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Mon combat pour l’accès aux soins pour tous à Bali

Femina 25 Temoin Caritatif Bali

Avec trois fois rien, il est possible de faire des choses fabuleuses.

© Aris Radeha/Fair Future Foundation 2017

L’expérience humanitaire est enrichissante à tous points de vue mais elle implique de faire des concessions. Je travaille bénévolement entre 15 et 18 heures par jour, 7 jours sur 7. J’ai peu de temps pour moi et je prends peu de vacances. Souvent, on me traite de fou. Mais je crois plutôt être un passionné.

J’ai toujours été le gentil, celui qui n’allait pas au conflit et qui voulait aider les autres. Je n’ai pas choisi le métier d’infirmier par hasard. Au fil de ma carrière, je me suis engagé dans divers projets sociaux, en Suisse et à l’étranger. J’ai aussi dirigé pendant deux ans une fondation socio-éducative vaudoise. Pour y avoir beaucoup voyagé depuis mon enfance, je connaissais bien l’Asie. L’Indonésie, c’est le soleil, les plages paradisiaques, mais pas seulement. La pauvreté et les injustices sociales y règnent. Le pays – quatrième population mondiale – ne donne pas accès aux soins gratuitement à ses quelque 260 millions d’habitants. Sans argent ni assurance, les gens meurent de trois fois rien: d’une infection due à une plaie ouverte, de carences alimentaires, de l’absence d’eau potable… une situation gravissime. Moi, en Suisse, j’étais un nanti. J’avais un bon salaire, un appartement, une moto… je n’avais pas de gros besoins. J’ai pu mettre pas mal d’argent de côté. Je l’ai utilisé pour créer avec Sarah, ma compagne de l’époque, une association en Indonésie ayant pour but de soigner la population locale, sans distinction de race, de couleur, d’âge ou de religion. C’était en 2006, j’avais 39 ans. Quelques années plus tard, la structure s’est transformée pour devenir la Fondation pour un futur équitable (ou Fair Future Foundation). Une première clinique a vu le jour, puis une deuxième, une clinique mobile de soins à domicile, et désormais un hôpital pour enfants.

L’enfance en cage

Actuellement, la fondation dont le siège se trouve à Bali compte 64 employés, dont 30 qui composent l’équipe soignante. Nous n’employons que du personnel local. Ici, les médecins et les infirmiers ont besoin de travailler et de gagner de l’argent. En plus, les compétences existent et correspondent vraiment à la population locale en termes de besoins, de culture ou de religion. Environ 60% de notre personnel a d’abord bénéficié de soins offerts par notre structure. Ma secrétaire, par exemple, souffre de la maladie de Parkinson et elle a été prise en charge par la Fair Future Foundation. Aujourd’hui, grâce au travail qu’elle accomplit, elle m’est d’un énorme soutien!

Comme le nom de la fondation l’indique, la justice et l’équité sont des valeurs essentielles à mes yeux. Dans notre équipe, nous sommes tous sur pied d’égalité: moi en tant que président et soignant, les médecins, le personnel médical et tous les autres. L’âge ou le niveau de formation n’importent pas. Nous avons tous pour but de soigner les plus pauvres. Dans nos structures, nous traitons toutes les pathologies. Les plus courantes sont la dengue, les infections dues à des plaies mal soignées, la malnutrition, l’asthme ou le sida. Nous faisons de la prévention et avons distribué environ 7000 préservatifs, mais peu de gens se protègent car cela coûte cher et la sexualité est taboue.

L’accès à l’eau potable est aussi un problème. Beaucoup de femmes accouchent de bébés malformés en raison de métaux lourds présents dans l’eau. Nous rencontrons aussi des enfants handicapés à cause de méningites mal soignées ou d’autres souffrant d’autisme… Les jeunes handicapés physiques ou mentaux sont mis à l’écart de la société, enfermés dans l’arrière-cour d’une maison, parfois enchaînés. Lorsqu’un petit est «différent», il est rejeté par ses parents sous prétexte qu’il déshonore la famille. Récemment, le cas de Robi, un garçonnet de 9 ans, nous a été signalé. Le petit avait été enfermé par son père dans un cagibi de 3 m2. Il se nourrissait de «junk food» lancée par un trou et vivait nu au milieu de ses excréments. Jamais personne ne lui parlait. Nous avons défoncé la porte de sa prison. Robi se porte mieux depuis que nous nous occupons de lui. Toutefois, il ne peut pas être adopté car il n’est pas orphelin. Ces enfants détenus fendent le cœur.

Un restaurant qui fait du bien

Les activités de la fondation sont autofinancées par un restaurant social qui emploie une vingtaine de jeunes de 15 à 22 ans provenant des services sociaux ou de la santé. C’est un système unique en son genre et qui a fait ses preuves. Avec un chiffre d’affaires journalier moyen de 2000 francs, 400 repas servis par jour, 6 jours sur 7, ce lieu compte parmi les plus populaires de la région. Pour y manger, il faut réserver deux jours à l’avance. Chaque repas permet de financer deux à trois consultations médicales, traitements et petites opérations comprises. Grâce à ce restaurant, nous parvenons à soigner environ 30 000 personnes par an et à payer des salaires. Avec trois fois rien, il est possible de faire des choses fabuleuses. A condition de ne pas rechercher un enrichissement personnel excessif. Mon expérience en Asie m’a appris que beaucoup deviennent riches car ils ont su exploiter les plus pauvres. C’est à l’opposé de ma conception de la vie.

Un exemple à suivre?

Mes filles Elisa et Flavie, 22 et 23 ans, sont aussi impliquées dans ce combat. Elles viennent parfois sur place et mènent des campagnes de fonds. Je suis fier de les avoir sensibilisées à une cause humanitaire. Grâce à des dons et une campagne de crowdfunding à laquelle elles ont participé, un hôpital pédiatrique va ouvrir ses portes. Il prendra en charge les soins et les chirurgies d’une centaine d’enfants par an. Nous y accueillerons des stagiaires et des étudiants en médecine du monde entier, notamment de la faculté de Genève. Je ne suis pas près de m’arrêter. Quand je reviens en Suisse, je me réjouis à l’idée de voir la neige ou de manger du fromage. Ce sont les vacances. Mais je me sens chez moi en Indonésie.

Entre ce que j’avais imaginé pouvoir accomplir et ce que nous avons réalisé à ce jour, le résultat est hors du commun. Je n’ai pas eu le temps de voir la fondation grandir. Et aujourd’hui, à 50 ans, je me surprends à rêver d’exporter ce que nous avons fait dans d’autres pays.


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