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Oubliez les machines à coudre... Le futur de la mode va vous surprendre!
La mode se porte bien. Et c’est peu dire. Aujourd’hui, en effet, le consommateur moyen achète environ 60% de fringues de plus qu’en 2000. Mieux encore – pour le chiffre d’affaires de la branche –, nous gardons nos vêtements deux fois moins longtemps qu’auparavant. Ce n’est pas tout, car si le présent est prospère, l’avenir s’annonce radieux. Selon une étude de la fondation Ellen MacArthur, la production de vêtements pourrait encore augmenter de 15% d’ici 15 ans.
Cette croissance insolente doit pourtant faire face aux changements de mentalité. De plus en plus de consommateurs attendent des fabricants des preuves de durabilité et de transparence. Le drame du Rana Plaza, au Bangladesh, en 2013, dans lequel un millier de travailleurs de la confection avaient péri dans l’effondrement d’une usine, a en outre montré au monde à quel prix humain se payait parfois la fast fashion.
La pression monte également pour favoriser la production écologique des vêtements et leur recyclage en fin de vie. Toujours selon la fondation MacArthur, qui milite pour une économie responsable, 400 milliards de francs seraient perdus chaque année dans le secteur de la mode, faute de recyclage ou de revalorisation.
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Innovation vs consommation
Les industriels de la mode doivent donc se frayer un chemin difficile entre développement de l’offre et sagesse environnementale. Heureusement, la bonne santé du secteur permet de financer les innovations et d’investir dans la recherche. De nouveaux matériaux sont essayés – à base de champignons, d’algues ou de soie d’araignée synthétique. De nouveaux concepts de vente en ligne voient également le jour, mêlant algorithmes et intelligence artificielle à un rythme enfiévré, dans un marché qui n’en finit pas de s’emballer, mais exige aussi de faire mieux avec moins.
Fin observateur de ce monde, Yannick Aellen, fondateur et directeur de Mode Suisse, ne dit pas autre chose. «Même ici, à Mode Suisse, on est toujours plus dans ce raisonnement de faire moins, de calmer la frénésie qu’on lit en filigrane de ces avancées.» Et de citer pêle-mêle le ralentissement du nombre de collections par an, ou la thématique de l’upcycling. Voici cinq trends qui vont marquer la mode demain.
De la personnalisation partout
On ne compte plus le nombre de marques qui proposent un service de personnalisation. Et cela ne touche pas uniquement la sphère du luxe: la grande distribution est active là aussi. C’est ce qu’on appelle la personnalisation de masse. Aujourd’hui cette tendance est accentuée par le développement digital et l’engouement général du public pour l’e-commerce.
Nike l’avait déjà bien compris il y a une vingtaine d’années en lançant son concept de NikeiD, désormais baptisé Nike By You: on peut customiser ses baskets sur le site, à partir d’un modèle de base, puis les recevoir à la maison dans la version unique qu’on a soi-même dessinée. Pareil dans l’horlogerie. Swatch, connu pour casser les codes, propose Swatch x You: on choisit le motif qui habillera sa montre via un canevas.
Si la personnalisation semble être un moyen de réduire le volume de production, l’idée est avant tout de créer le dialogue entre la marque et le consommateur. Malheureusement, la customisation se limite encore bien souvent à la portion congrue. Exemple luxueux chez Dior, dont le récent service ABCDior permet de broder son prénom sur le sac à main en toile de Jouy, le Book Tote.
La personnalisation est ainsi encadrée, les marques souhaitant garder le contrôle de leur image. Les envies créatives du client sont soigneusement délimitées et sa marge de manœuvre comptée:
Le sur-mesure se démocratise
Le sur-mesure est encore et toujours synonyme de haut de gamme, mais les nouvelles technologies changent la donne. Aux USA, plusieurs marques de niche ont vu le jour (Careste, SuitKnits), tandis qu’un multimillionnaire a fait buzzer la planète entière avec sa Zozosuit, combinaison noire et moulante équipée de points blancs qui permet, dans le confort de son chez-soi, de faire un scan de son corps pour ensuite commander des pièces ajustées à ses mensurations.
Plus simples d’utilisation, toujours plus de sites permettent, grâce à un algorithme, d’établir avec quelques questions (âge, taille, pointure, morphologie) notre vêtement idéal. «Il y a dans cette nouvelle façon de proposer du sur-mesure, à distance, quelque chose de génial, s’enthousiasme d’abord Yannick Aellen, mais à condition que le résultat final soit à la hauteur. Après, il ne faut pas que ce genre de procédés se fasse au détriment des problématiques actuelles: si c’est combiné avec une production locale, en utilisant si possible des matières premières respectueuses de l’environnement, alors là oui, ça devient intéressant. Plus en tout cas que de commander online des baskets produites à des centaines de milliers d’exemplaires.» [JP]
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Le vêtement imprimé
Au départ, l’imprimante 3D nous a vendu du rêve: nous pourrions bientôt fabriquer en trois clics un hochet pour le petit, une caisse pour le chat, une vis qui manquait dans l’emballage Ikea. Puis, il a fallu déchanter. Les innovations, parfois, ça prend du temps. Heureusement, quelques créateurs ont persévéré, montré le potentiel du procédé, à l’image de la papesse du mouvement, Iris Van Herpen. Toutefois, tout cela est resté l’apanage de la haute couture, nécessitant des ressources que le commun des mortels n’avait pas.
