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Angela Merkel, Anne Hidalgo, chassé-croisé politique
L’une va faire ses adieux à la chancellerie allemande et aux scènes internationales. L’autre vient d’annoncer sa candidature à la présidentielle française. Angela Merkel et Anne Hidalgo se croisent sans se rencontrer dans l’actualité du mois de septembre. Angela Merkel née Kasner s’est propulsée d’une jeunesse est-allemande aux plus hautes fonctions du plus puissant pays de l’Union européenne. Enfant, elle se balade dans les forêts sombres qui bordent la cure de son père pasteur. De Templin, ville du nord-est de l’Allemagne qu’elle délaisse pour Leipzig et des études de physique, on retiendra son tout petit quartier médiéval, son église baroque, et ses barres d’immeubles soviétiques aujourd’hui peintes avec des couleurs gaies mais qui font toujours triste.
L’écosystème d’Anne Hidalgo, née Ana Maria Hidalgo Aleu est à l’opposé, en tout cas du point de vue météo. Elle ouvre les yeux en Andalousie, à San Fernando, bercée par l’écho de la mer et les caresses du soleil. C’est plus qu’une ville, presque une île, qui ne la protège ni de la pauvreté ni du régime franquiste, sa famille décide de partir pour la France. Elle grandit dans une banlieue proche de Lyon, monte dans l’ascenseur social français, à l’époque encore en état de marche: études de sciences sociales, entrée dans les grandes écoles, accès à des postes à responsabilités dans la haute administration, adhésion au Parti socialiste.
De San Fernando à Templin, voilà presque dessinées les frontières limitrophes de l’Europe, ses tragédies, ses banlieues, ses exils de population, ainsi que les derniers jours des dictatures auxquelles Merkel et Hidalgo, de la même génération, doivent échapper. Dans le jeu des ressemblances, notons leur itinéraire qui, à défaut d’être identique, est fait du même béton. A savoir: un monde d’hommes dans lequel elles manifestent une opiniâtreté à exister, à cravacher sans vagues ni galop, puis à saisir toutes les occasions que les appareils de partis ou l’alignement des étoiles leur offrent.
«Une doublure soumise et silencieuse»
Au début cantonnées à des activités en ligue B (ministre des femmes et de la jeunesse pour Merkel, conseillère d’élus pour Hidalgo), elles s’émancipent des figures tutélaires. La première lâche celui qui était venue la chercher, Helmut Kohl, empêtré dans les affaires, alors que personne ne s’y osait, la seconde sort de l’ombre du maire de Paris, Bertrand Delanoë, et assume l’intérim au moment où ce dernier est victime d’une agression. Leur ascension tient de l’exemplarité, traduit les réussites et les embûches de ces sherpas féminines qui tracent les premiers pas sur les cols enneigés. Merkel est l’unique femme à être devenue chancelière, Hidalgo la première à occuper la Mairie de Paris. Il faut dire que dans les deux pays qui tiennent le destin européen entre leurs mains, la question de la place des femmes sur les plus hautes marches du pouvoir fait à peine débat.
Au jeu des différences, Merkel a l’ascendant. Elle termine ses seize ans à la Chancellerie allemande au faîte de sa popularité, à peine égratignée par un bilan qui a aussi ses revers (disparités croissantes entre riches et pauvres, trop timide virage écologique, prudence budgétaire). Anne Hidalgo, dont on a écrit au début de son mandat d’adjointe au maire, qu’elle était «une doublure soumise et silencieuse» s’est désormais transformée en candidate «autoritaire» et «intransigeante». Dans les deux cas, elle a été sous-estimée. Ses anciens adversaires s’en sont mordu les doigts, ceux d’aujourd’hui auraient tort de ne pas s’en rappeler.