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Se contenter du nécessaire, vivre le moment présent... quand la philosophie Disney nous inspire

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Avec ses phrases toutes simples et toutes bêtes, comme «Les choses qui me rendent différent sont les choses qui font que je suis moi» ou «Vous êtes plus courageux que vous croyez, plus fort que vous semblez et plus intelligent que vous pensez», Winnie l’Ourson, dont les nouvelles aventures sortent sur grand écran le 1er août 2018 dans «Jean-Christophe & Winnie» (avec Ewan McGregor), est un vrai sage.

© DR

Associer philosophie et Disney, l’idée peut a priori sembler farfelue. A priori seulement, car comme le démontre dans son nouvel essai la professeure de philosophie Marianne Chaillan («Ils vécurent philosophes et firent beaucoup d’heureux», Marianne Chaillan, Ed. Equateurs - Parallèles), les films de tonton Walt sont bien plus profonds qu’on pourrait le penser. Sous des dégoulinades de bons sentiments, de sucre et de miel, «Blanche-Neige», «Le livre de la jungle», «La Reine des Neiges» ou encore «Jean-Christophe et Winnie» (à voir dès le 1er août 2018) cachent les concepts les plus puissants de la philosophie et s’avèrent donc pleins d’enseignements. Etonnant? Pas tant que ça.

De fait, de plus en plus de penseurs contemporains estiment qu’il est temps de cesser de faire rimer philosophie et prise de tête. Ainsi, la philosophe française Marie Robert, auteure de Kant tu ne sais plus quoi faire il reste la philo, qui demande qu’on sorte enfin les Kant, Spinoza ou Aristote des «bibliothèques poussiéreuses». Ainsi, aussi, la thérapiste familiale et écrivaine britannique Catherine McCall – qui ne jure que par la «sagesse basique mais essentielle» de… Winnie l’Ourson!

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Le gai savoir

Evidemment tout aussi convaincue, Marianne Chaillan ajoute que la recherche de la connaissance «n’est pas, par définition, une science destinée à quelques intellectuels coupés du réel, enfermés dans leur tour d’ivoire, se préoccupant de sujets inintéressants et s’exprimant dans un langage tellement abstrait qu’il en devient inaudible pour le commun des mortels.»

En d’autres termes, précise-t-elle, «instruire et divertir» ne sont pas incompatibles – bien au contraire.

«La philosophie est sérieuse mais cela n’implique pas pour autant qu’elle doive exclure le jeu ou la joie, note Marianne Chaillan. Selon moi, le plaisir n’est pas l’ennemi de la philosophie!»

«On peut même opposer à l’esprit de sérieux un gai savoir! Pourquoi la philo devrait-elle être austère? On peut penser et apprendre dans la joie. D’ailleurs, j’en suis témoin: susciter l’enthousiasme de mes étudiants ou de mes élèves (notamment par l’utilisation d’exemples tirés d’œuvres de culture populaire) est la condition de possibilité de l’effort intellectuel le plus exigeant qui soit!»

Certes. Mais finalement, est-il bien utile de chercher à comprendre d’où vient la méchanceté d’un capitaine Crochet (Peter Pan) ou d’une mère Gothel (Raiponce)? A quoi sert de savoir que Winnie, en bon stoïcien qui s’ignore, vous adjure à profiter du présent sans ressasser le passé ni s’inquiéter du futur – bref, pourquoi s’inquiéter de philosophie? Eh bien… pour être mieux. Tout simplement.

La philo nous aide simplement à vivre

Fondatrice de l’Ecole d’éveil philosophique, à Genève, Martine Libertino explique: «L’être humain a besoin de comprendre son propre fonctionnement et où est sa place dans la famille ou la société. De même, il lui faut découvrir ses qualités, ses dons, son libre arbitre, ainsi que les difficultés émotionnelles qu’il sera capable de gérer sans peur et sans colère. Or, bien plus qu’une réflexion intellectuelle, la philosophie conçue comme un support permettant la découverte de ce qui se passe en lui l’aidera à apprendre son métier d’homme!»

Tout à fait sur la même longueur d’onde, Marie Robert ajoute: «L’acte philosophique ne se situe pas uniquement dans la connaissance des débats et discussions entre grands penseurs mais dans tout ce qui peut améliorer notre existence, nous soulager, nous préserver, nous permettre de créer de la distance avec ce qui nous affecte!»

Quant à Marianne Chaillan, elle confirme: «Je crois pour ma part en la puissance de la philosophie comme auxiliaire de vie. Dans l’Antiquité, elle était d’ailleurs conçue comme une méthode thérapeutique qui, en soignant les maux dont nous souffrons, nous permettait d’atteindre le bonheur, c’est-à-dire l’absence de troubles. Telle que je la conçois, elle nous aide tout simplement à vivre!»

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Winnie, la sagesse faite ours

Avec ses phrases toutes simples et toutes bêtes, comme «Les choses qui me rendent différent sont les choses qui font que je suis moi» ou «Vous êtes plus courageux que vous croyez, plus fort que vous semblez et plus intelligent que vous pensez», Winnie l’Ourson, dont les nouvelles aventures sortent sur grand écran le 1er Août 2018, est un vrai sage.

