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6 principes du polyamour qui peuvent inspirer nos relations de couple

Apprendre du polyamour CLEMENCE GOUY

Le mot polyamour est apparu aux États-Unis sous le terme polyamory dans les années 90.

© CLÉMENCE GOUY

Peut-être avez-vous déjà dévoré You Me Her, She’s Gotta Have It, The Politician ou encore Wanderlust. Des séries Netflix qui mettent en scène des histoires d’amour, pas seulement entre deux personnages, mais trois ou quatre. Grâce aux médias qui tendent toujours plus vers l’inclusivité, aux réseaux sociaux qui montrent des dynamiques émergeant de la norme, ou même les apps de rencontre, le polyamour est de plus en plus visible depuis une décennie.

C’est quoi, le polyamour?

Cette forme de relation non monogame, comme le libertinage, le couple libre ou la polygamie, remet en cause l’exclusivité affective. Elle peut être définie comme la possibilité d’entretenir en même temps des relations amoureuses et/ou sexuelles avec plusieurs personnes, de façon transparente et consensuelle, avec à cœur l’engagement émotionnel. Psychologue FSP et sexologue, Romy Siegrist précise: «Le polyamour prône une éthique relationnelle constituée d’autonomie, d’honnêteté, de consentement et de liberté. Mais son expression est diversifiée et chacune et chacun imagine l’organisation qui lui convient: il peut y avoir une hiérarchie entre les amours – par exemple une relation socle et des relations «secondaires» – ou non.»

Pour Françoise Simpère, autrice de nombreux ouvrages sur la thématique, ce concept «interroge globalement les rapports femme-homme, la notion de patriarcat et bien sûr celle de possessivité et même de propriété», décrit-elle dans son Nouveau Guide des amours plurielles. Évidemment, la non-monogamie, même consensuelle, n’est pas nouvelle, comme le rappelle le sociologue Pierre-Yves Wauthier, socioanthropologue et conférencier invité au Certificat de sexologie clinique de l’Université de Genève: «On ne connaît pas de société, en histoire ou en ethnologie, sans régulation sociale de la sexualité et des affects, développe-t-il.

Quant au polyamour, le mot est apparu aux États-Unis sous le terme polyamory dans les années 90, puis en français environ une décennie plus tard.»

Le spécialiste explique en outre qu’il existe différentes utilisations de ce terme: «Parmi les personnes qui se présentent comme polyamoureuses, certaines en font une éthique, d’autres l’envisagent comme une pratique ou même comme une orientation sexuelle. Finalement, c’est le critère du consentement qui prime. La définition est compliquée, parce que les polyamoureux eux-mêmes donnent au terme des définitions différentes», complète l’expert.

Parce qu’elles se situent hors de la norme et que la notion de couple structure implicitement beaucoup de choses dans la société – Pierre-Yves Wauthier cite notamment les logements, les voitures, les concours, le droit ou encore l’institution du mariage – les relations plurielles sont stigmatisées.

En effet, imaginer une relation romantique autrement qu’au sein d’un couple bouleverse des croyances profondes, bâties dans une société marquée par les valeurs judéo-chrétiennes. Aussi, les représentations culturelles du polyamour sont encore limitées, comme l’explique la journaliste Lucile Bellan dans son livre Polyamoureuse, paru en janvier 2023, dans lequel elle décrit son parcours – parfois chaotique – de jeune mère hors des sentiers balisés de la monogamie.

L’amour au pluriel, c’est possible?

Alors, aimer plusieurs personnes en même temps, est-ce possible? Une interrogation légitime de la part des serial monogames, puisque depuis un siècle – lorsque les unions d’intérêt ont laissé place aux mariages d’amour – la littérature, le cinéma et la musique entretiennent l’illusion du Prince charmant, de la Femme de notre vie. Mais la majorité des personnes aujourd’hui savent que l’Unique n’existe pas: il n’y a qu’à observer le nombre de séparations (environ un mariage sur deux se termine en divorce en Suisse, d’après les chiffres de 2021). Les personnes polyamoureuses apportent une réponse toute simple à cette interrogation: l’amour n’est pas divisible. «Il s’additionne, il est exponentiel», ajoute Romy Siegrist.

