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Rivalité: ces mères qui jalousent leur fille

Rivalité: ces mères qui jalousent leur fille
© WireImage/ Getty

Nos appels à témoins n’ont rien donné. Pas une réponse. Enfin, si: celle de Caroline, trentenaire lausannoise, qui a accepté de rappeler à elle les souvenirs d’une enfance passée sous le regard sans pitié d’une génitrice qui voyait en elle une concurrente. Mais de maman, nenni. Aucune n’a souhaité s’exprimer sur la question et reconnaître, même sous couvert d’anonymat, qu’elle a pu jalouser sa fille. Tabou, vous dites?

Cette rivalité n’est pourtant pas aussi rare qu’on aimerait le croire. En 2014, un sondage mis en ligne sur le site internet du magazine «Marie Claire» révélait ainsi que 64% des personnes interrogées estimaient qu’une mère peut être envieuse de son enfant. «Une mère a parfaitement le droit d’être jalouse de sa fille, commente le psychiatre et psychanalyste Robert Neuburger, thérapeute du couple et de la famille à Genève. Elle peut envier sa jeunesse, sa beauté, ses copains ou, plus fréquemment, le fait que son mari s’intéresse plus à leur enfant qu’à elle. Il s’agit d’un sentiment humain, qui n’empêche pas l’amour maternel.»

Cette ambivalence est inhérente au rôle de parent. «On a envie de faire ce qu’il y a de mieux pour son enfant et, en même temps, celui-ci nous limite dans notre réalisation personnelle, explique pour sa part Nicolas Leuba, psychologue spécialiste en psychothérapie FSP au cabinet Medipsy, à Lausanne. Il est naturel d’éprouver des sentiments contradictoires. C’est une réaction émotionnelle spontanée à une certaine frustration. Mais pour la femme, c’est plus compliqué à exprimer que pour l’homme.» Pour preuve, ce forum intitulé «Jalouse de ma fille à en mourir», sur le site aufeminin.com, qui suscite des commentaires d’une grande virulence: «Tu me dégoûtes, je pense que tu as besoin de te faire s…», «crève», «grandis dans ta tête», «c’est tellement idiot que je n’ai pas de mots», «tu n’as rien compris à la vie, ma pauvre», pour n’en citer que quelques-uns. «Il est tout de même curieux que tout le monde trouve normal qu’un père et son fils soient en compétition sous prétexte qu’il s’agit là de l’expression du complexe d’Œdipe, s’étonne le Dr Neuburger, auteur du «Couple, le désirable et le périlleux» (Ed. Payot, 2015). Et ce même dans les cas extrêmes où le papa «pique» la petite amie de son garçon. Pourtant, du côté féminin, la même situation choque. Je trouve cela injuste.»

Un bon modèle

Pourquoi le fait d’envier la chair de sa chair est-il aussi politiquement incorrect pour une femme? «Admettre qu’on est jalouse de sa fille, c’est un peu comme de dire qu’on est une mauvaise mère, poursuit Nicolas Leuba. On attend d’une maman qu’elle soit un bon modèle pour ses enfants, les encadre affectivement, leur permette de développer leur identité et soit aimante. Il lui est donc difficile de s’autoriser à prendre conscience qu’elle éprouve du ressentiment ou tout autre sentiment jugé négatif à leur égard, et encore plus de l’exprimer ouvertement.» Ce d’autant que, dans la société normative qui est la nôtre, le rôle de maman est soumis à de nombreux diktats. «Le poids de ces diktats est de plus en plus lourd, reconnaît le spécialiste. Il suffit de se promener dans les rayons des librairies pour constater le nombre impressionnant d’ouvrages édictant comment on doit se comporter lorsqu’on est mère.»

Parents et copains

Dans un monde – et à une époque – où, en matière d’éducation, la place n’est plus à l’autoritarisme, la jalousie maternelle n’a pas droit de cité. «Aujourd’hui, dans les familles, on valorise le modèle démocratique, explique Caroline Henchoz, maîtresse d’enseignement et de recherche au Département des sciences sociales de l’Université de Fribourg. Selon cet idéal, les parents n’imposent pas: ils cherchent plutôt à offrir la possibilité d’échanger. On attend d’eux qu’ils accompagnent leurs enfants pour que ceux-ci puissent se réaliser. La recherche de l’épanouissement personnel est devenue centrale. Et les parents tendent à vouloir tisser des liens d’amitié avec leurs enfants.»

Un égalitarisme éducatif qui crée sans conteste un rapprochement entre parents et enfants. Mais qui, en participant à gommer les barrières entre une génération et la suivante, les met du coup en concurrence. «C’est peut-être le revers de la médaille, commente la sociologue. On partage les mêmes centres d’intérêt, ce qui nourrit plus de sujets de conversation, mais d’un autre côté, cela peut conduire à se comparer.» Dans nos vies professionnelles respectives, par exemple. Comment ne pas mettre en balance sa propre réussite et celle de son enfant, lorsque celle-ci marche sur nos traces? Et comment ne pas ressentir une pointe d’envie lorsque, comme Cindy Crawford ou Judy Garland, on voit sa fille briller autant que soi, voire davantage, et nous rappeler celle que l’on n’est plus? En mars dernier, Jules Stewart, mère de Kristen et cinéaste, exprime son dépit dans la presse: sa fille, star de la saga «Twilight», lui fait de l’ombre. «Pour le monde entier, je n’ai pas de nom, déclare-t-elle alors au «Los Angeles Times». Je suis «Maman Stew» – c’est comme ça que m’appelle sa foultitude de fans. Ou je suis «la maman de Kristen». Je suis célèbre «parce que» je suis sa mère. Mais j’ai ma propre carrière. Et je détesterais penser que c’est grâce à ma fille de 22 ans que j’ai pu réaliser un film.»

