témoignages
On m’a souvent pris pour une fille
Je me souviens très bien du moment où j’ai dit à ma tante, qui a un salon de coiffure, que c’était la dernière coupe courte que j’aurais avant longtemps. C’était juste avant la rentrée scolaire d’août 2015. J’avais 8 ans, et j’avais décidé que je ne me ferais plus couper les cheveux jusqu’à ce qu’ils m’arrivent au bas du dos. Mes parents étaient un peu surpris, et je pense qu’ils se sont dit que je ne tiendrais jamais le coup. Mais cette décision n’avait rien d’un coup de tête: je voulais offrir mes cheveux à une association qui en ferait des perruques pour des personnes atteintes de cancer. Depuis ce jour et jusqu’aux dernières vacances de février 2018, je n’ai plus laissé de ciseaux approcher de ma chevelure.
J’ai testé: me couper les cheveux pour la bonne cause
J’aime aider
Cette idée n’est pas tombée du ciel. C’est ma maman qui me l’a inspirée. Mais ce n’est pas elle qui m’a demandé de le faire. Je me souviens qu’un jour, elle lisait un article sur Facebook dans lequel un petit blondinet expliquait qu’il s’était laissé pousser les cheveux pour les offrir à des personnes souffrant de cancer, et combien son chemin avait été difficile: il n’avait pas arrêté d’être la cible de moqueries, d’être traité de petite fille. Cette histoire a révolté ma mère, qui ne comprenait pas comment on pouvait se moquer de quelqu’un qui voulait aider les autres. On est comme ça dans ma famille, on se soucie des autres. Pourquoi est-ce qu’on devrait se justifier quand on fait une bonne action? J’ai cogité pendant toutes les grandes vacances d’été qui ont suivi. Jusqu’à ma décision quelques jours avant la rentrée scolaire. Cela a inspiré ma mère qui a suivi mon exemple et a coupé ses longs cheveux bruns bouclés l’été dernier.
Mes parents m’ont soutenu bien sûr. Depuis le bac à sable j’aime aider les autres, je suis comme ça et je ne me pose pas de questions, je fonce.
Une petite fille atteinte d’un cancer reproduit la coupe de Cara Delevingne
Jolie fille
Mon papa est d’origine marocaine et ma maman a des origines guyanaise, italienne et anglaise. Côté chevelure, je suis plutôt gâté et ça pousse très vite! La longueur minimum pour en faire don est de 25 centimètres. Je m’étais fixé comme longueur le bas du dos. Mais comme ils sont frisés, il a fallu développer des stratégies pour qu’ils ne fassent pas de nœuds. Chaque soir, ma maman me faisait des tresses pour dormir. Qu’elle défaisait le matin, car je n’aimais pas me voir avec. Mes parents ont bien essayé de me montrer des photos de joueurs de foot ou de chanteurs de rap cool qui portaient des tresses collées ou des cheveux relevés en chignon pour m’inspirer, mais moi je les voulais détachés ou en queue de cheval. J’assumais.
Combien de fois mes parents on-t-ils dû dire que non, ils n’avaient pas deux filles, mais un fils et une fille… c’est surtout pour eux que c’était difficile ces remarques, comme si ils devaient toujours se justifier. Je me souviens que quand j’ai accompagné ma mère à son travail, à la journée des métiers, elle était un peu mal à l’aise quand un de ses collègues lui a dit que son fils avait trouvé la plus jolie fille pour passer la journée, en parlant de moi… et puis on en a rigolé! J’ai les traits assez fins, et même si je m’habillais comme tous les garçons de mon âge, avec mes cheveux longs, je passais toujours pour une fille.
Fier d’avoir réussi
Je dirais que le plus pénible au final, ce n’était pas les remarques, mais le fait que beaucoup de femmes se sentaient le droit de me toucher les cheveux systématiquement pour dire combien ils étaient magnifiques. C’était la seule chose qui me gênait. Durant ces deux ans et demi, je n’ai jamais pensé à passer par la case coiffeur. Quand chacune de mes tresses faisait 33 centimètres, ce qui était la longueur que je m’étais fixée, on a pris rendez-vous chez ma tante pour qu’elle me coupe les cheveux, deux ans et demi après mon dernier passage chez elle.
Quand je suis sorti, j’ai senti le vent dans mon cou, et je me suis dit que c’était bizarre comme sensation. Je n’ai pas fait ça pour me faire remarquer, et je ne témoigne pas non plus pour ça, mais j’espère que cela pourra inspirer d’autres personnes. D’ailleurs, j’ai décidé de répéter l’expérience en les laissant pousser encore deux ans.