En effet, nous n’aimons pas moins notre premier enfant lorsque naît le second. Nous chérissons nos liens amicaux, qu’on ait cinq ou vingt amies et amis. Pourquoi l’amour romantique serait-il différent? «Les sentiments amoureux ne dépendent pas des autres personnes, les amours ne sont donc pas en concurrence, poursuit la sexologue. Ils ont tout de même des énergies différentes. Au sein du polyamour, on parle d’énergie de la nouvelle relation: la passion des premiers mois, lors desquels on noue le lien. À cette période, il peut être difficile d’entretenir plusieurs nouvelles relations en même temps, mais on peut faire exister un crush récent aux côtés d’une relation plus longue», affirme-t-elle.

Consentement, honnêteté, liberté, égalité, communication et soin des autres. Si l’éthique polyamoureuse paraît irréprochable, en pratique, les personnes concernées témoignent souvent des grandes difficultés auxquelles elles ont fait face pour arriver à ce stade de développement personnel. Pour Françoise Simpère, le polyamour serait «une idée réaliste, qui prend en compte le besoin de stabilité ET le besoin de liberté de chaque personne avec pour fondement la conviction que nul n’a le droit de décider de la vie d’autrui», et non pas une utopie comme la quête de l’amour d’une vie. Pourtant, cette dynamique n’est pas faite pour tout le monde.

«Cela demande une bonne connaissance de soi, de ses limites et de ses besoins, des compétences de gestion émotionnelle et beaucoup de temps et d’énergie», remarque la sexologue Romy Siegrist.

Ouvrir sa vision de l’amour?

Des idées reçues imprègnent la vision traditionnelle de l’amour: le fait que si la passion des premiers jours s’estompe c’est que le couple va mal, que la jalousie est une preuve d’amour ou qu’une seule personne a le pouvoir de nous procurer de la joie pour toujours.

Contredire ces réflexions demande toutefois de «reformater son logiciel de pensée amoureuse», d’après Françoise Simpère.

Comme l’indique Lucile Bellan, la relation exclusive est un modèle fragile qui ne fonctionne pas toujours et qui n’est pas fait pour tout le monde. Violence conjugale, charge mentale, domestique et parentale, l’amour hétéro, notamment, est empreint d’une forme de domination. S’inspirer de l’éthique du polyamour, qui prône l’égalité des partenaires et où ceux-ci se demandent constamment s’ils désirent être ensemble, peut rééquilibrer une relation ou nous faire réaliser que celle-ci est arrivée au bout de son histoire.

Sortir de la performance

Dans son ouvrage Polyamoureuse, l’autrice témoigne de son expérience de la maternité. Mère de trois enfants, divorcée jeune, puis remariée, ancienne monogame, elle explique avoir souffert de la performance de la maternité et du couple: elle raconte comment elle a tenté d’être une maman parfaite, une épouse idéale, jusqu’à s’effacer. Les principes du polyamour, qui valorisent le dialogue, les ajustements et qui tiennent compte des sentiments de l’autre, poussent les partenaires à s’affirmer en tant qu’individu à part entière et à s’affranchir des regards extérieurs sur la relation. Côté sexualité, Lucile Bellan estime que les valeurs du polyamour lui ont permis de sortir de la performance, car elle n’a plus besoin de combler un manque de confiance en elle, la sexualité étant simplement devenue la simple expression d’un désir assumé.

© CLÉMENCE GOUY

Dépasser la jalousie

«La jalousie est une émotion humaine, tout le monde peut la ressentir, rassure la sexologue Romy Siegrist. Or il existe une idée reçue selon laquelle elle serait un signe d’amour: c’est avant tout un signe d’insécurité. Généralement, les personnes polys cherchent à comprendre pourquoi ils la ressentent, se responsabilisent en travaillant sur les racines de celle-ci, plutôt que de chercher à contrôler l’autre dans un élan de possessivité.» Dans son Nouveau Guide des amours plurielles, Françoise Simpère rapproche souvent le couple de la société de consommation (et rappelle en outre qu’il a été imaginé dans le but de transmettre un patrimoine). «Reconnaître et intégrer profondément l’idée que nul n’appartient à personne et que l’amour ne consiste pas à posséder ou à être possédé, change la donne», affirme-t-elle.

