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«Je suis infirmière et auteure de livres jeunesse»

Temoignage je suis infirmiere a domicile et auteure de livres jeunesse

«Les livres jeunesse représentent des bouées de sauvetage, ils rechargent mes batteries et allègent mon quotidien. On entend souvent qu’il faut prendre soin de son enfant intérieur et je crois que je suis en plein dedans: quand je me plonge dans l’écriture, tout devient fantaisiste, léger et drôle!»

© Joelle Neuenschwander

Voilà plus de vingt-cinq ans que je suis infirmière. Je dis souvent, en plaisantant, que je suis une sorte de dinosaure, car il ne s’agit généralement pas d’un métier qu’on pratique durant plus d’une décennie. Il requiert une empathie permanente, on est constamment dans le don de soi. Souvent, je me demande comment je suis arrivée jusqu’ici, car je suis partie la fleur au fusil! Pour commencer, j’ai tenté une année de médecine, à Paris, mais je n’ai jamais vraiment réussi à trouver ma place dans cette faculté. Elle m’a toutefois ouvert la voie que je recherchais.

En fin de première année, j’ai obtenu un stage en médecine tropicale, lors duquel j’ai pris soin de personnes atteintes du VIH. Durant les années 90, les possibilités de traitements étaient plus rares qu’aujourd’hui et je suis tombée dans un univers à la fois très dur et très intense. Les patients m’ont profondément marquée, j’entretenais avec eux des conversations incroyables, d’une sincérité bouleversante. Cette expérience m’a donné envie de m’inscrire en école d’infirmiers.

Mon diplôme en poche, j’ai travaillé à l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, avant de poser mes valises en Suisse, pour suivre le papa de ma fille. Une fois sur place, durant dix ans, j’ai œuvré en dialyse. Le contexte était plus gérable sur le plan émotionnel, sachant que l’hôpital et les soins ambulatoires vous offrent une structure, un lieu qui protège votre vie privée. Or, j’ai fini par ressentir l’envie de vivre un nouveau challenge. En dialyse, je me sentais frustrée de rencontrer des gens à un instant T, de leur administrer un traitement, puis de les renvoyer chez eux sans savoir de quelle manière tout cela s’intégrerait dans leur vie personnelle. Je me suis donc réorientée vers les soins à domicile, afin de développer cette piste plus sociale, plus intime.

Inspectrice du quotidien

Aujourd’hui, et depuis quatre ans, ce métier me demande d’être souriante et accompagnante chaque jour, même quand il est difficile pour moi de fournir cette énergie-là. Comme on soigne les patients chez eux, on encaisse tout: leurs humeurs, leur solitude, leur précarité, parfois. Il s’agit d’une profession très authentique, mais émotionnellement lourde, puisque nous sommes confrontés de façon quotidienne aux aspects les plus difficiles de la vie. Nous faisons un peu office d’inspecteur, de relais permanent avec les médecins et les proches aidants. Il faut guetter chaque symptôme, chaque signe et cela dans un contexte où nous sommes entièrement seuls.

Les relations que je tisse avec les patients ont toujours représenté un puissant moteur, mais, hélas, je constate qu’on ne s’endurcit pas au fil des années! J’ai plutôt le sentiment que ma sensibilité a grandi simultanément à mon expérience.

En ce moment, le coronavirus alourdit davantage le quotidien, bien que la solitude de certains patients soit tout aussi présente avec ou sans pandémie. Durant la première vague, le télétravail a permis à de nombreuses familles de prendre le relais, tandis que d’autres, plus en retrait, nous considéraient comme des sauveurs. Les gens se montraient compréhensifs et reconnaissants. Or, dès la seconde vague, une forte lassitude s’est fait sentir. Les patients parviennent à saturation et comme nous représentons des partenaires du quotidien, nous en faisons parfois les frais. Le rythme s’est d’ailleurs accéléré, car les hôpitaux sont contraints de renvoyer plus rapidement les personnes chez elles. Nous nous retrouvons donc avec des prestations assez importantes à effectuer à domicile.

Un contexte humain puissant

Au cœur de tout ça, ce sont les instants de connexion et les récits de vie qui m’encouragent le plus, quand une personne me fait suffisamment confiance pour raconter des secrets très intenses. J’ai notamment connu un patient sur lequel pesait un passé familial terrible et dont il n’avait jamais parlé. Un jour, il m’a soudainement tout raconté. La vanne s’est ouverte une seule fois de toute sa vie, puis s’est refermée pour ne plus jamais se rouvrir.

Un autre échange qui m’a énormément touchée remonte à quelques mois. Un patient m’a confié qu’il ne pourrait jamais exprimer à quel point il se sentait reconnaissant quand on lui donnait la douche, qu’on lui essuyait le visage et qu’on s’occupait de lui de cette façon. Il pleurait en expliquant ça.

Au début de ma carrière, je ressentais sans doute l’envie de «sauver tout le monde» de faire «ma Mère Teresa», comme le disait ma maman. Mais aujourd’hui, ce qui m’anime, ce sont ces moments d’intense humanité cachés dans de petits riens.

La littérature, une bouffée d’oxygène

Lorsque je ressens le besoin de me libérer de certaines choses pour me rattacher à la vie et au présent, je m’appuie sur trois piliers: mes proches, la nature et les livres. Il y a quelques années, j’ai baissé mon temps de travail et me suis proposée comme bénévole dans une librairie pour la jeunesse. J’avais toujours rêvé de faire ça! Je lisais également des histoires à des enfants au sein d’une association. Puis un jour, je suis rentrée chez moi et me suis mise à en rédiger une, à mon tour. En un trimestre, je me suis retrouvée avec dix histoires terminées. Et à ma grande surprise, un éditeur a accepté d’en publier une. Pour une fille sortie de nulle part, c’est un véritable conte de fées! Depuis deux ans, j’ai rencontré des gens extraordinaires qui m’ont donné une chance et publié quatre albums. La Suisse m’a offert cette opportunité, car j’y ai trouvé une liberté de créer et d’oser que je n’aurais peut-être pas pu saisir quand je vivais à Paris.

Cette activité m’apporte un équilibre et me permet de développer mon côté créatif. J’hésite parfois à écrire des textes destinés aux adultes, mais je crois que je me déprimerais toute seule! Les livres jeunesse représentent des bouées de sauvetage, mon point d’ancrage. Ils rechargent mes batteries et allègent mon quotidien. On entend souvent qu’il faut prendre soin de son enfant intérieur et je crois que je suis en plein dedans! Quand je me plonge dans l’écriture, je suis dans le monde de l’enfance et tout devient fantaisiste, léger et drôle!

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