Jusqu’à l’arrivée de Danit Peleg, créatrice de mode basée à Tel-Aviv. Citée dans Vogue ou dans le New York Times, elle a créé une veste – 1500 francs, tout de même – customisable online et entièrement imprimée en 3D.
Les défis à relever avant d’en arriver là? Le temps de fabrication, d’abord. Sa veste nécessite aujourd’hui 100 heures d’impression. Dans les Fablabs de Romandie, on connaît cette précurseure, ainsi que les limites actuelles de la 3D. «C’est extrêmement long: une suite de maillons de la surface d’une feuille A4 par exemple prend à peu près 20 heures d’impression, estime Mélanie Thomas, community manager au Fablab de Neuchâtel. C’est le second obstacle le plus notable.»
Le premier étant qu’il n’existe aujourd’hui pas de logiciels adaptés spécifiquement à la conception de vêtements. «Danit Peleg a eu recours à plusieurs ingénieurs en conception 3D pendant plusieurs mois pour réaliser sa première collection! Il faudrait que vous ayez un niveau avancé en création 3D et en conception de patronage de couture pour vous lancer vous-même aisément dans la fabrication d’un vêtement.»
Véritable performance artistique aujourd’hui, l’impression 3D devrait toutefois se démocratiser dans un futur plus ou moins proche.
Les collections virtuelles
Ceci n’est pas de la science-fiction: dans un monde où le virtuel prend toujours plus d’importance, certaines marques proposent désormais des vêtements qui n’existent pas IRL (in real life, dans la vraie vie, pour les initiés). On peut donc les acheter online, et les porter uniquement sur Instagram. Bilan? Moins de matières premières utilisées, moins de pollution, mais tout autant de likes!
Comment ça marche? On envoie une photo de soi et la marque habille notre avatar. Simple comme bonjour. Des enseignes réelles de prêt-à-porter, comme Carlings, ont déjà créé des collections capsules de ce nouveau genre.
D’autres marques ouvrent des pop-up stores ne présentant aucun vêtement. A l’intérieur, les portants et les cintres sont remplacés par des écrans présentant des modèles au réalisme bluffant. Le client peut les commander en quelques clics et la fabrication s’adapte au plus près à la demande. La démarche se veut, là encore, une réponse au gaspillage, voire aux abus de l’#ootd, le fameux Outfit of the day et ses plus de 200 millions d’occurrences sur Instagram.
Le concept consiste à partager chaque jour sur les réseaux sa tenue, qui ne sera – c’est le cœur du concept – jamais deux fois la même. On comprend dès lors que la surenchère se révèle délétère pour une mode qui se rêve durable. Avant, la réponse consistait à poster sa tenue sur Instagram en cachant l’étiquette et à la ramener ensuite en magasin (on parle d’ailleurs de génération retour), ni vu ni connu! Demain, on louera de la fringue virtuelle...
Toutefois, tout le monde n’éprouve pas le même optimisme. «Je ne sais trop qu’en penser, avoue l’influenceuse romande Sarah Quan, alias Fashionboho sur Insta. Tout ça me paraît surnaturel. Par ailleurs, ces digital clothing collections peuvent constituer un outil publicitaire pour les marques, poussant encore plus à la consommation.» Par contre, l’apparition d’égéries virtuelles qui se mêlent à des personnes influentes de la mode bien vivantes la fascine, «comme le personnage de Lil Miquela, qui porte des pièces design des dernières collections et partage des photos avec des stars réelles». Oui, il va être bientôt difficile de séparer le réel du virtuel sur votre fil social… [JP]
Hatsune Miku ou Lil Miquela: bienvenue dans l’ère des stars virtuelles
Les Intelligences Artificielles s’en mêlent
S’offrir l’expertise d’un personal shopper en mode via un cabinet privé ou un grand magasin est devenu chose courante. À l’ère du digital, ces services aussi évoluent. Fin 2018, le site allemand lançait le concept Zalon by Zalando en Suisse romande. Pour une occasion particulière, et selon votre budget, un styliste vous concocte, par écrans interposés, un look d’après vos goûts préalablement fournis grâce à un questionnaire. Vous recevez ensuite votre sélection à la maison.
Et si le styliste était un robot, qui vous conseillait via des algorithmes? Le géant chinois du commerce en ligne Alibaba a ainsi développé une intelligence artificielle capable de proposer des associations de vêtements et d’accessoires. Elle a été entraînée sur plus de 500 000 tenues assemblées par des stylistes, pour réaliser des analyses de tendances et en fonction de ce que les gens avaient commandé depuis leur compte Alibaba.
Afin de tester la démarche grandeur nature, le distributeur a ouvert l’été dernier un concept store éphémère, à Hongkong. Fashion AI est une boutique physique classique. A l’entrée, les clients se connectent à leur compte via smartphone et font leur choix, comme partout ailleurs. Seule différence, chaque vêtement possède une puce qui est lue et enregistrée chaque fois qu’on la choisit.
Sur un écran, le client peut voir les suggestions d’associations proposées. Il n’a plus qu’à se rendre en cabine, quelqu’un lui apportera les vêtements sélectionnés. Si la personne souhaite acheter plus tard, la sélection effectuée sera sauvegardée sur son compte.
Intégrer le commerce classique à la Toile, créer un pont entre les deux mondes, c’est donc aussi ça, le défi futur de la mode. [BL]
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