La faute au jeunisme

D’aucuns trouveront les mots de Jules Stewart indignes d’une maman. Et s’ils n’étaient, pourtant, que l’expression d’une forme de rivalité féminine qu’exacerbe le jeunisme actuel? En matière de réussite, le discours ambiant ne fait pas dans la demi-mesure: pour rester dans la course, il faut ralentir le processus de vieillissement à tous points de vue – physique, psychologique, sentimental et professionnel. Avec l’angoisse d’être laissée sur le bas-côté de la route si l’on ne correspond pas, ou plus, aux normes en vigueur. D’où un décalage entre âge réel et âge social qui, pour Robert Neuburger, favorise sans doute la concurrence entre la génération des parents et celle de leurs enfants. «En 1900, à 40 ans, on était déjà une vieille dame, rappelle le psychiatre, alors qu’aujourd’hui on est au début de sa vie. La maman n’est plus «out», elle s’accroche.»

«Si l’on indifférencie les générations et que tout le monde tend vers un même modèle, qui est celui de la jeunesse, cela peut donner l’illusion qu’on joue tous sur le même terrain, avec les mêmes règles, et entraîner une confusion», confirme Nicolas Leuba. Or, rappelle le psychologue, pour se construire, une fille a d’abord besoin de s’identifier à sa mère, avant de s’en différencier petit à petit pour développer sa propre identité. Un processus d’individualisation pas forcément facile à vivre pour la maman. Il peut être perçu comme un rejet du modèle qu’elle incarne – surtout si elle souffre d’un manque d’estime de soi – et générer des sentiments ambivalents envers sa progéniture. C’est qu’on a beau être une mère, on est aussi une femme… «Mais rapidement on y met un peu de raison car on s’aperçoit que ce n’est pas la faute de son enfant, tempère Nicolas Leuba. Le fait de ressentir une émotion désagréable ne fait pas forcément de vous un mauvais parent.»

Côté people

Mélanie Griffith Gros malaise lors de la dernière cérémonie des Oscars. Face à la caméra, Melanie Griffith, au côté de son aînée, Dakota Johnson, affirme n’avoir pas vu «50 nuances de Grey», dont sa fille est la star. Et ne pas envisager de le faire. «Ce serait bizarre», ajoute-t-elle. Visiblement exaspérée, sa fille rétorque: «D’accord, tu n’es pas obligée de le voir!»

Demi Moore Selon la presse people américaine, la star serait jalouse de son aînée, Rumer, qui en gagnant l’édition 2015 du «Dance avec les stars» américain a enfin brillé pour elle-même. Au grand dam de sa mère? Il se murmure que, durant la compétition, Demi complimentait sa fille face caméra, critiquant en coulisses ses prestations et sa tenue qui, disait-elle, «ne l’arrangeait pas». Une rivalité jusqu’en amour, puisque la star aurait déjà séduit des hommes qui plaisaient à Rumer.

Cindy Crawford En 2012, la top model déclare dans une interview: «Je regarde ma fille Kaia et je me dis: «Mais tu as mon ancienne peau, je veux la récupérer! Tu as mes anciennes jambes, je veux les récupérer! Tu as mon ancienne chevelure, je veux la récupérer!» Elle est tout simplement plus belle, vous savez.» Une jolie façon de transformer un sentiment de nostalgie proche de la jalousie en déclaration d’amour et de fierté maternels… Aujourd’hui, à 13 ans, Kaia Gerber est mannequin. Vous avez dit précoce?

Dina Lohan Les médias américains lui reprochent de tirer profit de la célébrité de sa fille. Lindsay s’enfonce dans la drogue et l’alcool, et accumule les démêlés judiciaires? Dina réplique qu’elle n’est pas responsable. Pis: elle suit son aînée dans ses beuveries. Lorsque celle-ci entre en cure de désintox, sa mère invite les caméras d’une émission people à venir filmer les progrès de Lindsay. Elle a même produit son propre reality show, où elle se mettait en scène avec sa cadette, Ali.

Madonna En 2009, «OK! Magazine» rapporte que la star a du mal à voir sa fille Lourdes (alors âgée de 12 ans) se transformer en jolie demoiselle. «Elle est envieuse de sa jeunesse et de son physique», affirmait alors le magazine, citant une source anonyme. Depuis, Madonna semble chercher à gommer la différence d’âge entre elles. A l’after party du gala du Met, ce printemps, elle ressemblait plus à la sœur qu’à la mère de Lourdes avec son minishort, son blouson de cuir, ses boots et ses chaînes en or. Le parfait look d’une ado de… 57 ans.

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