
reportage
Tote-ale invasion: le cabas en coton est partout!

Elena et son tote bag japonais rouge et blanc.
© Anne-Laure LechatIl est fonctionnel, fabriqué en toile, muni de deux longues anses et remplace les cabas en papier ou en plastique avec style. Son nom? Tote bag. Ses avantages? Comme l’ont affirmé la majorité des passants interviewés entre Genève et Lausanne, «il est léger, facile à ranger dans un sac à dos et ne se casse pas comme les cabas en papier qu’on achète en magasin.» Simplissime, l’accessoire n’a pourtant rien de glamour. Dès lors, comment est-il devenu un objet branché qui remplace même, pour certains, le sac à main à temps complet?
D’abord, moins tape-à-l’œil que les it-bags des années 2000, très abordable et surtout pratique, le tote bag affiche une façon de consommer plus consciente, un brin militante. «Il s’est d’abord imposé dans les sphères culturelles et artistiques, exprimant une posture anti-mode», explique Aude Fellay, maître d’enseignement de la filière Design mode, à la HEAD Genève.
«À la frivolité supposée des apparences on oppose donc le sérieux de l’art ou de la littérature.»

Gratifié d’un rôle éco-responsable, le tote bag a dès lors tout pour séduire une population soucieuse de l’environnement, mais «l’anti-fashion n’échappe pas au phénomène de mode», poursuit Aude Fellay. Devenu tendance, l’accessoire profite en effet autant, si ce n’est plus, à l’industrie qu’à l’utilisateur.

Faire parler une marque, faire parler de soi
Face au succès populaire du tote bag, les marques se sont ainsi réapproprié la pièce pour en faire un outil de communication. Côté consommateur, l’accessoire, désormais estampillé d’un logo, devient un moyen d’afficher son appartenance. Alexandra Jubé, fondatrice du bureau de tendances parisien qui porte son nom, y voit une relation gagnant-gagnant:
«On ne va pas porter n’importe quel tote bag. On le choisit en fonction du message qu’il va diffuser sur nous.»
«Que ce soit une marque, un lieu culturel ou en série limitée, il est associé à un événement spécifique et, par conséquent, signifie que j’y ai participé.» On l’aura compris, le côté low profile revendiqué par certains n’est pas toujours vérifié.

Consommation/malédiction
Un sac pas si discret, donc, et dont l’aura écologique est elle aussi discutable, puisque la production de son coton est extrêmement polluante. Dans une de ses dernières chroniques sur France Inter, l’humoriste Marina Rollman observe d’ailleurs avec esprit notre comportement paradoxal: «Quand je rachète des trucs, je rachète un tote bag avec et maintenant, j’en ai trop!»
«C’est en train de prendre des proportions ingérables; on dirait qu’ils se multiplient […]. Vous vous rendez compte de tout ce qu’on consomme pour ne pas consommer plus!»

Face à cette surconsommation qui prend des allures de fatalité, chacun développe ses propres ruses pour faire vivre la dizaine de cabas stockés dans l’armoire. Ainsi, Mariana assigne-t-elle un rôle à chaque sac: «J’en ai un que j’utilise pour mon maquillage, l’autre, qui est bleu, me sert à mettre mes chaussures à talons, j’en ai un autre dans lequel je transporte mon ordi et un plus grand qui me sert à faire les courses au marché.»
D’autres changent la face de leur sac en… le retournant, lorsqu’ils n’assument plus – ou moins – les textes imprimés. Certains, enfin, déjouent la surconsommation en confectionnant leurs propres besaces à partir de chutes de rideaux, ou en apposant leurs illustrations sur la toile vierge.

Ces comportements ne laissent bien évidemment pas de marbre les créateurs de mode, qui se mettent à l’upcycling. C’est le cas du designer suisse Rafael Kouto ou encore de la lauréate de la HEAD Giulia Chéhab, dont le travail de diplôme, intitulé Augmented Tote, donne naissance à des sacs modulables selon les activités du quotidien.

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