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Cancer du sein: L'autopalpation mammaire en 7 questions
Article du 25 octobre 2022, mis à jour le 10 octobre 2023.
1. Pourquoi l'autopalpation est importante?
Malgré les progrès thérapeutiques, la Suisse reste un pays particulièrement touché par le cancer du sein. Une femme sur huit y sera confrontée au cours de sa vie selon les statistiques, ce qui en fait le cancer le plus fréquent chez les patientes. Si le taux de survie à 5 ans reste élevé (environ 85% des personnes diagnostiquées), 1400 femmes décèdent d'une forme de cette maladie chaque année. Ainsi, pour révéler le cancer à un stade précoce et augmenter les chances de rémission, un dépistage régulier est primordial.
Des mammographies de dépistage sont organisées dans les cantons romands pour les femmes entre 50 et 74 ans, puisque cette tranche d'âge est la plus touchée. Cependant, des personnes plus jeunes peuvent également être affectées, à l'image de Marylise Pesenti, Danaé Correvon, Fanny Leeb et Patricia Hossenlopp, quatre femmes ayant témoigné dans notre dossier sur l'intimité bouleversée par le cancer du sein. Les personnes âgées de moins de 50 ans ou de plus de 74 ans peuvent toutefois se soumettre à un examen mammaire chez leur gynécologue lors d'un contrôle. Or, comme l'observe la Dre Benedetta Guani, médecin adjointe et spécialiste en gynécologie et obstétrique à l'Hôpital fribourgeois (HFR), les patientes ne se rendent pas forcément une fois par année chez le médecin. Pour cette spécialiste, une autopalpation des seins est alors recommandée entre deux rendez-vous.
2. Comment s'autoexaminer la poitrine?
La première étape est d'observer sa poitrine sous toutes les coutures devant un miroir: les bras levés, le long du corps et de profil. Ensuite, on tâche d'être attentive à tout changement de couleur (des éventuelles rougeurs, une zone irritée), de forme (une bosse, un creux, un mamelon rétracté), de grain de peau (aspect peau d'orange) ou à une éventuelle tache sur son soutien-gorge qui proviendrait d'un écoulement inhabituel.
La seconde étape est de palper la poitrine avec la pulpe de trois ou quatre doigts en appliquant une pression forte et en effectuant des mouvements circulaires. De haut en bas, depuis la clavicule jusqu'au sillon mammaire, on palpe tout le sein, sans oublier le creux axillaire (région de l'aisselle) et la zone entre les seins. On palpe également ses mamelons, du centre vers l'extérieur.
La Dre Giang Thanh Lam, médecin adjointe et responsable de l'unité de sénologie au Service de gynécologie des HUG, conseille de ne pas presser trop régulièrement le mamelon, afin d'éviter de le stimuler inutilement.
3. Que faire si l'on détecte une anomalie?
Les deux expertes sont unanimes: il ne faut pas hésiter à consulter un-e médecin rapidement. «Les femmes connaissent en général leur corps, note la Dre Benedetta Guani. Si elles observent un quelconque changement concernant leur poitrine, elles devraient consulter un-e spécialiste. Dans certaines situations, chez des patientes jeunes, on découvre un cancer grâce à leur autoexamen. Le corps médical prend toujours au sérieux les inquiétudes d'une patiente et va investiguer si celle-ci demande un contrôle», poursuit la gynécologue du HFR.
4. À quelle fréquence et quand peut-on pratiquer l'autopalpation?
Certaines campagnes de prévention, ainsi que des messages relayés sur les réseaux sociaux (notamment la vidéo du compte sexo @Wicul postée ci-dessus), enjoignent les femmes à palper leur poitrine chaque mois. Or, nos deux expertes ne sont pas d'accord avec cette recommandation. La Dre Guani recommande la palpation mammaire une fois par année aux personnes qui n'ont aucun symptôme de cancer du sein, que l'examen soit fait par un-e spécialiste ou par la patiente elle-même. Elle explique: «stimuler le sein tous les mois est contre-indiqué. Le mamelon peut commencer à produire des écoulements, par exemple, alors que le sein n'est pas malade.
De son côté, la Dre Lam met en garde contre l’autopalpation systématique et régulière qui peut rendre le geste anxiogène. «Des études ont montré que l'autopalpation dans le but de se diagnostiquer un cancer engendre des examens inutiles et est une source de stress pour les patientes, sans pour autant diminuer la mortalité due à cette maladie. L'important est d'apprendre à bien connaître son corps et d'aller consulter si l'on observe une anomalie.»
En outre, l'autopalpation mammaire devrait être évitée pendant la deuxième partie du cycle menstruel. «Les seins peuvent être tendus et douloureux à cette période, indique Benedetta Guani. L'idéal est de procéder à l'examen entre le troisième et le cinquième jour des règles.
5. À quel âge faudrait-il commencer l'autoexamen des seins?
«Dès 30 ans, affirme la Dre Benedetta Guani. À l'adolescence, les cancers du sein sont extrêmement rares et les changements physiologiques fréquents. Mieux vaut éviter un tel examen pendant cette phase du développement.» La doctoresse note toutefois que la situation est différente chez une patiente avec des antécédents familiaux. «On conseille de commencer la surveillance 10 ans avant l'âge auquel est survenu le cancer chez la mère, explique la gynécologue du HFR. Mais si la femme n'a pas d'antécédant, il n'y a aucune raison qu'elle subisse plus de contrôle que les autres personnes.»
6. Peut-on se passer de l'examen chez le ou la gynécologue si on pratique l'autopalpation régulière?
«Non», répondent nos deux expertes. «L'autopalpation ne remplace pas l'expertise du ou de la gynécologue. Cependant, comme les femmes visitent leur médecin moins souvent qu'auparavant, pratiquer cet examen à la maison entre deux rendez-vous est conseillé», répète la Dre Guani. Giang Thanh Lam souligne en outre que l'autopalpation ne remplace pas la mammographie de dépistage tous les deux ans, recommandée pour les femmes de plus de 50 ans.
7. Peut-on se passer de l'autopalpation mammaire?
Les personnes qui ne se sentent pas à l'aise avec leur corps, qui craignent de découvrir une grosseur ou ne peuvent pas pratiquer l'autopalpation pour des raisons liées à leur morphologie, à la mobilité, à l'âge ou encore à leurs croyances, peuvent en parler à leur médecin, ainsi que le recommandent les deux spécialistes. «Un contrôle médical systématique peut alors être mis en place chaque année au cabinet», complète Benedetta Guani.
La responsable de l'unité de sénologie des HUG ajoute que l'on n'a pas forcément besoin de s'autopalper les seins de manière systématique pour détecter un éventuel cancer. «Lorsqu'on se savonne, qu'on s'habille ou qu'on a des relations sexuelles, par exemple, on sent notre poitrine, précise la Dre Lam. Ces petits gestes de la vie quotidienne participent également à l'autoexamen qui permettent de détecter une anomalie.»