santé
Maintenir son poids, c’est une vigilance à vie
«Depuis mes 30 ans, j’enchaîne les régimes, je perds du poids, je jubile et, à chaque fois que je crois atteindre une pseudo-stabilisation, je reprends encore plus de kilos qu’avant», raconte Nathalie, une quinqua désabusée qui a fini par faire une croix sur la silhouette dont elle rêvait. Celles et ceux qui luttent contre leurs kilos en trop sans jamais réussir à maintenir un poids stable connaissent bien cet écueil. Pourtant, certains y arrivent. C’est ce message d’espoir que veut faire passer Maaike Kruseman, professeure associée à la filière nutrition et diététique de la Haute École de santé de Genève dans son livre, «Changer de poids, c’est changer de vie» (Ed. Planète Santé, début mars 2020): «Le plus grand malentendu autour de la thématique du maintien de la perte de poids, c’est que tout régime amaigrissant est voué à l’échec. Ce message est décourageant et stigmatisant.»
Pour comprendre comment certains y arrivent, la spécialiste a cherché à identifier les stratégies de ceux qu’elle appelle les VEP, les Vainqueurs de l’excès de poids, soit des personnes initialement en surpoids ou souffrant d’obésité, qui ont perdu volontairement au moins 10% de leurs kilos et qui ont maintenu cette perte durant au moins un an.
A chacun ses stratégies
Premier constat, les façons d’y arriver ne sont pas les mêmes que pour un régime. «La collection de stratégies proposées aux lecteurs s’appuie sur notre propre recherche, et sur aussi les autres études scientifiques publiées. Les VEP que nous avons rencontrés avaient perdu en moyenne 25 kilos, et maintenaient leur poids depuis près de 4 ans. Chacun doit identifier ce qui lui convient le mieux. Le plus important est de choisir des stratégies tenables», explique Maaike Kruseman. Parmi les dix-sept stratégies proposées, il y a notamment la structure des prises alimentaires, qui peut varier de deux à cinq par jour pour les VEP: «Il y a une énorme variabilité individuelle, et c’est à chacun de trouver son rythme, mais ce qui est certain, c’est qu’il faut arrêter de manger tout le temps. Beaucoup de personnes en lutte avec leur poids ont tendance à avoir peur d’avoir faim, alors elles s’entourent de nourriture», souligne Maaike Kruseman.
Faire la paix avec la faim, ranger sa cuisine, bouger, se pardonner et… se peser. Ce qui s’apprend.
Pour Sophie, par contre, sa contemporaine, elle est à fuir: «Je l’évite tant que je peux. Je me pèse une fois par mois et, à chaque fois, j’ai la trouille.» Le rapport au pèse-personne nécessite en effet un mode d’emploi, souligne Maaike Kruseman: «En fonction du poids sur la balance, il y a une réaction plus ou moins véhémente à avoir. Certains VEP arrêtent de se peser dès que le poids monte, ils préfèrent fermer les yeux, car pour eux prendre un kilo est comme d’en prendre vingt. D’autres vont réagir trop drastiquement, comme s’ils donnaient un coup de volant terrible, et se privent. La correction adéquate serait de relier sa prise pondérale à un événement, un changement de rythme par exemple. En se pesant une fois par semaine, on peut le faire assez facilement.» Tout en gardant en tête que la perte de poids n’amène pas forcément à la minceur. «Certains VEP gardent un surpoids, même en ayant perdu 10 kilos. Ils font des efforts énormes et, au final, ils s’entendent dire qu’ils devraient encore en perdre alors qu’ils en bavent pour ne pas en reprendre», se désole Maaike Kruseman.
Un constat autour de la notion de «poids idéal» que partage Laurence Haurat, psychologue nutritionniste, auteure d’«Et si vous trouviez (enfin) votre poids idéal» (Ed. Eyrolles):
Cela s’accompagne d’un véritable travail sur la place accordée à l’alimentation et la mise en place des stratégies qui vont avec. «Il s’agit d’adapter ce qu’on mange pas à pas, en le coordonnant à ses besoins. C’est l’approche que je défends et celle qui me paraît être la plus durable possible. On ne s’en sort pas, sinon. Devenir un mangeur apaisé est la démarche d’une vie», conclut Laurence Haurat.
Une vigilance à vie
«On peut perdre du poids avec tous les régimes: pauvres en hydrate de carbone, pauvres en graisse, équilibré, dissocié... on a publié beaucoup d’études aux résultats similaires sur ce point. Par contre, ce qui est différent, c’est la reprise de kilos ensuite. Car c’est la vigilance qui fait le succès du maintien de la perte de poids», explique le professeur Alain Golay, endocrinologue diabétologue, spécialiste de l’obésité aux HUG, et auteur de nombreux livres sur le sujet, dont «Maigrir durablement, c’est possible!» (Ed. Vigot). Cette vigilance à vie, les VEP la connaissent bien. «C’est super dur, ils sont tout le temps en train de se restreindre. Alors que dans notre étude, les personnes qui ont un poids stable toute leur vie n’y pensent pas trop. Mais avec le temps ça devient plus facile, comme si un nouveau «câblage» se met en place. Certaines études disent une année, moi je dirais deux à trois ans. C’est quand de nouvelles habitudes alimentaires et de mode de vie sont créées que la routine peut s’installer», décod
Lors de ses consultations spécialisées dans le traitement de l’obésité, le professeur Golay articule quant à lui le chiffre de cinq ans pour parler de rémission:
Toutefois, un paramètre supplémentaire complique le maintien de la perte de poids, comme le souligne Maaike Kruseman: «On a autour de nous de la nourriture facile à manger en toutes circonstances, machinalement; et lorsqu’on pense à autre chose, c’est plus difficile de réguler ses apports alimentaires. Dans cet environnement-là, quand on est hyper vulnérables à la nourriture, s’en est fini de l’insouciance alimentaire.» Une vigilance à vie pour maintenir son poids qui rime donc avec stratégie.
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