Chronique sexe
Romy Siegrist: «Visibiliser uniquement les corps jeunes implique de la souffrance»
C’est le week-end du Jeûne fédéral, avec ses jours de congé officiels, engendrant des possibilités de vadrouille – que je vous souhaite coquine si ça vous enchante –, histoire de repousser encore un peu la fin de l’été. Le jeûne a donc des avantages, valorisant aussi inconsciemment son homophone. Si «l’on ne peut pas être et avoir été», comme le pensait ma grand-tante, et que notre société âgiste continue de maintenir cette croyance, d’autres personnes, souvent féministes, œuvrent à changer notre rapport au monde, aux corps. L’âge a ses atours également. Il n’y a pas que la jeunesse qui est désirable, qui peut ressentir du plaisir, et en prendre – au contraire.
À noter que les injonctions au jeunisme touchent particulièrement les femmes: demande-t-on aux hommes de se faire lifter les boules? Non. Celles-ci donc (pas les boules), pour rester sur le «marché» de la séduction, devraient être fraîches, fermes, et couvertes de rosée telle une pomme. Mais c’en est fini d’être les bonnes poires! Je vous partage une phrase marquante:
Comme la peau fripée est douce
Bon sang ce que c’est juste. Valoriser et visibiliser uniquement les corps jeunes implique de la souffrance chez certaines, du stress anticipatoire chez d’autres, et de la culpabilité chez des hommes qui ont des pensées intrusives à ce sujet. Je l’entends presque quotidiennement. Parce qu’il faut commencer tôt à éviter la moindre ride. Parce qu’il faudrait prévenir cette «décrépitude». Parce que récemment encore une influenceuse de 24 ans se vante d’avoir retrouvé un vagin de «12 ans» grâce à des interventions médicales, que le porno mainstream est rempli de vidéo de «teens» (ados) et de «tight pussy» (chatte serrée), et que tout cela est grave.
Car pourtant, mon Dieu, comme la peau fripée est douce. Comme le corps devient de plus en plus unique, avec ses valons, ses marques, ses vagues, son histoire. Comme le plaisir de rencontrer cette densité de vie est beau. Comme la puissance de la connexion, de la connaissance de soi, est galvanisante. Se régénérer n’est pas rajeunir. C’est amener de la vie, pas ôter de l’âge ou de l’expérience. Je ne dis pas que la jeunesse n’a pas d’attraits, mais qu’elle n’en a clairement pas l’apanage.