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Le secret pour s'affirmer et avoir confiance en soi? Travailler sa voix
La voix compte pour 38% dans l’impact du message qu’on veut faire passer. Ce chiffre, tiré de l’étude désormais classique du psychologue Albert Mehrabian, hante souvent ceux qui doivent prendre la parole en public car, avant même de penser au contenu du discours, il s’agit d’être prêt vocalement parlant.
Et cela vaut pour un entretien d’embauche, pour une réunion, comme pour une présentation devant dix ou mille personnes. Toutefois, au-delà du fait de se faire entendre, au propre comme au figuré, le travail de la voix permet aussi, et surtout, de s’affirmer, de gagner en confiance en soi, un exercice qui revêt encore plus d’importance quand on est une femme.
A l’instar de Thiveya, trentenaire consultante en stratégie digitale, à qui la voix douce a joué des tours pour faire valoir ses compétences. «Je suis de nature introvertie et j’ai tendance à parler trop doucement lorsque je fais des présentations.
Au premier contact, lors d’un entretien d’embauche par exemple, l’image que renvoie ma voix a parfois fait que mes compétences professionnelles ont été sous-estimées.» Comme si une voix douce, voire enfantine, révélait une personnalité forcément incapable d’endosser des responsabilités. La signature vocale véhicule donc des clichés, comme l’explique la coach vocale Christine Moussot:
Une expérience qu’a vécue Thiveya, malgré un environnement professionnel dans lequel elle se sentait en confiance. «J’animais des séminaires, même si l’exercice ne me plaisait pas beaucoup. On me disait que je parlais trop doucement. Un jour, j’ai senti que je forçais et que ma voix n’était pas naturelle. J’avais atteint la limite de ce que je pouvais faire pour me faire entendre», raconte la jeune femme.
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Comme pour Thiveya, c’est le sentiment de ne pas réussir à s’affirmer par la voix devant un public, malgré de solides compétences, et souvent dans un environnement masculin, qui pousse de plus en plus de femmes à avoir recours aux services de coaches vocaux.
Et la pression est encore plus forte lorsque lesdites femmes occupent des postes de cadres. Une tendance que Virginie Servaes, coach vocale et auteure du livre «Trouver sa voix et faire son chemin» (Ed. Eyrolles pratique) confirme:
Pour Thiveya, c’est la perspective d’une présentation en amphithéâtre devant des commerciaux, qui l’a poussée à faire appel à une coach vocale. «Le cap a été difficile et très rapide. Je n’étais clairement pas outillée. La coach m’a aidée à me centrer, à conscientiser ma voix, à travailler ma posture. Ça a duré plusieurs mois et m’a aidée non seulement dans le cadre professionnel mais aussi sur le plan personnel: j’ai gagné en assurance. Maintenant, quand je prends la parole et que je commence à avoir une petite voix, je corrige. Je sais ce qu’il faut régler dans ma posture, ce qui peut avoir un impact dans mon environnement. Je ne subis plus la situation.»
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Directrice RH d’une grande entreprise et pourtant rompue aux prises de parole en public, Sylvie a également ressenti le besoin d’être accompagnée: «J’ai commencé le coaching vocal l’été dernier, car je devais parler devant environ 3000 personnes pour délivrer un message précis et percutant dans un laps de temps inférieur à 3 minutes. Je savais que j’aurais un trac qui serait compliqué à gérer et cette présentation était un enjeu important, raconte-t-elle, J’avais l’habitude de m’exprimer en public, mais jamais devant un auditoire aussi important. Par ailleurs, j’étais restée sur une mauvaise expérience de prise de parole durant laquelle ma voix avait complètement déraillé. Je n’arrivais pas à la maîtriser.»
© Ben Kolde
Le poids du conditionnement
La mise en avant sonore serait donc plus compliquée pour les femmes. Mais pourquoi? «A la base, il n’y a pas de raison qu’une femme ait des problèmes vocaux spécifiques. Toutefois, il existe des clichés, notamment celui de la femme hystérique qui monte dans les aigus, et un conditionnement qui est renforcé», commente Christine Moussot.
Un conditionnement qui remonte à l’enfance, explique Marta Roca i Escoda, sociologue au Centre en études genre de l’Université de Lausanne: «En sociologie de l’éducation, beaucoup d’études montrent que, dès la crèche, les enfants se divisent en groupes sexués à travers les jeux, l’utilisation de l’espace, de la voice [ndlr: un terme développé par l’économiste Albert Hirschman, qui définit la prise de parole audible dans l’espace public pour se faire entendre et porter sa voix].
De par la socialisation, les filles prennent moins d’espace, ont des jeux avec moins de compétition. Niveau communication, elles sont plus soucieuses de la parole des autres et expriment plus souvent leur accord pour ce qui est dit par leurs camarades. Elles s’arrêtent aussi plus facilement de parler pour laisser l’autre s’exprimer. Même si c’est souvent inconscient, cette attitude différenciée est entretenue par les enseignants eux-mêmes. Ces différences font partie de ce qu’on appelle le curriculum caché.»
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Ce conditionnement vocal s’exprime particulièrement, en entreprise, dans l’encadrement mais aussi, de manière plus visible, dans le milieu politique.
La force des silences
Cette propension à plus d’écoute n’est donc pas, de loin, un frein à la prise de parole féminine. «La posture de la femme qui prend moins la parole dessert certes encore, relève Christine Moussot. Pourtant, une étude récente a révélé que le Q.I. d’un groupe augmentait non pas avec la somme des Q.I. individuels, mais avec le nombre de femmes présentes.