«La jalousie intervient souvent lorsqu’on a peur d’être quitté pour quelqu’un d’autre, reprend Romy Siegrist. Cette peur peut être légitime, mais ne concerne souvent pourtant que nous et le travail à faire est sur soi-même. Comment gérer au mieux? L’introspection, découvrir ce qui se trouve derrière cette peur, identifier ses besoins, formuler des éventuelles demandes, et trouver des moyens de s’apaiser, notamment grâce à la respiration consciente, au sport, à une thérapie, ou à une autre occupation qui nous nourrit. Prendre soin de ses peurs, leur donner une juste place pour pouvoir ramener de la sécurité, permet de donner plus d’espace pour se réjouir du bonheur des autres.» Se réjouir pour autrui s’appelle d’ailleurs la compersion, concept qui permet de nourrir des émotions positives.

Reconnaître et intégrer profondément l’idée que nul n’appartient à personne et que l’amour ne consiste pas à posséder ou à être possédé, change la donne.

Françoise Simpère

Auteure du Nouveau Guide des amours plurielles

Repenser la fidélité

Qu’est-ce qui est tromper, et ne l’est pas? L’adultère est un phénomène répandu chez les couples monogames, qui bien souvent blesse puisqu’elle est pratiquée dans le mensonge. Si les polys ont parfois une image de promoteurs et promotrices de l’infidélité, celles et ceux qui disent pourtant s’attacher au principe de fidélité morale sont nombreux. Car même s’ils entretiennent plusieurs relations, tout le monde est au courant et les besoins des unes et des autres sont pris en compte. Au sein des relations polys, le sexe est également discuté en détail, afin d’établir des règles concernant la contraception et les pratiques de protection.

Communiquer, encore et toujours

On ne le dira jamais assez, la communication est centrale dans une relation. «Souvent, les couples oublient de faire ces petits tours météo réguliers, pourtant indispensables, puisque l’on évolue sans cesse, rappelle Romy Siegrist. On entend souvent cette idée que le polyamour ne fonctionne pas, mais ce sont aussi des relations pérennes ou en tout cas plus ajustées, car les personnes concernées communiquent régulièrement sur leurs besoins et leurs attentes.»

Prendre du temps pour soi

«Les personnes qui choisissent de vivre des amours plurielles le font notamment par quête d’épanouissement personnel, explique Pierre-Yves Wauthier. Il y a également des raisons plus politiques, féministes, mais aussi une revendication de leur propre corps, par elles-mêmes et pour elles-mêmes.» Se réapproprier son corps, valoriser les personnes et leur confiance en elles plutôt que le sacrifice de soi pour ses enfants ou son couple: l’éthique polyamoureuse place les individus au centre.

Prendre du temps pour s’épanouir personnellement est une opportunité qui fait parfois défaut, surtout aux femmes. Lucile Bellan explique comment le polyamour lui a permis de repenser ses relations – même celles avec ses filles – et d’apprendre à réserver du temps pour elle, de se considérer comme une femme avant une épouse ou une mère.

À lire

Dans Polyamoureuse. Confidences d’une femme qui aime au pluriel (Éd. Larousse, 2023), la journaliste Lucile Bellan confie son itinéraire de polyamoureuse, après une expérience monogame et un divorce. Elle décortique le concept à travers les constructions sociales, les questions politiques, de sexualité et d’organisation quotidienne.

Surnommée la «papesse du polyamour», Françoise Simpère écrit essais et romans sur le thème depuis une vingtaine d’années. Dans la réédition de son ouvrage Le nouveau guide des amours plurielles (Éd. Librinova, 2020) qui combine conseils pratiques et près de 130 réponses à des questions précises, elle a joint des récits inspirants de personnes polyamoureuses.

This Heart Holds Many (Éd. Thorntree Press, 2019): Koe Creation, non-binaire, raconte son parcours, dont une enfance au sein d'une famille polyamoureuse (en anglais).

La salope éthique (Éd. Tabou, 2013), par Dossie Easton et Janet W. Hardy, est l'un des textes fondateurs du polyamour moderne.

De polyamour et d’eau fraîche, Cookie Kalkair, Elsa Hebert et Cristina Rodriguez (Éd. Steinkis, 2021), ou le récit en bande dessinée des trois protagonistes du compte Instagram à succès @holy_poly_macaroni, qui raconte leur trouple. Drôle et instructif!

À écouter

Amoursplurielles.com: des paroles touchantes de personnes aux parcours variés qui vivent des relations plurielles et témoignent sous l’oreille attentive de la sexothérapeute Laureana Alycja.

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