Grève des femmes
14 juin: les multiples visages du féminisme
1971, les femmes obtiennent le droit de vote; 1981, l’égalité entre hommes et femmes est inscrite dans la Constitution fédérale; 1991, un demi-million de femmes font la grève sous le slogan «Femmes bras croisés, le pays perd pied», afin de protester contre l’absence de loi; 2019, 500 000 femmes descendent dans la rue avec un catalogue de revendications ambitieux. Et lundi 14 juin 2021, les astres sont réunis à nouveau pour célébrer ces anniversaires à chiffre rond. Entre-temps, les visages de l’engagement féministe se sont diversifiés, les causes aussi, qui vont des exigences de changements législatifs et juridiques pour l’égalité aux questions d’identité.
La cartographie féministe témoigne d’un paysage composite, qui relie des régions bien connues, des territoires qu’on redécouvre et des espaces nouveaux de revendications et de mobilisations. Entre les femmes, des conflits de valeurs, de positions, de générations, de méthodes apparaissent aussi et c’est bien normal. Que les femmes prennent la parole ne veut pas dire qu’elles devraient parler d’une seule voix.
Découvrez ci-dessous, les multiples visages du féminisme et les mouvements qui restent mobilisés sous des formes diverses et créatives.
Le féminisme pionnier
Officiellement, le féminisme apparaît en 1882, avec Hubertine Auclert, première suffragette française. Mais en 1405 déjà, Christine de Pizan réfute, dans l’ouvrage La cité des dames, les préjugés misogynes de son temps. Plus tard, des personnalités comme Olympe de Gouges réclament l’inclusion des femmes dans la société et l’égalité des droits en contestant l’absolutisme. Se nouent déjà à cette époque les divisions qui existent encore aujourd’hui entre les femmes qui revendiquent une supériorité du féminin (les différentialistes) et les femmes qui prônent l’égalité et critiquent la tyrannie du genre (les égalitaristes).
Figure: Olympe de Gouges, Simone de Beauvoir, Simone Chapuis (ci-dessous)
Le féminisme syndical
Le féminisme syndical milite pour un meilleur accès des femmes à l’éducation, à la vie professionnelle ou à l’égalité civile. Adossé aux partis de gauche, en particulier le Parti socialiste, issu des grands syndicats, il parle et s’engage pour l’égalité des salaires, le droit de vote, refuse l’élévation de l’âge de la retraite, plaide pour une meilleure protection de la maternité. Il privilégie le débat démocratique par le lancement d’initiatives populaires et de référendums ou le travail politique et institutionnel.
Figures: Christiane Brunner, Ruth Dreifuss (ci-dessous)
Féminisme de droite
Longtemps, les femmes de droite n’ont pas assumé l’étiquette féministe. Toutefois, des politiciennes issues des partis bourgeois, et assumant des responsabilités internes ou électives, font bouger les lignes. Récemment, elles se sont engagées dans le lancement d’une initiative populaire en faveur de l’imposition individuelle. Des conseillères d’Etat, telles Nathalie Fontanet, dans le canton de Genève, ou Christelle Luisier, dans le canton de Vaud, ont apporté leur soutien à une modification du Code pénal sur la question du consentement. Leur parcours reste difficile. Elles prennent le risque d’en faire trop aux yeux de leur électorat conservateur et pas assez pour les mouvements féministes organisés.
Figures: Nathalie Fontanet, Christelle Luisier, Marianne Maret (ci-dessous)
Féminisme intersectionnel
Le féminisme intersectionnel souhaite abolir la domination masculine sous toutes ses formes, de genre, de classe, de race. Les paroles minoritaires (religieuses, sexuelles, générationnelles) se joignent aux contestations sociales et politiques, en particulier en faveur de la protection de la planète. Pour les féministes intersectionnelles, le patriarcat colonise les corps et les terres. La convergence des luttes est le nouveau drapeau des manifestations autour du climat ces deux dernières années, des mobilisations pour l’égalité des genres, des mouvements antiracistes et LGBTIQ+.
Figures: Christiane Taubira, Léonore Porchet (ci-dessous)
Le féminisme hashtag
Les blogueuses des révolutions arabes, le phénomène #MeToo, les manifestations dans les collèges et les universités en faveur du droit à disposer de son corps ont permis aux femmes de dénoncer, à partir de leur vécu, les injustices dont elles sont victimes. Ces femmes veulent être actrices de leur vie et de l’événement qu’elles créent par leurs mobilisations. Elles contribuent à une forme de politisation de l’intime, des sexualités, des trajectoires individuelles.
Figure: Collégiennes du cycle d’orientation de Pinchat