La raison? Elles font preuve d’une considération plus importante pour les autres, laissent plus volontiers la parole à chacun et équilibrent mieux le temps de parole. Plus de femmes, c’est plus d’écoute collective et des talents qui peuvent ainsi se multiplier. Ça veut aussi dire que nous ne sommes pas obligées de nous comporter comme des hommes ou d’imiter le style masculin en entreprise pour nous faire entendre», conclut la coach.
C’est également l’avis du Dr Jean Abitbol, qui a étudié les voix féminines depuis une trentaine d’années. Pour celui qui vient de sortir un livre sur le sujet (Voix de femme, Ed. Odile Jacob), «il faut garder une séduction de persuasion dans la voix. Son côté émotionnel, sincère, doit passer. Un bon coaching, quel qu’il soit, c’est le silence entre les mots, et comprendre la façon dont l’autre reçoit le message.»
Des conseils pratiques pour se préparer avant de prendre la parole
Christine Moussot, coach vocale (auteure de «Femmes, faites-vous entendre. S’affirmer par le travail de la voix», éd. Odile Jacob):
- Pour celles qui ont peur de décrocher dans les aigus: Bien poser sa voix en prenant quelques minutes pour détendre la mâchoire inférieure. Laisser l’air aller et venir par la bouche, ce qui va installer naturellement une respiration abdominale. Faire quelques mmmh bouche fermée avant de commencer pour sentir les vibrations de la voix dans la poitrine. Essayer de garder des sensations vibratoires entre la poitrine et le cou pendant la prise de parole. Plus le son est aigu, plus les vibrations sont hautes dans le corps. Du coup, si on stabilise la vibration, on stabilise la hauteur de la voix.
- Pour celles qui ont peur de ne pas être entendues ou d’avoir la voix qui tremble: Démarrer un peu plus fort que d’habitude en faisant attention à bien articuler et à ouvrir la bouche suffisamment, ça donne de l’énergie et assoit la légitimité
- Pour celles qui sont perçues comme un peu agressives: Ouvrir son visage, sourire avec les yeux (pas nécessairement avec les commissures), ouvrir sa posture. Lier les sons entre eux, faire en sorte de ne pas saccader le son. La respiration abdominale pourra, là aussi, beaucoup aider.
Témoignage: «Il faut trouver le ton qui touche le public»
Laurence Bisang, animatrice radio à la RTS depuis 30 ans, actuellement pour l'émission «Les Dicodeurs» sur La Première
Crédit photo: Philippe Christin
«Quand j’étais petite et que je m’entendais sur cassette, je me disais que ma voix était horrible et que s’il y avait bien un métier que je ne ferais pas c’est de la radio. Ça fait trente ans que je suis animatrice à la RTS. On peut dire aujourd’hui que je suis amie avec ma voix, mais je ne m’écoute pas non plus. Je n’ai jamais fait de test ou de pose de voix.
Quand j’ai commencé sur Couleur3, je me suis jetée dans le grand bain sans manchons. La seule chose qu’on m’ait dite avant de prendre l’antenne c’est: Soit toi-même! Mais quand on a un micro, qu’on doit lire un texte, il y a plein de choses qui font qu’on n’est pas forcément soi-même, qui sonnent faux. Il faut s’en débarrasser pour être naturelle. J’essaie de faire ressortir ma personnalité à l’antenne. Après, la voix vient avec.
J’écris tout, c’est ma bouée, mon cadre, mais ensuite je lève la tête du papier et je me permets des pas de côté. Il faut trouver le ton le plus naturel possible, la façon d’être avec le public, de le toucher plus facilement.
Quand j’ai commencé Les dicodeurs et que je me suis retrouvée entourée d’hommes, ce n’était pas un rôle que je connaissais bien. Au début, j’avais tendance, pour donner de la voix, à la monter. C’était affreux. Je tournais en crécelle. Dans la vie c’est comme ça aussi: si on parle doucement, c’est encore plus fort. Quand le ton monte ou que la discussion s’emballe, je laisse aller et je reprends quand ça s’est calmé. Ça ne sert à rien de surenchérir. Le silence, ça attire l’attention aussi.»
Témoignage: «Une femme ne doit pas parler plus fort qu’un homme pour se faire entendre»
Crédit photo: Yvain Genevay
Brigitte Rosset, comédienne, actuellement en tournée avec Frédéric Recrosio dans le spectacle «Les amis»
«Quand les femmes hurlent, personne ne les écoute, mais une femme ne doit pas parler plus fort qu’un homme pour se faire entendre. Je connais d’ailleurs des comédiens qui font exprès de parler doucement pour qu’on les écoute. Quand le public vient à un de mes spectacles, je sais qu’il vient me voir, m’écouter, mais quand je dois prendre la parole en public ailleurs que sur scène, je suis un peu décontenancée. Je me demande si les gens présents sont intéressés à m’écouter.
Alors je me prépare, j’écris, je fais du coaching mental: je me dis que si j’ai été invitée à prendre la parole, c’est qu’il y avait une raison et que je n’impose rien à personne. Ça aide. Jusqu’à un certain âge, chaque fois que je prenais la parole à l’école je devenais toute rouge. Je ne me sentais pas légitime de devoir me raconter devant la classe. Etre – ou pas – en accord avec ce qu’on dit, tout tourne autour de ça. Je le sais désormais, il faut être habité par le message qu’on veut faire passer.»
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