«Il a les mêmes qualités que Platon ou Aristote, qui donnent des clés pour être heureux, ou en tout cas moins malheureux», explique ainsi Catherine McCall, docteur ès philosophie, psychiatre et marraine de la Philosophy Foundation, de Londres. Pour elle, pas de doute: «Le poohism [la philosophie de Winnie The Pooh] développe le même type d’idées que ces philosophes mais de façon beaucoup plus accessible.».

Etre ou ne pas être…

Sous la loupe de Marianne Chaillan, «Zootopie» est une mise en lumière des théories existentialistes de Sartre. En bref: par ses choix de vie – elle envoie aux orties l’élevage de carottes auquel la prédestine sa nature lapinesque pour devenir policière –, Judy prouve que l’on est ce qu’on se fait et qu’on peut devenir ce qu’on veut. Et ce malgré les paramètres sociaux, culturels, etc. – dont nous décidons de faire une limite ou une aide. Avec le risque d’échouer, bien sûr. Mais le plus grand des ratages n’est-il pas de ne pas avoir essayé?

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Les dangers du désir

Comme l’explique Marianne Chaillan, l’épicurien Lucrèce estime que le désir amoureux est une maladie qui «ronge l’âme», nous dépossède de toute lucidité et nous fait sublimer un être dont nous ne savons rien – une manière de parer de qualités l’objet de son délire que Stendhal appelle «cristallisation». Dans «La Reine des Neiges», quand Anna rencontre Hans, elle cristallise. Les conséquences? Elle perd toute objectivité, est incapable d’analyser la situation, bref perd le contrôle de sa vie. Tandis que sa sœur Elsa, qui a appris à maîtriser les cristaux (ses désirs, donc), peut garder la tête assez froide pour faire des choix réfléchis et, du coup, rester maîtresse de son destin…

Se contenter du nécessaire

Pour Marianne Chaillan, l’ours Baloo, un des héros du «Livre de la jungle», porte clairement la parole d’Epicure et apprend en peu de mots la philosophie qu’on trouve dans la Lettre à Ménécée. Soit: «Il en faut peu pour être heureux.» Car la philosophie épicurienne n’est pas, comme on le pense généralement, celle de l’abondance et de la jouissance effrénée, mais au contraire celle de la recherche du bonheur conçu comme l’absence de troubles et le plaisir d’être, tout simplement.

En gros, pour le philosophe, il est inutile d’en vouloir toujours plus et de courir inlassablement après la richesse, la reconnaissance, le désir de paraître ou la gloire car cette soif sans limites est vaine et source d’intranquillité: on ne sera jamais assez fortuné, assez puissant, assez célèbre. Pour le coup, comme l’ours-philosophe, mieux vaut donc apprécier ce qu’on a, se recentrer sur les choses nécessaires et accessibles, apprendre à se réjouir du simple fait qu’on existe.

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Accepter la mort pour mieux vivre

Raiponce évoque, entre autres, le refus de la mort, note Marianne Chaillan. Elle précise: «Quel est le vice essentiel de la méchante mère Gothel, qui se montre prête à sacrifier la vie d’autrui pour préserver la sienne? Un mauvais rapport au temps… elle aurait dû lire Heidegger!» Selon le penseur allemand, nous perdons en effet l’authenticité de notre existence en niant son inéluctable finitude.

A ses yeux, assumer le fait que l’on peut partir à tout moment nous conduit précisément à nous engager à fond et sincèrement dans chaque instant – comme le font d’ailleurs Raiponce et son amoureux Flynn, prêts à mourir l’un pour l’autre.

Le philosophe ajoute qu’il ne s’agit pas de se faire peur en pensant au grand départ, mais plutôt d’accepter de traverser l’angoisse que cela provoque et de tracer son chemin éclairé par cette fin à venir. En clair: le déni de notre propre mortalité est le plus sûr moyen de ne pas vivre pleinement et de restreindre son champ de possibles.

Vivre dans l’ici et maintenant

La philosophie du hakuna matata, chanson culte du «Roi Lion», est proche des principes professés par le stoïcien Marc-Aurèle, note Marianne Chaillan. Elle explique: «Quand Timon et Pumba rencontrent le jeune Simba, il est dans le désert, totalement désespéré par la mort de son père – mort dont il se croit responsable. Mais Timon lui enseigne ce mantra: hakuna matata. Ce qui signifie que pour atteindre le bonheur et vivre sans aucun souci, il faut apprendre à se délester d’un certain nombre de troubles qui affectent notre âme.

Ainsi faut-il réussir à se moquer de ce que les autres peuvent dire ou penser de nous. De même, on a tout à gagner à regarder ce qui nous arrive avec neutralité, sans nous laisser déborder par nos émotions, sous risque de donner des interprétations erronées (et souvent douloureuses) aux événements. Par ailleurs, il est essentiel de se libérer du poids du passé, qui est derrière mais peut faire souffrir si on le ressasse, ou de l’avenir, qui n’est pas encore mais qui inquiète déjà.» En résumé, donc: essayons de vivre ici et maintenant…

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