ce que j’ai découvert en vivant des pertes ou des deuils, c’est qu’il y a un endroit en moi qui n’est pas dupe, qui peut s’occuper de moi et me dire: fais attention. C’est ce côté de soi qui va devenir comme un coach.

Lors du festival, vous allez aussi aborder la question de la perte de sens face à un job que l’on perd, un amoureux qui s’en va… Comment y répondre pour aider à ne pas se perdre?
Quand on est dans une situation où on est en train de regretter ce qui était et où on est paniqué par ce qui vient, ce que j’encourage vraiment, c’est de mettre en place un rite «d’enterrement», d’adieu, pour prendre acte que ce qu’on a connu est fini. Que ce soit un boulot, ou une maison par exemple. Mais notre culture déteste ça, être sur ce seuil et dire que c’est fini. On cherche plutôt à l’évacuer car on a peur et c’est vertigineux. Tout ce qui nous dit: «c’est fini», on ne veut pas le voir. On est devenu si sensible et si vulnérable. Pourtant, il faut se confronter à ce qui est mort et le ritualiser pour pouvoir s’ouvrir à la suite.

4 rendez-vous au Toussaint’s Festival

Une formation: «Le deuil: un événement naturel ou un problème psy?» trois heures pour discuter, se questionner et échanger autour du thème, le jeudi 2 novembre 2023 de 14 h à 17 h.

Une conférence: «Ne me quitte pas!» conférence inaugurale par Alix Noble Burnand, vendredi 3 novembre 2023 à 20 h. Elle y parlera, entre autres, de son expérience, de son cheminement et de sa «boîte à outils» pour faire face aux pertes et aux deuils.

Un spectacle: «Increvable», seule en scène, Isabelle Guisan, La Cie Hors-Sol, samedi 4 novembre 2023 à 20h.

Une expérimentation: «Play Dead», ou comment vivre l’expérience – troublante – de se faire prendre en photo allongé dans un cercueil. Une possibilité offerte durant tout le festival.

Toussaint’s Festival, du 29 au 5 novembre 2023, «Ne me quitte pas! Comment perdre sans se perdre?» Centre culturel des Terreaux, Lausanne.

© DR

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